Souffle coupé, longue silhouette immobile devant la porte d’un appartement qui ne ressemble en rien au sien. Il peut déjà sentir le sentiment et l’agitation d’une famille qui vient de voir le jour. Il était venu ici pour féliciter un de ses rares amis récemment devenu papa mais son unique envie était celle de déposer l’énorme peluche qu’il avait achetée afin de féliciter cet évènement et de s’enfuir le plus loin possible de cette nouvelle qui lui rappelait à quel point il souffrait et souffrirait toujours du manque de ceux qu’il aime dans sa vie. On lui a violemment arraché tout ce qu’il avait et s’il était sincèrement heureux pour son ami, il ne savait pas s’il aurait la force de sourire devant cette famille heureuse qui reflétait sa solitude. Pas le temps de faire demi-tour, il fait face à ses décisions tandis que son jeune ami vient lui ouvrir la porte et c’est avec une expression déjà mélancolique mais qui se voulait chaleureuse que Axel tend la peluche dans les bras de son ami. « Félicitation à toi et à ton épouse, Jihoon. » Sans même un mot, il peut voir à quel point Jihoon semble heureux et épanoui aujourd’hui. Ça lui rappelle ses propres débuts en tant que papa, à quel point il adorait porter sa petite Hannah dans ses bras…Axel baisse la tête, paraissant perdu et beaucoup plus vulnérable qu’à l’accoutumée. Va t’en, ne va pas la voir. Tout son esprit l’incite à partir et pourtant il reste, offrant un regard presque attendri face à ce jeune homme qui avait encore toute la vie devant lui. « Comment tu te sens ? » Il sait que c’est difficile au début. En tant que père, on ne sait pas toujours ce qu’il y a de bon. Les mères avaient un instinct maternel très développé mais ce n’était pas pareil pour les hommes. Ils voulaient bien faire mais ils devaient tout apprendre d’eux même. Axel aimerait tellement pouvoir dissocier sa vie à un moment pareil. Il n’a pas envie de se montrer aussi vulnérable mais on peut voir à son expression que quelque chose ne va pas tandis que des pleurs retentissent à peine fut il invité à entrer dans l’appartement. « Tu devrais aller la voir. » Chuchote-t-il le souffle coupé, se doutant bien qu’il ne pourra pas faire sans voir ce nouveau-né également. Il était venu pour ça, après tout et à y penser, il ne se voyait pas repartir sans avoir vu le visage de cette petite fille que Jihoon attendait avec impatience et dont il lui a tant parlé.

Je n'aurais jamais pensé qu'un si petit être pouvait prendre autant de place et de temps dans la vie de quelqu'un. L'appartement est depuis quelques temps rythmé par les pleurs de Sae Eun. Des pleurs de faim, de fatigue, faisant même fuir les chiens sur le balcon. Et même si Joo Hee se montre particulièrement impliquée dans son nouveau rôle de mère, je suis loin de rester en retrait. C'est toujours ça, avec les papas. Nous devons nous faire une place dans cette famille. Il n'y aura jamais de père parfait, mais seulement des hommes qui font de leur mieux. Et moi, je veux faire de mon mieux. Je soulage le quotidien de Joo Hee comme je peux. Et même si j'ai besoin de repos parfois, j'estime que ma femme en a plus besoin que moi. Aujourd'hui d'ailleurs, je lui ai proposé de faire une petite sortie pour lui permettre de se ressourcer. Je la sais toujours en congé maternité, je n'aimerais pas qu'elle fasse un burn-out à la maison. Et puis hé, je gère ! Enfin, je crois. Ainsi, me voici de garde pour l'après-midi. J'ai mis Sae Eun au lit pour sa sieste après lui avoir donné le biberon. Affalé sur le canapé, je zappe les chaînes à la télé pour faire passer le temps. C'est fou comme une fois la tempête passée, tout semble si calme... J'apprécie même la présence des chiens au pied du canapé, alors que d'habitude je ne les supporte pas. J'ai hâte du jour où Sae Eun fera ses nuits, j'ai vraiment hâte. Et alors que je commence à somnoler sur le canapé, la sonnette retentit. Oh, un visiteur surprise ? Je bondis du canapé, sortant de ma léthargie, et jette un oeil à la porte de la chambre de ma fille. Ok, elle dort toujours. Je viens donc ouvrir à... Axel ? J'observe le joli cadeau qu'il a amené avec lui. Je souris, l'acceptant avec plaisir. Je suis sûr que Sae Eun va l'adorer, cette peluche. « Merci beaucoup, c'est gentil de ta part hyung. » Je m'écarte ensuite de l'entrée pour lui permettre d'entrer dans l'appartement, refermant la porte derrière lui. « Fatigué, mais je n'ai pas à me plaindre, c'est pire pour ma femme. » Les pleurs de Sae Eun me ramènent à la réalité, et Axel me conseille d'aller la voir. Comme quoi, la sonnette n'est finalement pas passée inaperçue. J'esquisse un sourire gêné et marche rapidement jusqu'à la chambre. Je prends soigneusement la petite crevette dans mes bras, la gratifiant d'un doux baiser sur son front, puis je reviens dans le salon pour la présenter à Axel. « Hyung, je te présente Sae Eun. Tu ne trouves pas qu'elle ressemble à sa mère ? » C'est fou comment je peux m'adoucir devant ce petit bout d'humanité. J'espère ne pas en faire trop avec elle.

