Non, Bo Yeon, l'alcool, ça n'est pas de l'eau. Peu importe que tu t'évertues à t'en convaincre, que tu boives et boives encore jusqu'à avoir l'impression d'exploser, que tu boives et boives encore jusqu'à ne plus te souvenir de rien, que tu boives et boives encore jusqu'à toi-même tomber dans l'oubli, comme si tu arrêtais d'exister quelques instants et que le monde autour continuait de tourner, et tourner, et tourner encore et toi, tu tombes. Dans ces moments-là, non, l'alcool, ça n'est pas de l'eau.

Elle était saoule, peut-être plus saoule qu'elle n'avait déjà réussi à l'être. Elle a oublié les verres, leur nombre, leur goût, elle avait oublié son prénom, son nom, ce qu'elle était, elle avait oublié ce qu'elle était venu faire, et ne se rappelait pas que c'était justement cela qui avait été son objectif. Tout oublier. Ce n'était pas qu'elle avait une mauvaise vie, qu'elle voulait noyer ses péchés dans la boisson amère qu'elle rallongeait avec un liquide sucré, ce n'était pas qu'elle voulait échapper à ses problèmes, il n'en existait aucun. C'était simplement qu'elle voulait tout oublier, fuir quelques instants la propre folie de son esprit, bloquer les rouages et ne plus penser. Elle voulait parfois juste dormir, fermer les yeux et s'envoler dans le monde des rêves en à peine quelques secondes, mais elle y arrivait si peu souvent que parfois elle perdait patience, elle perdait la tête. Et l'alcool aidait, il aidait tellement, et elle aurait été bien bête de ne pas en profiter. Alors elle avait bu, une nouvelle fois, et, sa tête posée sur le comptoir pour la reposer, elle s'était endormie.

Elle s'était endormie ou peut-être avait-elle perdu connaissance, peu importait, parce que lorsqu'elle se réveilla, la bouche pâteuse et les paupières lourdes, la vision floue et les membres lourds, elle ne reconnut absolument pas l'endroit où elle se trouvait. Elle se redressa avec difficultés, observant les détails, cherchant à savoir ce qu'elle avait pu bien faire pour se retrouver là, comment elle s'était déplacée, et à nouveau des questions se bousculèrent. Elle grogna, ferma les yeux, et réalisa que même si elle était bien plus sobre qu'elle ne l'était avant, elle n'avait toujours pas les idées les plus claires. Les yeux encore à moitié fermés elle tenta de se lever, pour rentrer chez elle, ou simplement partir de cet endroit qui lui était inconnu, et ce ne fut qu'à ce moment là qu'elle se rendit compte qu'une autre personne était présente dans la pièce. Un homme, torse nu, debout, se trouvait à quelques pas d'elle. Elle se laissa apprécier la vue une minute, puis laissa échapper : « oh, non, franchement ? » et enfin se laissa tomber à nouveau sur le dos pour fixer le plafond. Ce n'était pas ce à quoi elle s'attendait, ce n'était certainement pas quelque chose qu'elle avait prévu malgré les mille situations qu'elle avait anticipé. « je suis où ? » elle demanda. Prenons les choses calmement.

L'alcool possède le privilège d'ensorceler l'esprit le plus lucide. par son biais les moeurs se démêlent, laissant place à des âmes libérés de tous doutes,  détaché de tous sentiments. l'extraction de toute rationalité pour le bien être des sens. chaque soirée était toutes aussi semblables que différentes, avec sa palette de clients, de clientes. un éventail d'êtres ivres se contrôlant plus ou moins bien, consommant plus ou moins raisonnablement. lorsque cela restait soft et drôle, yohan ne tintait guère, mais lorsque ça dégénérait il n'avait d'autres choix que de demander à ses gars de foutre les embrouilles à la porte et les consommateurs trop ivre dans un taxi qui les ramènerait il ne sait où. yohan évitait d'appelé la police, quand bien même il leur versait une commission afin d'éviter tout contrôle importuné, les avoir trop fréquemment pour des clients trop imbibés étaient une mauvaise chose pour l'image de la fleur blanche. un club où il était bon de se laisser aller aux péchés sans peur de ne se faire appréhender en pleine recherche du plaisir.

