Née prématurément, ce n’était ni le lieu, ni le moment mais je n’ai pas vraiment choisi et mes parents ont dû m’accueillir deux mois trop tôt. Partis en vacances pour profiter des derniers moments de calme avant l’arrivée de leur fille, ils étaient installés dans la villa de mes grands-parents près d’une plage à Okinawa et profitaient du soleil d’été avant que les premières contractions ne viennent chambouler les paisibles jours de repos de ma famille. J’avais envie de voir ce soleil, cette île qui restera ancrée dans mon cœur comme le lieu auquel j’appartiens vraiment. Ma naissance a obligé ma mère a resté plus longtemps à Okinawa et j’y ai vécu 6 mois sans souvenir avant de revenir à la capitale de Corée du Sud puisque c’est à cet endroit que mes parents étaient réellement installés.


J’aurais préféré vivre auprès de mes grands-parents, au Japon, là où le soleil aurait pu constamment réchauffer ma peau. Mais ma vie devait se faire en Corée, là où mon père travaillait assidûment et où ma mère passait son temps à tout faire sauf s’occuper de moi. Peut-être que je pourrais me plaindre de ne pas avoir vu mes parents s’occuper de leur fille unique pourtant, je ne leur en ai jamais voulu parce que mon enfance ne s’est pas mal passée. Je pense qu’elle était même plutôt banale, je n’ai jamais manqué de rien et pour plaire ou même ne serait-ce qu’attirer l’attention de mes parents, je travaillais très dur pour être la meilleure de ma classe et ramener de bonnes notes à présenter aux quelques repas de famille où mes deux parents se rappelaient de mon existence. J’ai toujours pensé que ma mère me fuyait un peu en trouvant n’importe quel prétexte pour me laisser aux mains de ma gouvernante mais elle ne m’a jamais vraiment manqué, le seul vide dont je pouvais souffrir venait des voyages sans cesse plus longs et les absences répétées de mon père. Tous les ans, je partais pour les grandes vacances chez mes grands-parents puisque mes parents ne prenaient ni congé, ni temps à m’accorder. Je pense avoir toujours attendu avec impatience les vacances pour prendre le bateau et rejoindre les côtes japonaises… Pendant toute mon enfance et mon adolescence, je sentais que mon cœur ne battait que pour le soleil, les vacances et les sourires attentifs de mes grands-parents…



Je ne pensais jamais connaître un été coréen, préférant le fuir pour l’été japonais. Pourtant, ce n’est pas ce que la vie avait réservé pour moi et j’ai pensé, ce juillet 2009, ne jamais survivre aux vacances qui pourtant me réjouissaient par le passé. J’avais 17 ans quand une dispute entre mon père et mon grand-père explosa et la seule façon que mon père a trouvée pour faire souffrir mes grands-parents fût de retirer mes visites annuelles de façon définitive. J’ai pensé à fuguer, fuir la décision injuste de mon père et prendre le premier bateau en direction du Japon et de mon île. Mais là où tout se retournait contre moi, j’ai trouvé un sentiment que je ne connaissais pas dans les yeux d’un coréen que je bousculais maladroitement. Je n’avais pas l’habitude de rencontrer des gens, même à l’école, malgré mon énergie et mon sourire, je ne me liais pas vraiment aux gens, comme si cela me semblait inutile, comme si je considérais l’école comme un lieu où je ne restais que temporairement et donc où je n’avais pas besoin de me créer de réelles attaches. Pourtant, avec lui, ce fût différent et ce fût assez intense pour me faire oublier la séparation que je devais subir pour contenter les esprits vengeurs de mon père. Il m’avait servi un sourire ensoleillé, un regard chaleureux et mon cœur connût pour la première fois des battements endiablés et rapides. L’amour, je pensais définitivement l’avoir trouvé en croisant le regard du jeune homme. Mon cœur s’emballait alors à chaque que l’on se revoyait et les avances qu’il me faisait ne me laissaient jamais impassible. Je n’avais jamais eu de relations aussi proches, encore moins une relation amoureuse et je pensais innocemment que tant que j’étais dans ses bras, je pouvais oublier tous mes malheurs et être heureuse. J’avais, sans le savoir, offert ma confiance à quelqu’un qui ne la méritait pas.


Je venais d’avoir 18 ans et une fois de plus, j’avais fui ma maison pour le rejoindre. Nous ne sortions ensemble que depuis un mois et pourtant je vivais sur un petit nuage alors que mon cœur ne cessait de faire des montagnes russes dans ma poitrine. Tout était parfait à mes yeux même si ça ne l’était pas tellement, maintenant que je l’ai vécu et que je regarde mon passé avec de la distance. Peut-être aurais-je dû être plus méfiante, plus catégorique mais je devais faire l’erreur de ne pas l’être pour le devenir par la suite. Les hommes ont constamment ce désir, cette envie de sexe qui ne m’a jamais vraiment attirée ni intéressée. Lui, comme tous les autres, y pensait également et après un mois à peine, il avait insisté plus d’une fois pour le faire, pour passer à l’acte alors que, vierge, je redoutais cette douleur qui me semblait insupportable. Je savais qu’il était déçu de ne pas le faire mais je ne savais que c’était au point de… de me trahir.
Je ne veux pas raconter cet événement dans les détails, je ne saurais pas le faire puisque c’est flou puisque je n’étais même pas tout à fait consciente. Je pensais que fêter mon anniversaire à ses côtés était une idée naturellement bonne mais le cadeau qu’il m’a fait continue de me hanter aujourd’hui. Je ne peux communiquer que quelques souvenirs, un verre offert, un arrière-goût inhabituel et ensuite, un noir intense et la sensation de ne plus sentir mon cœur battre… Je me suis réveillée tard dans la matinée, dénudée, abandonnée dans une ruelle inconnue de la capitale et avec une douleur intense au creux de mon ventre…


