Projets déjantés mis de côté pour apprécier le confort d’un lit dans lequel Jeep sautille autant sur les draps que sous, les bruits d’excitation du furet sont aisément enterrés par les mots échangés via le téléphone que tu tiens entre tes doigts. Appareil au niveau de ton visage, regard fixé sur l’image pixelisée de ta mère avec laquelle tu converses en appel vidéo, elle prend plaisir à te citer des passages de son prochain recueil de poésie. Tu n’as pas l’âme d’un poète, contrairement à elle, mais tu sais que ton père ne s’intéresse aucunement au talent de la femme qu’il a épousé. Une réalité qui te fend le cœur à savoir, surtout lorsque tu remarques cette étincelle au fond de son regard quand elle termine un extrait, attendant avec enthousiasme d’entendre une opinion extérieure à la sienne. La tienne, par défaut. Pourtant, tu n’as jamais l’impression d’être constructif. Pourtant, ça ne semble jamais la déranger, le sourire aux lèvres juste à savoir que tu portes un intérêt envers ce qu’elle fait. Et ça te brise un peu plus à chaque fois de te dire que ton père devrait faire des efforts, devrait au moins faire mine de vouloir entendre les mots lacés d’une soie si douce dans lesquelles se détache parfois un vague cri du cœur.

Votre conversation est troublée par un message de la part de ton cadet en possession de ta précieuse carte, ouvrant rapidement l’image envoyée qui laisse comprendre que la nourriture est arrivée et qu’il est temps de dire au revoir à la femme que tu aimes le plus au monde. Déception immanquable qui tire ses doux traits, tu la rassures en lui promettant de la rappeler bientôt et soulignes une dernière fois ton admiration générale pour sa personne avant de raccrocher. Heureusement que la conversation se termine à cet instant puisque la seconde suivante, Jeep te bondit pratiquement au visage pour t’octroyer quelques coups de langues au niveau du menton. « Oui, tu viens avec moi. T’inquiète pas. » Avant toute chose, tu le forces à aller faire un tour dans sa litière en choisissant un adorable hoodie bleu à lui faire enfiler. Furet vêtu sous le bras, tu glisses ton téléphone dans une poche de ton jean et rejoins Namseon dans la salle commune où le manque d’âmes errantes est toujours un peu déconcertant. « Qu’est-ce que tu nous as pris ? » Tu annonces ta venue dès que tu poses le regard sur sa personne, prenant deux secondes supplémentaires pour déposer ton fils poilu qui part tout de suite à courir-sautiller tel l’animal beaucoup trop heureux qu’il est. Quelques pas de plus, tu t’installes aux côtés de ton jeune ami, peut-être un peu trop près pour toute personne normale, mais tu es bien loin de connaître le principe d’espace personnel.