1996. Avoir un bon travail, se marier, fonder une famille, partir à la retraite, mourir. C'était le schéma d'une bonne vie à laquelle les deux parents aspiraient à suivre. Fils de cadre tous deux, ils avaient été inculqués de ces valeurs, et s'étaient retrouvés à épouser l'un et l'autre sans éprouver le moindre amour. Ils étaient tous deux riches, il n'y avait rien de mieux pour avoir une belle vie. Montrer aux autres qu'ils s'aimaient suffisait, comme ça, ils penseraient qu'ils menaient la vie parfaite, l'exemple à suivre. Ce fut dans ces conditions-là que la jolie Harin fut née : on la chouchouta, la couvrit de jouets, de bijoux, de vêtements, d'amour, de tout ce dont elle voulait, en fait. Elle était le cas exact d'une enfant gâtée. Évidemment, son bonheur ne dura pas. Le mensonge ne durait jamais très longtemps, n'est-ce pas ?

2000. « Tu n'arrives jamais à faire quelque chose correctement ! » « Pardon ? Qu'est-ce que j'ai fait encore ? C'est à toi de faire ces travaux ménagers, pas moi ! » Harin essaie de se boucher les oreilles, mais rien n'y fait, elle entend encore les injures de ses parents. Recroquevillée dans un coin d'une pièce, elle tente de s'enfuir du conflit. Qu'est-ce qui est allé mal dans sa vie pour que ses parents ne s'entendent plus ? Enfant, elle espère que ce sera juste passager. En tout cas, elle a tendance à passer du temps chez sa voisine, Miyoung, pour fuir les mésententes de ses parents le temps d'une après-midi. Ils sont très gentils, là-bas. Peut-être moins riches qu'eux, mais au moins, Harin sent qu'ils s'aiment réellement. Il y a un vrai climat de confiance. Un climat qu'elle aimerait avoir.

2002. Harin est vilaine, Harin est hautaine. On ne l'aime pas beaucoup, Harin. Elle n'étudie pas bien, ne tient pas en place, est toujours agitée, ne sourit jamais et crée les problèmes. Les élèves essaient de l'éviter, les professeurs la haïssent. Mais l'école est le seul endroit où elle n'entend pas les cris de ses parents, alors qu'elle soit aimée ou non, l'école est son havre de paix. Pour faire respecter le silence qu'elle apprécie, elle a tendance à être très violente. Elle a souvent été punie, et les punitions rythment son quotidien. Mais elle aime bien ça. Elle ne voit pas pourquoi c'est si mal que ça, elle s'amuse, alors c'est le principal. Elle passe la plupart du temps avec sa meilleure amie, mais à elle non plus, elle n'est pas très agréable. Les tensions à la maison la raidissent aussi, elle ne le vit pas bien, et préfère se renfermer sur elle-même. On parle alors dans son dos et on la maudit, mais Harin reste de marbre et continue à avancer, désinvolte. Ce ne seront pas ces remarques qui la toucheront : son seul vœu est que ses parents cessent de se fâcher.

2004. Harin est sportive. Elle est douée pour courir le plus vite possible, pour être le loup et attraper tout le monde, pour être perché le plus longtemps possible, pour sauver les gens d'une tape de main... Elle adore gagner, c'est une mauvaise perdante. On n'aime pas beaucoup jouer avec elle dû à son agressivité, mais parfois, on la laisse venir. C'est ainsi que durant une partie de chat perché, Harin est partie se cacher sur le haut d'un arbre. Personne ne la trouvait, et c'était là qu'elle se sentait le plus bien. Elle voyait tout le monde très clairement, elle les voyait de haut, en plus petit, et moins bruyants. C'était comme si elle était devenue sourde, soudainement. D'un coup, elle se mit à apprécier cette hauteur. Elle était loin d'avoir le vertige, elle adorait ce sentiment. Le vent qui soufflait sur sa peau la fit sourire, et elle ferma ses yeux. C'était si agréable. Alors à la maison, elle fit exactement la même chose. Elle tenta d'aller sur les objets les plus hauts de la maison, d'aller à l'étage le plus haut et admirer la vue, ou même, d'aller sur le toit. La vue l'éblouissait, et elle n'entendait plus que les cris de la nature, ces cris bien plus plaisants que ceux de ses parents. C'était là que c'était décidé : elle adorait la hauteur.

