somewhere only we know

min hyun & hyun soo

✻✻✻ Le réveil sonne. Déjà sorti du lit, tu te verses une tasse de café. Le breuvage date de la veille ; il est amer et froid. Quand tu l’avales, c’est comme s’il te glaçait le sang. Le jet brûlant de la douche ne parvient pas réellement à te réchauffer. Dans le miroir embué, ton reflet tremble comme une flamme qui vacille. Tu grelottes tant qu’au moment de te raser, tu manques de te couper. Une ou deux égratignures plus tard, tu quittes la salle de bain. Il ne te reste plus qu’à attraper une chemise froissée et un des jeans qui traînent, et te voilà enfin prêt. La mécanique bien huilée de ta journée peut s’enclencher. Le premier rouage de celle-ci se met en branle sans que tu aies besoin de l’actionner ; depuis quelques semaines, tu es passé en pilotage automatique. Métro, boulot, dodo… Suivre machinalement ton petit traintrain quotidien te permet de faire comme si de rien n’était. Comme si ta femme ne t’avait pas quitté, comme si tout allait s’arranger. Afin de ne pas avoir l’occasion d’en douter, tu ne d’accordes pas le moindre instant de répit. Ton travail de forcené te permet te rester occupé. Ce matin-là, t’es encore le premier arrivé au restaurant. Ou du moins, est-ce ce que tu crois jusqu’à ce que tu aperçoive que la moitié du chocolat que tu avais en réserve pour le dessert  du jour a disparu. Tu ne tardes pas à retrouver la plupart des tablettes disparues. Celui qui les a dérobées est tranquillement assis sur l’un des plan de travail de ta cuisine. L’intrus n’éveille pas la moindre surprise chez toi. Ta seule réaction se résume à un haussement d’épaules blasé. Tu as toujours la force d’ajouter une remarque désabusée. « Tu sais, c’est un peu vexant. Tu viens te cacher ici comme si personne ne venait jamais. Mais le restaurant fait le plein tous les jours, hein. » Tu ne lui demandes pas pourquoi il est là. Tu sais que, même en essayant, tu ne comprendras pas. Par certains côtés, vous êtes diamétralement opposés. Lui, il recherche la solitude comme s’il s’agissait de l’oxygène dont il avait besoin pour respirer. Toi, au contraire, t’es tellement prisonnier de ton propres monde que t’as l’impression d’étouffer. « Au lieu de tout manger, rends-toi utile et casse les barres en petits morceaux. Sinon, j’appelle Dispatch pour les informer de ta présence en ces lieux. Ca me fera de la publicité gratuite.» Ce gamin ne vient pas du même monde que toi. Dès qu’il sort dans la rue, des dizaines de passant le reconnaissent immédiatement, alors que ton visage se fond dans une foule d’anonymes. Sa famille prend une part trop important dans sa vie ; la tienne n’a plus donné de nouvelle depuis une éternité… Mais malgré tout ce qui vous sépare, il y a un point que vous avez en commun : vous avez tous les deux des problèmes que vous voudriez oublier.