the past should be in the past

hyunsoo & mihee

Tu marches dans la ville. Seul, encore et toujours. Pourtant, une foule compacte se meut tout autour de toi. Vingt heures ont sonné, les bureaux commencent à fermer. Les employés qui en étaient prisonniers peuvent enfin en s’échapper. Le coeur léger et le pas pressé, ils sortent à la hâte de ces grands immeubles où ils ont dû passer toute la journée. Ils n’ont qu’une envie : retrouver leurs proches et, auprès d’eux, oublier les longues heures qui viennent de s’écouler. Tu aimerais tellement les imiter. Seulement, tu as beau te hâter, tu n’as nulle part où aller. Toi, personne ne t’attend. L’appartement que tu loues depuis quelques semaines est vide et silencieux. Tu tentes parfois de le remplir ; tu y laisses éclater ta rage et tes cris. Mais ceux-ci ne font que ricocher contre les murs nus de ta chambre. Tu n’obtiens jamais aucune réponse, jamais aucune consolation. Tu ravales alors ta douleur. Et de peur que celle-ci ne t’étouffe, tu sors pour respirer. Voilà pourquoi, ce soir-là, tu es dehors alors que tout le monde rentre chez soi. Sans but et à contre-courant, tu avances tant bien que mal. Ton regard suit tes pas ; il erre de visage en visage. Il se perd tant que tu ne vois même pas la personne à quelques mètres de toi. Ce n’est que lorsque vous entrez en collision que tu y prêtes enfin attention. « Ah, pardon ! Je suis dés… » Alors que ton dos se courbe, tes yeux aperçoivent des traits qui ne te sont pas étrangers. Cela te paraît si incongru que tu te redresses prestement pour vérifier. D’une main, tu retiens la passante par le bras. Celle-ci te tourne néanmoins presque déjà le dos ; il ne t’est seulement donné t’observer son profil. Malgré tout, la jeune femme dégage quelque chose de singulièrement familier - cette coupe à la garçonne, les contours fins et mutins de ce nez, ce port de tête, fier et volontaire… comme les mille et unes pièces d’un puzzle, les différents détails de la physionomie de la jeune femme s’assemblent les uns aux autres. Peu à peu, une image se forme. C’est un souvenir que tu as longtemps refoulé, une nuit que tu as voulu oublier. Car, cette fois-là, tu as failli fauter et devenir ce que tu abhorrais : un mari infidèle, quelqu’un qui ment et sur qui on ne peut pas compter. Tu as cependant résisté et violemment repoussée celle qui osait te tenter. Maintenant, des années sont passées. Regarde où cela t’a mené… C’est toi que l’on a fini par tromper. « On… On se connaît, non ? » On dirait une réplique tirée d’un mauvais film ; cela pourrait une phrase à laquelle un type lambda aurait recours pour draguer dans un bar. Lors de votre première rencontre, la jeune femme t’en avait sûrement adressée une du même genre. Aujourd’hui, les rôles sont inversés. Tu ne sais pas si c’est par regret ou seulement parce que t’as besoin de compagnie, mais cette fille, tu n’as étrangement pas envie de la laisser s’en aller. Tu prends le premier prétexte que tu peux trouver.  Même si c’est maladroit, même si cela paraît désespéré. « T’es sûre que ton téléphone n’a rien ? Je peux effectivement payer les réparations. Et t’offrir un café en guise d’intérêt. »