il avait bien songé à mettre cette jeune demoiselle dans un taxi qui l'aurait déposé à l'adresse indiqué sur sa carte d'identité. mais pour cela aurait-il fallut qu'elle soit un minimum consciente pour pouvoir payer le taxi et effectuer la route taxi - maison. sans compter qu'il n'avait jamais réellement eu confiance dans les conducteurs de taxi, proxénète certes mais il était hors de question qu'il prenne le risque de glisser une jeune demoiselle inconsciente entre les mains d'un prédateur. pas bien légère la gamine, un vrai poids mord qu'il avait malgré tout réussis à trainer dans son bureau; l'allongeant sur le canapé après lui avoir retiré ses chaussures. et il était repartis bosser comme si de rien n'était, laissant la belle au bois dormant à l'abris dans son bureau pour n'y revenir que quatre heure plus tard, une fois l'établissement vidé de sa clientèle.

et c'est sans surprise qu'il l'y avait retrouvé, profondément endormis comme le faisait sous entendre ses petits ronflements. pourquoi les femmes n'apprenaient jamais ? combien de fois fallait-il leur répéter que l'homme était un loup ? Baillant tout en s'étirant, il retire son t-shirt pas automatisme, trop collant, trop moite. une manière de tirer un trait sur la nuit et d'aller rencontrer quelques clients vip de fin de soirée sans les repousser par une allure quelque peu ragoutante. un coup de brosse dans les cheveux, une toilette rapide à la lingette histoire de tenir le coup jusqu'à la douche qui l'attendait chez lui et voici qu'il cherchait un t-shirt dans le tiroir de l'un des meubles lors que la belle au bois dormant décidait qu'il était temps pour elle de se réveiller. " je crois bien que si, franchement. " lâche t-il tout en se retournant vers elle, enfilant par la même son t-shirt blanc. il ne savait pas réellement ce qu'elle entendait par cela mais l'expression de son visage était suffisamment drôle pour qu'il réponde à l'inverse. " chez moi. " mensonge bien entendu, mais c'était le genre de question stupide que toutes femmes trop alcoolisés posaient. ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'on la lui posait, la dernière ne s'était pas particulièrement bien passé. " tu devrais éviter de boire autant, encore plus si tu ne te souviens de rien. ce qui soyons sincère est bien dommage. " son père le lui avait répété une centaine de fois, la peur, l'anxiété voir la répulsion étaient les meilleurs façons de faire assimiler une information à autrui.

Elle était pourtant de nature si peureuse, Bo Yeon, si peureuse qu'elle avait parfois peur du vent, et de l'air, parfois peur de son ombre dans les rues un peu trop sombre, qui la surprenait parce qu'elle surgissait après tant de temps à ne pas l'avoir vu, mais en cet instant, elle n'avait pas encore pris la peine de comprendre pourquoi, elle n'avait pas eu peur. Elle devrait sûrement. Elle était en compagnie d'un inconnu, avec qui elle avait passé elle ne savait combien de minutes, ou d'heures peut-être (elle espérait que ce ne soit pas même des journées) inconsciente et sans défense, mais elle n'avait pas peur. Elle était chez lui, c'était déjà ça. Elle souffla, et se releva une nouvelle fois pour prendre sa tête entre ses mains pour la replacer correctement entre ses épaules. Ah. Qu'elle était lourde ! « ok, et chez toi c'est où du coup ? » Elle se demanda quand est-ce que l'inconnu avait bien pu la récupérer, et comment il avait bien pu la déplacer jusqu'à son logement sans que quiconque n'ait l'idée de l'arrêter. Elle glissa sa main dans ses cheveux en grimaçant de leur pauvre état, oh, mais ce n'était pas comme si elle s'en souciait réellement. « ne plus se souvenir de rien » Elle commença, calmement et comme si elle allait lui annoncer la chose la plus évidente du monde, mais fut interrompue par son propre bâillement. « c'est le but de l'alcool » Elle mit cependant un peu plus de temps à comprendre le reste de sa phrase, le regardant droit dans les yeux et penchant sa tête sur le côté comme si cela allait l'aider à mieux comprendre ce qu'il disait. « comment ça c'est dommage ? » Elle demanda. Qu'est ce qui pourrait bien être dommage à en perdre ses souvenirs ? Le calme ? Le silence ? Le fait qu'elle ait réussis à dormir mieux qu'elle ne l'avait fait en une semaine malgré les litres qu'elle avait bien pu ingurgiter ? Il n'y avait rien de dommage dans cette situation et oh... oh ! Elle venait de comprendre ! « eeewww tu m'as fais quoi ? tu m'as touché ? c'est ça ce que tu sous-entends ? ça se fait pas déjà » Elle le montra du doigt, comme si elle le réprimandait, et elle-même trouva étrange dans son comportement qu'elle ne s'en offusque pas. Puis elle se regarda, encore vêtue de ses vêtements un peu biscornus. « ensuite, ça serait triste pour toi parce que franchement t'es pas tombé sur la femme de rêve, ou alors t'as des mauvais goût, et finalement » Elle fit une pause pour attraper son t-shirt entre ses doigts. « t'es un menteur » Elle plissa les yeux pour le fixer. Elle aurait bien tenté une sortie dramatique, les cheveux dans le vent, passé par dessus ses épaules, et des grandes enjambée pour s'en aller et claquer la porte, mais elle n'était pas encore sûre qu'elle pouvait tenir sur ses deux pieds sans vaciller, et n'était actuellement pas prête à se ridiculiser un peu plus. Elle essuya un peu de bave qui avait coulé au bord de ses lèvres lorsqu'elle dormait, et s'installa plus confortablement sur le canapé.

