Les portes se claquent derrière aegir comme un fracas glaçant. La température dans son corps ne dépasse pas les quelques degrés et pourtant la pièce est noire de monde, et pourtant la salle ne cesse de se remplir. Il ne sait pas pourquoi il a accepté de venir. Certainement pour essayer d’assumer qui il est lui et sa colère qui continue de grimper. Fils de tempête qui ne peut pas frapper. Son handicap le ronge, parce qu’il est réel. Il n’est ni fou, ni dépendant à quelques substances non. lui son mal est bien ancré et il ne l’a pas choisi. Il s’installe à une table ne demandant qu’un verre de bière pour que son esprit ne lui échappe pas. pas encore une fois. il ignore si on va l’accoster, mais ce dont il est certain c’est que ce sera pour parler d’ashvin. Ashvin et son côté destructeur, ashvin et sa sensualité. Aegir ne cesse d’être obsédé par lui. comme une âme sœur, comme un dieu qui aurait été envoyé ici pour semer le chaos. Ils sont tellement différents, l’un viking l’autre hindou, l’un fragile l’autre guerrier. Pourtant c’est bien le même sang qui coule en leurs veines alors oui. Oui aegir est aussi fou que son frère est sage. Oui ils ne se rendent pas compte que leurs caractères dans le fond sont semblables. Tout n’est qu’une question de vision, de capacité à contrôler les choses. Aegir le sait, il le sent en lui.

Son regard divague sur plusieurs têtes, qu’il a d’ailleurs déjà croisées auparavant. Tous ces gens sont si beaux, si riches, si inscrits dans la société. Tant et tant de monde. L’orage se sent comme un désossé. Comme s’il n’était rien et qu’il aurait dû, selon quelques traditions anciennes, être laissé aux dieux en sacrifice. Il secoue la tête, et range une main bien trop fragile dans sa poche. Il a l’air de défier le monde. Lui qui est d’aspect si calme, si tranquille et si compréhensif est un fils aussi tourmenté que la mer qui vole dans la tempête. Pourquoi ? pourquoi il ressent ça ?

Aegir enfile son verre avant d’en demander un autre, essuyant le coin de sa lèvre encore humide de cette embuscade. Ce soir il sort. Ce soir il se rend dans un endroit rempli de jeunesse et de volupté. Il en a envie. Il en a besoin malgré lui. pour sentir les effluves d’une soirée trop arrosée, pour sentir les vagues de chaleur contre sa peau blanche, pour sentir les haleines contre son crâne dorée. Pour se sentir vivant. Et il ne se rend pas compte que parmi toute cette foule, un ange ivoirin se trouve là, dans cette pièce fumante.

Srey était assise au bar, à regarder la foule danser et s’enivrer, plaisir et alcool. Drogue aussi très certainement. Elle restait comme étrangère à l’agitation du bar, comme un ange perdu dans un monde noir. Pourtant ce monde c’était le sien et elle s’y complaisait. Srey ne souriait peu, voire pas du tout. Rare était les personnes qui arrivaient à lui décocher un vrai sourire. Elle se contentait le plus souvent d’une esquisse polie. Elle glisse délicatement sa mèche blonde derrière son oreille et tourne son visage de poupée vers un point qui semble l’attirer. L’intensité de ses yeux bleus la trouble. Tout comme le blond de ses cheveux. Il est beau. C’est la première constatation qu’elle se fait de lui en le voyant. Elle détourne le regard malgré le magnétisme qu’il dégage et l’assurance cassée dont il semble faire preuve. Elle fait signe à l’un de ses serveurs de venir et lui demande des infos sur le client. Personne ne le connait, pourtant une telle beauté étrangère ne peut passer inaperçu. Srey fait la moue. Presque déçu de ne pas avoir de longueur d’avance sur lui. Porté par l’envie de connaitre chaque personne qui foule le sol de son bar elle s’avance vers lui, une bouteille à la main. « Je ne crois pas vous avoir déjà vu ici. »

 

Elle s’assoit près de lui, son menton posé avec délicatesse dans le creux de sa main, ses ongles manucurés appuyés sur sa joue. Son coude finement planté sur sa cuisse elle le regarde, jouant la carte de l’espièglerie. Elle pousse vers lui un verre de champagne et sourit « C’est la maison qui offre. » elle le détail du regard, ancrant à sa mémoire le visage du garçon qu’elle n’oubliera certainement pas de sitôt. Elle laisse l’ambiance électrique du bar parler pour elle. Créant une atmosphère troublante et mystérieuse, comme s’il était incertain de savoir où elle voulait aller. Elle boit une gorgée de sa flûte en laissant son regard voguant revenir sur lui. « Je ne t’ai jamais vu ici. » fit-elle remarquer. Le tutoiement pour casser les barrières et l’approche direct pour leur éviter de perdre trop de temps. Srey était douée pour ces choses-là, elle savait où elle voulait aller, comment et elle savait même déjà comment elle voulait que se termine leur entrevue. Mais elle n’était pas contre un peu de … magie. Qu’il la surprenne.