Elle n'avait pas vu la nuit tomber. Elle s'était installée là, sur le côté d'un terrain où quelques personnes jouaient un peu plus loin, en milieu d'après midi, et avait été si concentrée sur sa tâche, tellement absorbée dans son monde et dans la perspective d'une réussite qu'elle avait oublié tout ce qui se trouvait autour d'elle. Elle n'avait pas entendu les personnes s'en aller, ni d'autres venir, elle n'avait pas vu les regards intrigués et ceux plus énervés appartenant à ceux qui avait tenté de lui demander ce qu'elle faisait, elle n'avait pas senti le froid s'installer, ni le soleil disparaître à l'horizon, si concentrée dans sa tâche qu'elle n'avait toujours pas réussi à accomplir. Cela faisait tant d'heures qu'elle y travaillait, et pourtant rien n'était toujours terminé. Elle s'était renseigné, avait acheté tout ce qui aurait pu lui être nécessaire et bien plus encore dans l'espoir de trouver la bonne recette, mais maintenant que les étoiles faisaient leur apparition dans le ciel, elle n'avait toujours pas atteint le résultat escompté. Malgré cela, et ayant remarqué que plus un chat ne se trouvait sur le terrain, elle fit un premier test. Elle leva sa petite création au niveau de ses yeux, alluma la mèche, mais n'en ressortit pas gagnante. La petite fusée se déplaça d'à peine 20 centimètres et s'échoua sur l'herbe, sans vie. Premier échec.

Lorsqu'elle avait eu cette idée un peu saugrenue, elle ne s'était pas doutée de toute la difficulté qu'il y avait à créer des feux d'artifices. Elle se disait qu'un simple mélange, une mèche et un peu de papier ou de carton feraient l'affaire, et bien que ce n'était pas totalement faux, il en fallait bien plus pour créer un mélange détonant qui ferait tourner toutes les têtes avec sa majestuosité. Elle souffla et recommença. Elle voulait des paillettes, des couleurs éclatantes et des gros booms, elle était prête à y passer la nuit pour y arriver, elle n'était pas de ceux qui abandonnaient. Un nouveau mélange, et un boom un peu plus fort qui avait certainement attiré l'attention des plus attentifs, mais ce n'était toujours pas ça. Un dernier, se dit-elle, et celui-ci serait le bon. Mais non. Il s'éleva un peu plus haut dans le ciel, éclaira la noirceur d'un peu de rouge, et surtout mis feu à un petit coin de sol qu'elle s'empressa d'éteindre. « mince alors! » elle cria.

Si Calvin se trouve encore dans l’université à la nuit tombée, ne vous méprenez pas. N’allez pas vous imaginer qu’il est devenu studieux, qu’il a travaillé jusqu’à très tard à la bibliothèque, il ne sait même pas où elle se trouve. Il s’est juste endormi tel une loutre en hiver en cours, comme un demeuré sur sa table sans même entendre ses camarades partir ni même le professeur qui a « oublié » de le réveiller tant il l’a saoulé alors qu’il était encore éveillé. Quand tel la belle au bois dormant sans la belle et sans le bois il s’est réveillé, seul avec lui-même dans une salle de cours fermée à clé une barre immense rouge dessinée sur le front. Loin d’être perturbé ou paniqué, il s’est étiré, a checké rapidement ses notifications comme il le fait par habitude avant de sortir de l’établissement par la fenêtre tel un ninja. Non j’déconne, sa salle de cours était au rez de chaussée.

A moitié dans le gaz, les yeux qui picotent lui donnant une gueule à faire peur à Ribéry, il traverse le campus pour rentrer chez lui. Ce n’est pas la première fois qu’il se balade dans les lieux la nuit, il a déjà fait énormément de conneries ici, il n’est donc aucunement apeuré ou capable de se perdre dans l’obscurité. Il marche tranquille en mode petite balade, il observe les environs cherchant l’inspiration pour de nouveaux faits extraordinaires qui ne feront certainement rire que lui lorsqu’il semble entendre un bruit de pétard. Il s’arrête, regarde autour de lui pendant quelques secondes avant de reprendre sa marche, s’imaginant avoir rêvé. Puis un second bruit et cette fois le ciel s’illumine légèrement. JUREZ QU’ILS ONT DECIDES DE LANCER DES FEUX D’ARTIFICES ET QUE PERSONNE NE LUI A DIT ? Choqué, déçu, indigné, la curiosité le pousse à aller voir. Cela ne va pas se passer comme ça, on ne lance pas d’évènement sans Kwon Calvin ok ? Soudainement plus éveillé, il ne découvre non pas une foule, mais juste une fille qui se plaint toute seule en faisant je ne sais pas quoi. Mais il n’est pas fou le Calvinou, il est certain que ça venait d’ici. « C’est toi qui essaye de me faire une ambiance d’entrée avec des feux d’artifices ? » Non parce que Calvin qui arrive et des feux d’artifices, c’est pas juste une coïncidence, c’est un signe. Il s’approche un peu, met bien deux secondes à comprendre ce qu’elle essaye de faire avant de s’exclamer. « TU ESSAYES DE FAIRE DES FEUX D’ARTIFICES DE TES MAINS ? PUTAIN LOURD J’PEUX L’FAIRE AUSSI ????????????????????? »