il l'observe de biais, ce sourire narquois dessiné sur ses fines lèvres. il ne pouvait décidément ni la laisser partir dans cet état d'ébriété avancé ni sans un sermon lui faisant comprendre qu'il ne voulait guère la revoir dans un tel état au sein de son établissement. "Busan " toujours plus extrême dans ses mensonges. l'affrontement de la demoiselle en était en partie la cause. comme avait-elle réussis à vivre aussi longtemps avec une telle attitude ? il se mord l'intérieure de la joues face à ses paroles, elle était de loin la première femme à lui sortir d'un air déconcerté que l'alcool avait pour but de supprimer tous souvenirs. les bras fermés contre son torse il finit même par s'adosser à son bureau, l'observant avec cette pointe de curiosité, avide de voir ce que cette inconnue lui réserve de plus. " te toucher ? mmh. " il fait mine de réfléchir passant ses doigts sur ses lèvres alors qu'il observe le doigt accusateur qu'elle pointe sur lui. la vie nocturne lui en faisait décidément voir de toutes les couleurs et le monologue de la demoiselle ne fait qu'accroître le sourire naissant au coin des lèvres de l'asiatique. c'est qu'elle en avait du caractère la gamine, il ne lui fallait d'ailleurs pas bien longtemps pour réaliser qu'elle avait mordu à l'hameçon telle une novice.

Ce qui rend la naïveté si gracieuse, c'est qu'elle n'est pas faite pour durer.il éclate de rire, passant sa main dans sa chevelure rose tout en la regardant de ses yeux rieurs. "' te faire quelque chose, te toucher ? je sais pas pour qui tu me prends mais je ne suis pas désespéré au point de me taper une meuf inconsciente. " il remue la tête en signe de désaccord, alors qu'il se dirige vers le mini frigo de son bureau pour en sortir une bouteille. " tiens bois ça, ça te fera du bien. et arrête l'auto dérision ça a beau être hilarant c'est loin d'être flatteur pour toi. mauvais goût ... " il pouffe de rire, il n'en revient pas que cette inconnue s'auto flagelle devant lui. " t'es toujours au club, je t'ai juste déplacé dans un lieu sur. " il plisse les yeux, tout en la fixant. " tu t'attendais à quoi, te réveiller chez un mec et réaliser quelques jours plus tard que t'es en cloque ou que t'as contracté une mst? " il fait une pause, le sourcil arqué, les lèvres pincés. il ne la connaît pas, ne la reverra probablement guère et il n'a jamais été bien patient. pourtant il ne peut s'empêcher de la sermonner, après tout n'était-il pas le mieux placé pour savoir ce que l'homme était capable de faire subir à la gente féminine ? lui qui avait plus d'une fois récupéré ses filles dans de vilains états à cause de clients bien trop agressifs. " j'suis un menteur, et toi une alcoolique , c'est à se demander lequel des deux est le pire. " probablement le premier, celui qui n'affectait pas que soit, celui qui sonnait étrangement comme trahison, déception, mirage.