Vivre. Peut-être était-ce la seule chose que je pouvais me contenter de faire après un tel événement. Simplement essayer de respirer, de regarder autour de moi et de ne pas paniquer au moindre contact, à la moindre rencontre. Sourire comme je n’ai jamais souris, marcher avec une assurance comme je n’en ai jamais eue et oublier ou surtout ne pas se souvenir parce que la douleur serait trop grande et trop profonde. Personne n’a jamais su, personne ne saura jamais mais moi, moi je n’ai pas pu continuer « comme si de rien n’était » faute d’avoir essayé. J’ai dû évoluer, changer, ne plus être celle que j’étais avant pour devenir celle que je suis maintenant. Je ne pouvais ni nier, ni accepter alors je devais changer. Et c’est ce que j’ai fait, en m’affirmant, en laissant ma naïveté derrière moi. Je sortais moins souvent et il n’y a que pour aller à l’école et au cinéma, seule évidemment, que je mettais un pied dehors. J’avais des « amies », des personnes qui m’appréciaient, qui étaient assez sympa mais avec qui je restais assez distante pour ne plus souffrir de trahison. Pourtant, rester seule dans ses passions, passer ses journées à coder sur son ordinateur lorsque je n’étais pas à l’école et éviter indéfiniment la vie sociale n’est pas possible et j’ai fait la rencontre d’un jeune homme, le second qui bouleversera ma vie, et tout ça parce que je me suis ouverte à lui pour parler de notre passion pour Harry Potter…



J’ai construit pendant trois longues années avec ce jeune homme une amitié. Je ne voulais pas que ça aille plus loin, j’avais peur de tomber à nouveau amoureuse alors je me contentais de le laisser être une des seules personnes avec qui j’étais une véritable amie. J’ai toujours su, senti au fond de moi que je le voyais autrement qu’un ami mais me l’avouer aurait brisé toutes mes décisions anti-amour que je m’étais construite depuis mes 18 ans. J’étais entrée dans une université pour coder, pour tout savoir de l’informatique qui me passionnait depuis longtemps déjà. En dehors de certaines filles de l’université et d’Eui Geon, je ne voyais personne, mes parents étaient constamment en voyage et j’étais assez âgée pour vivre seule chez moi. Rien n’avait vraiment changé mais tout était différent parce que je voyais un garçon même si je m’étais promis de ne plus offrir mon cœur, je n’ai pas pu résister. Mes battements ont de nouveau voulu atteindre la vitesse de la lumière lorsqu’à 21 ans, en juin 2014, j’ai répondu aux sentiments que mon unique ami m’avouait. Je me faisais confiance, je savais cette fois que je ne serais plus naïve et je ne voulais plus entendre parler de sexe, lui faisant comprendre que je ne voulais aucune relation trop physique dans notre relation amoureuse. Et lui ne m’a pas trahi… Non, c’est moi qui ai tout gâché cette fois…



Je pensais être heureuse mais peut-être que ce n’était qu’une illusion, je craignais toujours. Je sentais que je m’attachais à lui, qu’il avait des plans qui allaient trop vite à mon goût et que je m’enfonçais dans quelque chose que je voulais fuir. Je ne lui avais pas donné ma confiance et je sais que j’aurais dû. Tout allait bien pourtant, il fallait que je prenne peur et que je recule, que je fasse un faux pas, que je trébuche et que j’entraîne tout ce que nous avions construit avec moi. Mon cœur prenait peur dès que je l’entendais parler de mariage. Je n’étais clairement pas prête, je savais que mariage voulait dire enfants et responsabilité et nous n’avions même pas 25 ans ! Pourtant je l’aimais, je l’aimais comme je n’avais jamais pu aimer mais je l’ai trompé et j’ai pris n’importe qui pour amant sans ressentir quoique ce soit pour cette tierce personne. Je l’ai regretté, j’ai ressenti ce poids sur mon cœur, ce regret que je ne pouvais lui cacher, que je ne pouvais pas garder pour moi alors je lui ai avoué.
Il a rompu et avec son départ, j’ai perdu mon cœur.



Suite à cet horrible journée de mars, j’ai fui, je n’ai pas pu rester une seconde de plus sur le territoire coréen et je suis partie. J’ai pris le premier bateau en direction d’Okinawa et j’ai rejoint mes grands-parents que je n’avais plus revus depuis tellement longtemps. Je ratais mes examens, je ne prévenais pas mes parents et je passais cinq mois dans la villa de mon enfance pour tout oublier, pour profiter d’un soleil qui m’aiderait à ne plus penser, ne plus penser à lui… ne plus l’aimer… J’avais besoin de quitter Séoul, de tout quitter et de ne plus donner de mes nouvelles le temps de m’en remettre et de décider ce que j’allais devenir, ce que j’allais décider de faire.
J’ai regretté pendant de longues semaines, de longs mois où je passais mon temps à coder pour oublier et à rattraper tout le temps perdu à ne plus voir mes grands-parents. Je savais que je ne pouvais pas fuir pour toujours, que je ne pouvais pas oublier et nier le passé interminablement. Je décidais de revenir à l’université en septembre, décidée à recommencer cette année que j’avais abandonné en mars précédé, déterminée à réussir comme je n’ai jamais réussi mais surtout, reconquérir Eui Geon parce je regrettais toujours… et que mon cœur bat toujours désespérément pour lui.