Elle était bien surprise de ne s'être pas encore brûlé les mains, c'était en éteignant ce fichu feu qu'elle l'avait remarqué. Elle les observa avec attention, remarquant tout de même qu'un peu de suie se retrouvait sur le bout de ses doigts. Une fois que la flamme qu'elle avait créé avait disparu dans la noirceur de la nuit, elle prit le temps d'un peu souffler, seule, debout dans le froid, le pied posé dans un rond de cendres et d'herbe noirs. Elle fronça ses sourcils, et une voix qui lui était étrangère s'éleva non loin d'elle. Elle sursauta, et manqua de s'étaler sur le sol tant elle fut surprise d'avoir quelqu'un en sa compagnie. Elle regarda tout autour d'elle, un peu paniquée, se demandant si elle était en train de s'attirer des problèmes, puis carra ses épaules, se rendant plus fière et bien plus grande soudainement: elle n'était pas de ceux qui n'osait pas défier l'autorité. Elle allait répondre, peut-être un peu sèchement, mais à peine eut-elle ouvert la bouche qu'elle entendit l'inconnu crier une nouvelle phrase. Et là, une fois que les mots firent leur chemin jusqu'à son esprit, elle ne put s'empêcher de sourire. Avec enthousiasme elle s'approcha de l'homme. « OUAIS !! » elle cria aussi, c'était peut-être lui qui l'avait influencé à hausser le ton. « Mais oui !! Mais oui !! Viens, assied toi » Elle lui fit des grands geste pour qu'il s'asseye à côté de tout le matériel qu'elle avait réuni. Elle s'installa rapidement pour recommencer, soudain beaucoup plus énergisée à reprendre son ancienne tâche qui avait commencé à l'agacer. Elle attrapa des gants qu'elle donna au jeune homme. « t'en as déjà fais ? ça serait plus facile que t'en aies déjà fait, mais si non, c'pas grave, c'est en faisant qu'on apprend ! » demanda-t-elle, s'amusant avec quelques boites de conserves qu'elle fit claquer les unes contre les autres.

C’était presque trop beau pour être vrai. Cette fille qu’il n’avait jamais vu auparavant entrain de faire des feux d’artifices manuellement. Feux d’artifices = Bordel = Calvin. Il sortait rapidement de son état mi endormi pour passer à celui du plus motivé que jamais. Immédiatement, sans lui laisser une seule seconde le temps de répondre il s’exclamait qu’il voulait en être. Il ne la connaissait pas, peut-être qu’elle prévoyait de faire un attentat, il ne savait pas si cela pouvait être dangereux mais il s’en foutait pas mal à ce moment là. Lui il voulait faire des feux d’artifices en forme de dragon, en forme de doigt d’honneur, de phallus et tout retenir pour pouvoir le refaire tout seul. Alors quand elle lui hurlait elle aussi que ouais, il pouvait en faire lui aussi c’est limite si elle ne se mit pas à crier comme une adolescente qui reçoit un texto de son crush. « PUTAIN TROP COOL ! » Ni une, ni deux et bien qu’il n’apprécie que trop peu les ordres, il lui obéissait immédiatement, allant s’installer aussi exciter qu’un gamin. Il récupère les gants qu’elle lui donne et les enfile vitesse grand v. « Non j’en ai jamais fait. » En même temps qui sait faire des feux d’artifices à la main ? « C’est en tatouant qu’on devient tatoueur ! » C’est ce que son père lui a toujours dit mais Calvin n’a jamais voulu devenir tatoueur alors il s’en fou un peu. « Tu crois qu’on peut faire un feu d’artifice en forme de fesses ? Comment tu fais pour faire des autres couleurs ? Ok j’dis plus rien c’est toi la chef montre-moi j’veux tout savoir. » Il frotte ses mains trop à fond et met sa concentration au maximum du maximum, du jamais vu.

Qu'il n'en ait jamais fais, au final, importait peu. C'était aussi sa première expérimentation, et avoir un partenaire rendait soudainement les choses beaucoup plus excitantes. Elle commença presque à sautiller, se balançant d'un côté à l'autre tant elle peinait à contenir son impatience à se remettre au travail. « tu as raison » Elle lâche, amusée. C'était une façon étrange de l'exprimer, mais elle n'était pas contre la nouvelle expression qu'on venait de lui présenter. Elle sortit un petit carnet, où discrètement elle la nota, lui demandant soudainement : « c'est quoi ton prénom ? » dans l'espoir de pouvoir l'ajouter à côté (elle était de ceux qui maintenaient qu'il était nécessaire de toujours citer ses sources ! elle ne voulait pas s'approprier les idées qui n'étaient pas les siennes de base, et ça faisait toujours son petit effet de sortir un "je cite" dans une conversation). Elle réfléchit, pendant longtemps à la question de l'homme, ses sourcils froncés et les yeux un peu dans le vague, et revint soudainement dans le monde réel. « je pense pas que ce soit possible » Elle garda un moment le froncement de ses sourcils, un peu contrariée de voir que l'idée n'était pas réalisable (et nota une nouvelle fois de tenter de trouver une solution à ce problème). « on n'est pas des gandalfs, je crois que c'est possible seulement si on a une barbe et une cane un peu magique » Elle grimaça, un peu déçue, mais gardant espoir de pouvoir simplement faire éclater de jolies couleurs dans le ciel. « alors ! » elle tapa dans ses mains pour avoir toute l'attention. « faut prendre une canette » elle lui tendit le cylindre en métal. « dans laquelle il faudra mettre la poudre noire qu'il y a là » elle la montra du doigt. « tu peux commencer à la mettre au fond du truc, parce qu'après on aura plein d'autres merde à mettre dedans pour que ça claque ! » Elle lui tendit une autre tonne de produit différents, aux noms imprononçables. « c'est pour les effets, j'ai des couleurs, j'ai des petites et des plus grosses explosions tu préfères quoi ? Attends ! tu sais quoi pour pas faire de conneries » Elle sortir son téléphone, et rapidement ouvrit le navigateur internet. La dernière page ouverte était celle qui l'intéressait, et elle montra l'écran à l'inconnu plus si inconnu. La page wikihow, comment faire ses propres feux d'artifices.