Kanesuke… n’avait pas envie d’être ici. Dans cet hôtel où il était pourtant venu des dizaines de fois déjà. Pas toujours avec la même personne. En fait, techniquement, jamais avec la même personne. Mais depuis quelques mois, c’était différent et ce qui aurait dû être une nuit s’était transformé en plusieurs et plusieurs nuits. Et ce qui aurait dû être un étranger, en ami, au-delà de l’amant habituel qu’il était devenu. Que Jungwan soit un étudiant ne posait aucun problème à la conscience de l’enseignant, comme d’habitude. Même le rencontrer quotidiennement dans l’aile des langues ne résultait en aucune prise de conscience de son côté. Rien du tout. Ils échangeaient des sourires quand ils se croisaient, voilà tout. Que pouvaient-ils faire d’autres ? Jungwan était majeur et vacciné… Et Kanesuke l’était depuis bien longtemps lui aussi ! Mais ces temps-ci, le tatoué avait évité son jeune amant avec une minutie toute religieuse. Ça avait commencé par des nuits où même les mains habiles et la moiteur de la langue de Jungwan n’arrivaient à lui faire oublier un tout autre visage. Étonnamment presque effrayé à l’idée de grogner un autre nom entre deux coups de reins vifs, Kanesuke avait connu pour la première fois de sa vie l’impuissance. C’était… incroyablement dur pour l’estime !

Mais cette fois, il avait pris l’appel. Il ne pouvait pas vraiment faire ça à Jungwan. Ce genre d’éclair de conscience, ce n’était pas dans ses habitudes. Ça prouvait juste à quel point il avait malgré tout de l’affection pour le jeune homme. C’était donc pour tout ça que Kanesuke entre dans une chambre d’hôtel où son ex-amant l’attend, sans savoir qu’il était un « ex », justement. Pas encore, du moins. Mais vu son air, le moral semble assez bas pour qu’il soit déjà en train de fortement s’en douter. L’homme a un petit soupir en refermant la porter derrière lui. Il s’approche du jeune homme, lequel était assis sur le lit, s’agenouillant devant lui pour saisir doucement sa tête entre ses mains, le forçant à le regarder.

« Ça ne devait pas te faire aussi mal, Jungwan. Tu sais quel genre d’homme je suis… », murmure lentement Kanesuke, ne lui faisant pas l’insulte de prétendre ne pas comprendre ce qui se tramait entre eux. Ca le fatiguait, cette situation sur laquelle il n’avait finalement eu aucun contrôle. C’était la raison pour laquelle il ne revoyait pratiquement jamais la même personnes deux soirs… Il avait déconné en s’attachant, mais pas de la façon dont Jungwan l’aurait vraisemblablement voulu. « Je suis un connard. Tu te rappelles ? »

C’est ce qu’il lui avait dit, la toute première fois. Kanesuke relâche doucement le joli minois du jeune homme, se relevant lentement. Il s’assoit finalement près de Jungwan, cuisse contre cuisse. Regardant le plancher usé à leurs pieds, il garde le silence un petit moment. Ses pensées allaient de Jungwan à Antti. Parce que pour lui, les deux jeunes hommes étaient intimement liés sans même se connaître pourtant. Il était leur lien. Un lien probablement empoisonné.

« Qu’est-ce que tu as de nouveau à raconter ces derniers temps ? », demande-t-il lentement, n’ayant jamais été doué pour ce genre de situation et ayant surtout la très, très forte envie de détendre l’atmosphère. Le Japonais était plutôt du genre à prendre ses jambes à son cou pour fuir les problèmes. D’ailleurs, ses doigts parcouraient sans but précis une des manches de sa veste en cuir tandis que de l’autre main, il jouait nerveusement avec ses clés. Un de ses pieds battait un rythme invisible au sol. Kanesuke commençait à être nerveux. Et sans qu’il ne s’en rende complètement compte, la crise d’angoisse arrivait à grands pas. Elle n’était pas encore là… mais pas loin non plus. « Tu fêtes Noël…? »

Peut-être pas. Comme lui, peut-être qu’il était Bouddhiste ou solitaire. Kanesuke était les deux, lui.