Fight all night

Feat Cho Anseo

C’était une habitude, un vice plus qu’un loisir. Régulièrement, j’arpentais les mêmes boites, les mêmes bars. Souvent je m’enivrais avec les mêmes boissons, les mêmes cocktails, et toujours… toujours je finissais la nuit avec un inconnu pour qu’à mon réveil je ne décide de partir en grande pompe, laissant derrière moi un goût amer d’ébats que je finissais toujours par regretter. En quoi cette soirée était différente ? Assise au comptoir, je sirotais mon verre en imaginant que j’étais derrière. J’aimais être celle qui faisait danser les bouteilles et virevolter les verres, mais dans pareilles soirées, je me contentais d’être le pilier de bar. Cette personne que j’exécrais quand j’étais en service pour me raconter sa vie faite de malchance et de malheur. Alors je restais silencieuse, me parant de ce masque que j’avais l’habitude de porter. Je redevenais la boxeuse inaccessible, dominatrice et prédatrice si l’envie me prenait mais pour l’heure, aucune proie ne semblait trouver grâce à mes yeux. D’aucuns auraient sans doute abandonné les lieux depuis longtemps, mais je préférais me leurrer en faisant preuve d’obstination. Juste pour passer le temps, juste pour tromper ma solitude. Les verres se succédaient, altérant mon jugement, balayant la retenue dont je ne savais pas faire preuve. Mais je ne pouvais rester davantage immobile, quittant finalement mon perchoir pour partir à l’aventure. Ce fut à cet instant que je la repérais : ma prochaine victime. Allait-il finir dans mon lit ou sur le ring ? L’issue ne dépendrait que de ses réponses et de la bonté que je pourrais lui accorder. Il offrait à ma vue son large dos, bien plus grand que moi, je ne me laissais néanmoins pas impressionner. La tigresse avait déjà eu des adversaires plus redoutables à battre et jamais elle n’avait su ranger les griffes. Alors d’un pas souple, du moins aussi souple que possible après m’être enivrée, je m’approchais, glissant une main sur son bras dénudé. Une entrée en matière loin d’être discrète, mais qui avait besoin de faire preuve de tact quand l’envie coulait avec paresse dans mes veines ? Bien bâti, il fera l’affaire. Mais ce que j’ignorais, je le découvrais alors que je fis remonter mes onyx sur son torse pour enfin croiser son regard. Et merde. De tous pourquoi fallait-il que ce soit lui ? Parmi toutes les âmes esseulées et les corps entassés dans si peu d’espace, pourquoi fallait-il que je tombe sur ce sombre crétin qui n’avait apparemment pour ambition de n’être que l’ombre de ce qu’il appelait ami. Je ne le connaissais pas, mais j’avais surement autant envie d’entamer la conversation avec lui que de me taillader les veines en criant au désespoir. J’affichais sans honte le dégout qu’il m’inspirait mais je ne pus empêcher le sarcasme caresser ma langue. « Tu as perdu ton maître ? T’es pathétique mon pauvre… » Je me sentais davantage idiote d’avoir seulement imaginé passer ne serait-ce qu’une minute avec lui. Savait-il seulement que son ami si proche jouait un jeu dangereux avec moi ? Avait-il connaissance de la manipulation et la contrainte que m’imposait Na Eul alors que lui restait fidèle à cet enfoiré. Sans flancher, droit comme un abruti cherchant l’approbation de son entourage pour pouvoir fièrement remuer la queue. Je ne retins pas le soupire qui m’échappa et le dépassait pour tenter de trouver une autre source de distraction. Mais sa simple vue me renvoyait cette image peu reluisante que je tentais de camoufler sous un air mutin. Il s’effaça, laissant place à la colère, celle que je voulais réserver à Na Eul mais dont je ne parvenais pas à témoigner devant le concerné. Alors je continuais de le fixer, espérant bêtement lui infliger une douleur psychique sans doute aussi grande que celle qui m’étreignait parfois. Oses t’approcher… je te ferais goûter de ma hargne… pensais-je alors que ses onyx croisèrent à nouveau les miens.