sombre
-28%
Le deal à ne pas rater :
-28% Machine à café avec broyeur à grain MELITTA Purista
229.99 € 318.99 €
Voir le deal


    :: Défouloir :: 2018

bao + We gain the strength of the temptation we resist.

Invité
Invité
avatar
 
bao + We gain the strength of the temptation we resist. | Ven 11 Mai - 21:04
Citer EditerSupprimer

We gain the strength of the temptation we resist.
Bao & Je Ha

Mes paupières flanchaient, à l'image d'un corps qui ne supportait plus ni les odeurs ni les sons qui m'entouraient. Les mains enfoncées dans les poches de mon blouson, je laissai le voile de mes cils s'abaisser pour chasser la douleur d'un battement de cœur et le souvenir qui s'obstinait à me suivre telle une ombre. Alors je soufflai, immobile, en me concentrant sur l'air qui caressait mes lèvres plutôt que sur les émanations qui noyaient les lieux. Un nom lancé, appelé. L'obscurité éclaboussa mes traits tendus et s'y attarda en tissant sa toile dans un regard, dans une expression, dans des gestes, dans l'absence trahie par des pupilles dilatées et figées. Je haïssais cet endroit mais plus encore, je haïssais ce qu'il représentait. La fragilité, la connerie, la cécité, la faiblesse … ce même faiblesse qui me poursuivait par le biais de ces crises de merde qui me forçaient à revenir consulter une fois par mois. Je me redressai et entrai dans le cabinet du médecin, pour subir les mêmes mots, les mêmes questions, les mêmes silences. Seul mon orgueil m'empêchait de fuir, physiquement aussi bien que psychologiquement. Pourtant, j'aurais préféré ne pas me laisser étouffer par ma fierté et ne plus remettre les pieds dans ce bureau. Mais elle me maintenait sur cette chaise, me forçais à donner le minimum vitae et à accepter l'ordonnance pour des pilules qui m'empêchaient de sombrer quand je perdais le contrôle de mes émotions au point de ne savoir faire autrement. Ce fut un soulagement d'échapper à ce que je considérais comme une prison. La tête légèrement renversée, je goûtais à l'air comme je l'avais fait lorsque j'étais sortit définitivement de convalescence, six mois plus tôt. Respirer, expirer. La poigne du mal être se desserra et je descendis les escaliers souplement, en laissant derrière moi un passé que j'avais parfois l'impression de retenir consciemment. Pour ne pas recommencer. Je rejoignis ma voiture, ouvris la portière et m'installai sur le siège. Les gestes étant automatiques, mes pensées étaient ailleurs. Je les focalisai sur mes cours pour me changer les idées et démarrai. Le paysage n'était qu'une tâche floue. J'étais absent, coincé dans mon esprit et ce au point d'en oublier la route. Je ne vis sa silhouette qu'au dernier moment et je ne dus l'arrêt qu'à un réflexe. Ma ceinture me coupa le souffle et mon cœur s'emballa. Les tempes bourdonnantes et l'estomac compressé par une angoisse brusque, je regardais celui qui s'énervait sur la chaussée. J'aurais dû m'excuser. Ce fut mon premier geste, d'entrouvrir les lèvres, de m'avancer légèrement vers le pare brise. Mais je fus stoppé dans mon élan par le souvenir. Je l'avais déjà rencontré. Durant une dizaine de minutes, je l'avais détesté au point de l'attraper pour le sortir de la pièce. J'avais associé à son visage tous ceux avec lesquels elle m'avait trompé, associé son visage à la rage et à l'amertume. Associé son visage à elle. Un voile imbiba mes prunelles écarlates tandis qu'il s'éloignait. Je repliais les doigts sur le volant, insensible aux coups de klaxon qui retentissaient dans mon dos, indifférent au temps et à tout ce qui ne concernait pas les émotions qui me submergeaient. La respiration sifflante, je penchai la tête et m'efforçai de respirer profondément. Il m'échappait, cognait sourdement, pompait un sang qui filait et comprimait des poumons qui peinaient. La sueur perla le long de mes tempes tandis que j'ouvrais la bouche pour réclamer un air manquant. Je détestais céder mais, sentant la crise s'exacerber, je me penchai pour ouvrir la boîte à gant et récupérai la boîte de médicaments que j'y laissai en permanence. Il était tambour. Il était douloureux. La gorge sèche, la langue brûlante et les yeux humides, je ripai mon pouce contre le bouchon que je fis sauter avant de retourner le contenant. Des dizaines de points blancs, presque troubles, tombèrent sur le siège. J'en attrapai deux et les avalai avant de me laisser aller contre mon siège, déconnecté de la réalité. Elle fut fine. Presque irréelle. J'inspirai, affamé, assoiffé. Je respirai jusqu'à me calmer et nourrir mes organes angoissés. Quand je rouvris les yeux, les voitures klaxonnaient toujours en contournant la mienne. Je redémarrai et, ignorant la route conduisant à l'université, tournais dans une rue familière. Je m'arrêtai devant une pâtisserie française et descendis, en prenant soin de respirer à plein poumon dès que j'ouvris la portière. D'ordinaire, j'allais chez Il Nam, mais je n'avais aucune envie de lui laisser entrevoir le choc émotionnel que je venais de ressentir. Je poussai la porte vitrée. « En voilà un visage familier. Ça me fait plaisir de te voir jeune homme. Un fondant comme d'habitude ? » « S'il vous plaît » acquiesçai-je absent. Je la payai, récupérai le gâteau et m'installai à une table près de la vitre. J'aurais aimé les oublier tous les deux et me débarrassai de la sensation pernicieuse que j'étais en faute. Que j'étais le raté dans cette histoire sordide. Je me laissai aller contre le siège et fermai les yeux. Je n'y étais pour rien. Ma seule erreur ne concernait pas mon comportement avec elle mais vis à vis d'elle. J'avais été aveugle, point. J'enfonçai la fourchette dans l'épais gâteau et amenai le morceau à mes lèvres encore sèches, marquées par une crise qui ne m'avait pourtant secoué que quelques minutes. Un mouvement attira alors mon attention, tandis que je laissai fondre le chocolat sur ma langue. Un visage, couronné d'une chevelure blonde. Un regard fixe et sans gêne. Je levai un sourcil en l'observant puis détournai les yeux en pivotant légèrement vers l'intérieur du magasin. Les muscles raides, je coulai un nouveau regard vers l'extérieur et remarquai ne pas être celui qu'elle dévorait des yeux. Soulagé de ne pas être le sujet de son crush momentané, je me désintéressai d'elle et pris une nouvelle bouchée, sans plus me sentir concernée par cette femme. Je n'aspirai qu'au silence. Je n'aspirai qu'à échapper à cette chape lourde qui tentait de m'étouffer par le biais d'images que j'exécrai. Je fermai légèrement les yeux, voilant de stries sombres la pâtisserie, et savourai le gâteau pour m'accrocher au plaisir plus qu'à ce mélange de tristesse et de colère.

Une petite réponse rapide