2005. Ils mangeaient à table. C'était assez calme, et Harin avait espéré que ça dure jusqu'à ce qu'elle finisse de manger et qu'elle puisse les fuir à nouveau. Mais son vœu ne s'exauça pas, ses parents commencèrent à se disputer pour une raison idiote. Elle tenta de manger en silence, mais ce jour-là, la petite fille avait décidé d'arrêter de subir. Elle se leva alors brutalement, et hurla. Les deux parents arrêtèrent pendant quelques instants, mais ce ne fut pas assez. La mère lui cria de se taire. Harin n'aimait pas se faire marcher sur les pieds, alors elle répliqua. Prise d'une colère incontrôlable, la mère prit une assiette et la fit voler au sol. Ce jour marqua la première fois où Harin finit à l'hôpital. Un bout de verre avait écorché sa joue droite, et avait évité son œil de près. C'était une cicatrice qui ne la quittera plus jamais. Suite à cet accident, l'inévitable arriva : ses parents divorcèrent. « Enfin », se disait-elle. Il avait fallu qu'elle soit blessée pour que ça arrive. La mère perdit alors la garde, et elle resta avec son père. Elle n'en était pas spécialement dérangée ni contente, elle n'aimait pas ses parents. Ils criaient trop. Mais depuis qu'elle ne vivait plus qu'avec son père, son père était plus calme. Il lui promettait l'amour qu'elle aurait dû recevoir depuis qu'elle était petite. Avec un peu d'espoir, elle crut à ses mots. « J'espère que ce sera vrai. » Quelle sotte.

2006. « Harin, je te présente ta nouvelle maman ! » Son sac rencontra brutalement le sol alors qu'elle fronçait des sourcils en reculant, petit à petit, effrayée de la personne aux côtés de son père. Son père souriait, et la femme à côté de lui lui fit un geste de la main, souriante aussi. Les souvenirs de ses deux parents souriants lui revinrent à l'esprit, et elle fut soudainement en colère. Il n'existait pas de famille heureuse. « A nous deux, on te rendra l'amour que tu aurais dû recevoir depuis si longtemps, Harin. Notre famille sera à nouveau complète. » N'importe quoi. Ces mots doux, elle n'y croyait plus depuis longtemps. Comment une inconnue pourrait faire ça ? C'était ça, ce que son père pensait quand il lui avait dit qu'il lui donnerait tout l'amour de la Terre ? Pourquoi l'avait-elle cru ? C'était son père, après tout. Son père si violent. « C'est inutile. » souffla t-elle. « C'est trop tard. Tu as déjà détruit ma vie. » Et, sur un pas décidé, elle monta les escaliers pour s'enfermer dans sa chambre. Le bonheur ? Elle ne connaissait plus.

2010. L'âge rebelle. Harin reste dehors de plus en plus tard le soir, elle se fait gronder par son père et aussi par sa « mère », qui a emménagé, depuis. Mais elle n'y prête aucune attention, elle préfère être loin de chez elle plutôt qu'avec eux deux. Une famille, ça n'existe pas. Pas pour elle, en tout cas. Comment son père qui se battait toujours avec sa mère pouvait lui faire croire ça ? Elle se sent plus seule que jamais. Elle obtient le soutien de Miyoung, mais ce n'est pas assez pour combler le trou dans son cœur. Ce trou qui avait été créé pendant son enfance ne se remplira sûrement plus jamais. Sous l'influence des autres, elle fume, elle boit, elle sort avec des mecs. Elle est irrattrapable. Comment Miyoung peut traîner avec une personne comme elle ? Elle pense qu'elle serait bien mieux si elle n'était plus de ce monde. Mais ces pensées se contredisent avec ses actions. Elle fait peur aux gens qui essaient d'intimider Miyoung, elle fait de son mieux pour ne pas mourir bien qu'elle aime risquer sa vie... Elle est vraiment qu'une idiote. Qu'est-ce qu'elle fait ? Qu'est-ce qu'elle est ?

2012. C'est un véritable calvaire d'être en vie. Pourquoi est-ce que la Faucheuse ne peut-elle pas venir et juste prendre sa vie ? Elle ne sent bien nulle part. A l'école, les gens sont faux, hypocrites, horribles, ils brutalisent Miyoung et peu importe ce que Harin fait pour la défendre, il n'y a qu'elle qui se prend des punitions car elle est considérée comme la méchante de l'histoire. Qui croirait-on entre une fille avec une bonne réputation et de bonnes notes contre une fille connue pour être violente et avec de mauvaises notes ? Elle est frustrée de cette vie, elle voudrait se voir pousser des ailes pour enfin voler loin, loin, très loin. Elle va de plus en plus souvent sur le toit, elle court de plus en plus souvent loin de son quartier, loin de chez elle. Elle n'en peut plus, elle est fatiguée, tout simplement. Mais elle ne peut pas mettre fin à sa vie, il y a ses amis. Eux, elle ne peut pas les abandonner. Alors elle reste en vie. Elle ne leur dit pas que tout va bien, elle leur dit clairement que tout va mal, mais qu'elle vit pour eux. Parce que ce serait du gâchis de finir sa vie ici quand elle pourrait vivre des moments encore plus géniaux avec eux. Et puis, récemment, elle voit un garçon. Il est gentil, il est sympa, Harin l'aime bien. Ça a l'air réciproque. Elle ne veut pas mourir sur cette note-là.