En voyant l’expression fatiguée de Ji Hoon, Axel regretterait presque d’être venu à l’improviste mais il sourit néanmoins, observant son jeune ami à la fatigue visible à des kilomètres, presque amusé mais surtout compatissant face à son état. Il lui souhaitait bien du courage, silencieusement car on ne racontait jamais à quel point élever son enfant pouvait être épuisant, même si ça restait une expérience magnifique dans tous les cas. « Je t’en prie, ce n’est pas grand-chose. » L’énorme peluche lui avait fait de l’œil dans un magasin spécialisé pour les bébés et ça avait été difficile de remettre les pieds dans ce genre d’endroit également. Ça expliquait son expression un peu perturbée tandis qu’il acquiesçait doucement de la tête aux paroles de Ji Hoon. C’était comme si chaque mot le ramenait à son passé et il se souvenait les sourires fatigués de sa femme pendant les premiers mois de Hannah. Il n’avait même pas été présent pour elle, bien trop concentré sur son travail pour pouvoir voir sa petite fille grandir et avant même qu’il ne le réalise, elle était déjà une petite fille aux longs cheveux et au regard semblable à celui de sa mère. « C’est sûr mais tu es là pour elle, vous vous en sortirez tous les deux. » Nervosité à la gorge, il laisse le jeune père rejoindre la petite qui s’était réveillée et pleurait, cherchant à se calmer mais son cœur lui faisait beaucoup trop mal en ce moment pour qu’il ne parvienne à contenir une expression normale. Alors que Ji Hoon revient dans le salon avec l’enfant dans ses bras, Axel ne peut plus contrôler son expression qui devient presque suppliante alors qu’il se retourne à peine eut-il croisé le regard de la petite fille, portant une main à sa bouche et réprimant difficilement un hoquet douloureux. Ça faisait longtemps qu’il n’avait plus pleuré, il n’avait même plus l’impression d’en avoir la capacité mais les larmes qui coulaient à présent de ses yeux lui prouvait bien que c’était ce qu’il était en train de faire. Embarrassé, il lève son autre main, toujours de dos, essayant de rassurer son ami qui ne devait rien comprendre à la situation. « Je suis désolé Jihoon, c’est un peu difficile pour moi. » Jihoon savait que Axel avait perdu sa femme mais il ne s’était pas douté qu’il n’y avait pas eu qu’elle, qu’il y avait également eu une petite fille et que Sae Eun lui rappelait tellement de choses que c’était de trop pour lui. Axel essaye de calmer sa respiration et une fois qu’il a repris un peu plus de contenance, il se retourne finalement pour s’approcher de l’enfant et du père, souriant tendrement et tristement à la petite fille. « Elle lui ressemble beaucoup oui, elle est très jolie. » Malgré sa souffrance actuelle, il était vraiment enchanté pour son ami et sourit un peu plus en pensant à cette famille qui méritait d’être heureuse.

Le poids plume dans mes bras, je reste littéralement scotché devant ce si petit visage qui égaye mon quotidien depuis même pas un mois. C'est fou comment une minuscule crevette peut recevoir autant d'amour. J'ai longtemps douté de mes capacités à être père, mais depuis qu'elle est là, c'est comme si c'était instinctif. Joo Hee et moi partageons cette grande aventure dans laquelle nous nous sommes lancés à pieds joints. L'aventure de la parenté. On l'a notre famille, et je suis ravi de pouvoir la présenter à Axel, bien que je sois conscient des conséquences que cela peut avoir sur ce dernier. Hélas, il m'a déjà fait part de ce tragique incident qui a coûté la vie de sa femme. Et ceci explique bien des choses, notamment son dédain et son cynisme constants. Sa froideur, son esprit assombri par ce foutu karma qui ne lui a pas fait de cadeau. Je m'en veux de lui exposer mon bonheur à la figure. Mais il est là, dans l'entrée de l'appartement, je ne peux pas lui demander de faire demi-tour alors qu'il fait tous les efforts du monde pour découvrir ce qui me rend souriant bien que fébrile. Je le regarde légèrement tourné sur le côté, une main sur sa bouche, les yeux brillants de larmes prêtes à dévaler ses joues. Aussitôt je perds mon sourire pour devenir sérieux, observant Axel tenter de se contrôler. « Non, c'est moi qui m'excuse. Tu avais un enfant toi aussi. » C'est facile de le comprendre, vu comment il est fragile à cet instant précis. Je pousse un léger soupir et m'approche, Sae Eun toujours dans mes bras. J'ai envie de lui dire de rentrer chez lui, de se reposer, qu'il n'a pas à se forcer alors que c'est encore douloureux pour lui. Mais je n'ai pas envie pour autant de cracher sur ses efforts. Il est venu jusqu'ici pour me féliciter, m'encourager, moi aussi je dois faire de même. « Je suis désolé, tellement désolé Hyung. Mais je te remercie quand même d'être venu, ça me va droit au coeur. » J'essaie un nouveau sourire qui se veut réconfortant, cherchant le regard fuyard de mon ami. Sae Eun s'est calmée dans mes bras, mais la voilà présent bien réveillée, et il faut la stimuler. Je propose alors l'impossible à Axel, comme une épreuve ultime pour lui permettre de braver ce passé douloureux. « Tu veux la porter ? Tu verras, elle est vraiment toute légère. »