Ta réponse m’étonna quelque peu. M’aurais-tu vraiment pensé par le passé comme une candidate potentielle à la présidence de notre fraternité ? Moi, le dragon sauvage qui préférait jauger le monde depuis son monde céleste ? Pourtant, tu n’avais pas tort et j’avais évolué sur cette voie. Tout comme je reconnaissais également à avoir découvert ici mon instinct de meneuse. Auparavant, je me trompais sur moi-même et mes desseins. Mon implication dans mes études en étaient la preuve. Plus qu’une érudition, plus qu’une assimilation de connaissance, je vivais désormais véritablement mon investissement en médecine. Tes blessures me préoccupaient ainsi autant humainement que médicalement parlant. « Si jamais tu n’es pas satisfait de tes médecins, n’hésite pas, je trouverais les renseignements pour te conseiller les meilleurs. » Comment demeurer insensible face à une preuve vivante, une preuve de plus, que la vie pouvait changer brutalement en quelques instants ? Je me représentais à peine les difficultés que tu avais dû traverser pour ta rééducation lorsque ta question presque soudaine m’interpella. Sur l’instant, mes yeux s’entrouvraient. Je me figeais légèrement stupéfaite et incrédule. Comment savais-tu ? Etait-ce la caresse nerveuse de mes doigts sur ma bague qui t’avait mis sur la piste ? Mais surtout, ce fut tes suspicions qui m’étonnèrent. Il me fallut une poignée de seconde avant d’être en mesure de réagir, balayant précipitamment et maladroitement tes doutes : « Hein ? Ah… Non ! Non !  Mon père n’est pas ce genre de personne ! » Certes de telles pratiques n’étaient que bien trop courantes dans cette sphère de la société à laquelle j’appartenais, cependant, tant que j’aurais mon père pour bouclier, personne ne pourrait m’imposer la personne que j’épouserais. « Nous… Nous nous… Je l’ai choisi. » Je balbutiais pour finalement tranché sans l’impliquer. Parce qu’en vérité, je commençais à douter. Je ne voulais laisser pareilles absurdités s’immiscer dans mon esprit mais elles s’y glissaient malgré tout. Et si j’avais été manipulée par une fausse sincérité ? Mon coeur se serrait, mais je m’efforçais d’esquisser un sourire qui se serait voulu assurer. « Ne t’en fais pas, j’ai pris cet engagement de mon plein gré parce que j’aime l’homme qui me l’a demandé. » Je te le dis calmement pour que tu ne te méprennes. J’avais conscience de mon attitude un peu étrange, suspecte mais tu ne devais te faire de fausses idées. Je ne te mentais. « Sans doute en ce moment passons-nous par la période un peu stressante de l’approche du premier anniversaire de nos fiançailles. » Parce que tu n’étais pas aveugle tu saurais décelé que je n’étais parfaitement à l’aise, alors, je ne te le cachais. Tout autant que certainement, je tentais de me rassurer moi-même à ce sujet qui me préoccupait de plus en plus. « Le mois prochain… » Bientôt un an déjà, le temps était pas si vite mais était-ce une bonne chose ? Plus que de ne pas avoir vu le temps passé, à ce constat, j’avais le douloureux sentiment que nous avions pas avancé. Que nombre de mes espoirs demeuraient encore en suspend. 



Ma tête instinctivement baissée je redressais alors, un nouveau sourire, un peu plus franc, un peu plus puissant malgré le trouble dans mon coeur, je t’adressais. « Et toi, tu as quelqu’un ? » Je te retournais l’intérêt, plus encore que par politesse, pour tenter de détourner la conversation. Les doutes quant à mon couple, je n’avais pour habitudes de les révéler. Peut-être parce que jusqu’à maintenant, ils ne s’étaient jamais autant manifestés.