2013. C'est la première relation sérieuse que la jeune fille vit. C'est ce garçon qui lui donne le plus envie de vivre, c'est grâce à lui qu'elle n'abandonne pas. Elle ne veut toujours pas rentrer chez elle et essaie d'éviter le plus possible sa maison quand elle le peut. Mais même si l'école et la maison sont horribles, elle peut se reposer sur ses amis et sur ce garçon. Elle ne vit pas l'idylle, mais elle est heureuse de ce qu'elle vit. Malheureusement, après un an de relation, ils se quittent. Le garçon lui a avoué qu'il ne l'aimait plus, et qu'il était fatigué de devoir lui remonter le moral, toujours. Premier chagrin pour Harin qui n'a plus envie d'aller nulle part, qui veut juste rester quelque part sur Terre, à observer le ciel en rêvant d'y aller. Mais ce n'est qu'un rêve, elle ne pourra jamais voler de ses propres ailes... Elle est contrainte de rester ici.

2015. A l'université, elle se sent un peu mieux. Les mentalités changent, et même si elle est vue comme une mauvaise fille, les gens vont plus vers elle qu'avant. Peut-être parce qu'ils la voient sourire, de temps en temps. Elle se sent mieux qu'avant, d'autant plus qu'elle habite dans un dortoir. Plus chez son maudit chez elle. Même quand elle peut revenir chez elle, elle ne le fait pas, et reste au dortoir, tout le temps. Elle ne veut plus jamais remettre les pieds là-bas. Elle n'acceptera jamais cette vision d'une famille heureuse et aimante. Entre temps, elle retrouve ses amis à l'université, toujours présents pour elle, et c'est ça qui lui donne l'espoir de vivre. Elle s'accroche à cet espoir. Au moins, l'amitié, c'est quelque chose de vrai. Pas comme l'amour.

2017. Harin passe chaque année avec un peu de difficultés, mais elle réussit quand même. Elle bosse quand même un peu plus qu'avant. Elle connaît aussi son deuxième véritable petit-ami. Cette fois, ça durera seulement quelques mois. Elle s'en remet plus facilement que son premier, car elle savait déjà à quoi s'attendre. Bien qu'elle l'aimait, elle savait que l'amour, ça ne dure pas. Alors elle s'y attendait, même si elle a pleuré. Elle n'a plus vraiment envie de sortir avec personne, maintenant. Et puis, pour la première fois depuis des décennies, Harin remet les pieds chez elle. Elle doit juste prendre des affaires. Mais elle croise sa « mère » dans le salon. Elles ne s'échangent pas un mot. Elle monte les escaliers, fait ses affaires, puis repart. Et alors qu'elle allait remettre ses chaussures, sa belle-mère l'arrête. Elle lui sourit légèrement. « Je sais que tu ne m'aimes pas, et que tu ne m'aimeras jamais. Mais... Je voulais juste te faire savoir que tu as une sœur, Harin. » Harin se tourne vers sa belle-mère, méfiante. « Une sœur ? » répète t-elle. « Oui. C'est ma fille. Je ne sais pas ce qu'elle advient maintenant, mais j'ai dû l'abandonner à sa naissance... Je me suis dit que si nous, nous ne pouvons pas être ta famille, alors elle peut l'être pour toi. Elle s'appelle Lee Joo, et elle doit être à Séoul, aussi. Je n'ai pas cherché à la revoir, alors je n'en suis pas certaine. » « Tu me prends en pitié ? Je ne veux pas de famille, non merci. » Sur ces mots secs, Harin quitte leur prestigieuse demeure. Une sœur ? Qu'est-ce qu'elle en a à faire.

Début 2018. Voilà, maintenant, vous savez tout. Harin vit désormais heureuse à l'université avec ses amis sans trop se prendre la tête car elle n'aime pas ça. Elle ne veut pas de petit-ami, ah ça non. Et elle boit encore un peu car on ne peut pas se passer d'alcool dans la vie. Elle a arrêté de fumer par contre. Ça a été difficile mais avec un peu d'aide, elle trouve des alternatives. Bref, c'était la vie bien remplie de Harin. Maintenant, il ne lui reste plus qu'à trouver sa sœur et son histoire sera complète. On pourra dire à la fin de l'histoire : « Et elle vécut heureuse pour le restant de ses jours. » Ça ne la dérangerait pas trop, enfin un peu de calme dans cette vie...

2019. Du calme, ce n'est pas vraiment ce qui a accueilli Harin cette année. L'annonce de Noah et de Miyoung qui vont se fiancer a fait déborder la goutte du vase. Impossible pour elle de rester de marbre à cette nouvelle et de ne rien faire alors que Noah est celui qui a détruit le cœur de Miyoung il y a quelques mois, en lui annonçant sèchement que tout était fini. Convaincue que le garçon n'est pas fait pour elle, elle clame haut et fort à Miyoung qu'elle devrait se remettre en question. Et cela marque leur première réelle dispute, mais Harin compte bien lui montrer qu'elle a raison... En attendant, son meilleur ami Junhee semble heureux, récemment, et ce, parce qu'il sort avec un garçon... Mais ce garçon est l'un des exs de Harin. Et elle souhaiterait qu'il s'éloigne de lui, parce que lui aussi, elle ne peut pas le blairer. Pourquoi est-ce que ses meilleurs amis doivent se dénicher les pires garçons ? Ah, mais oui : tous les garçons sont des cons en amour, comment avait-elle pu l'oublier ? Enfin... Sauf peut-être un.