”Je dois vraiment tout reprendre depuis le début ? D’accord, d’accord. Je m’appelle...Samran. Kim Samran. Je suis né à Bangkok, en Thailande. Mais parents...était l’exemple même de la multiculturalité réussie. Mon père était ce futur agriculteur de Jeju devenu riche parce qu’il avait soudainement eu l’idée de faire des bonbons aux oranges de l’ile, et ma mère...ma mère était une princesse. Peut être pas littéralement, mais elle est ce qui s’en rapproche le plus pour mon père. Une femme riche et cultivée qui aurait été totalement hors de sa portée si il n’était pas un businessman accompli.
Ils étaient amoureux….Ils le sont encore, je pense. Je ne les vois plus énormément, aujourd’hui.
Au début, les parents de ma mère me voyaient d’un mauvais oeil. Bien sur, ils auraient préféré qu’elle se marie avec un thaïlandais pure souche mais, ma mère...ma mère avait ce qu’elle voulait. Et elle nous voulait, moi et mon père.
C’est à Bangkok que j’ai passé les premières années de ma vie. Je ne m’en souviens pas très bien, sinon quelques bribes. Comme les jours ou j’allais à l’école en bateau...ou les leçons de piano...ma mère qui peint dans le patio et qui chante. C’était une belle époque….

Quand j’ai commencé à être plus vieux, mes parents ont décidé de m’envoyer chez ma grand mère en Corée du Sud.
Pas parce qu’ils voulaient se débarrasser de moi, je pense en tout cas, mais parce que la Thaïlande n’avait pas de très bonnes écoles. Ils voulaient le mieux pour moi, alors m’envoyer chez ma grand mère, dans les quartiers riches de Séoul semblait être la meilleur chose à faire pour eux.
...je me demande si ils le pensent toujours aujourd’hui.
Heureusement, j’ai toujours été bien accueilli par ma grand mère. C’était une petite femme pleine de courage et avec un caractère bien trempé. Elle me manque.
Elle me faisait de quoi manger le midi, et me serrait dans ses bras le soir, quand je rentrais en pleurs parce qu’un grand m’avait poussé. Les enfants sont parfois méchants, qu’elle disait. *soupir*
C’est à ce moment là de ma vie que j’ai rencontré Yoonjoon et Yoonjae, les deux jumeaux.
Je me demande encore si c’était une bonne chose, que d’accepter la main tendue de Yoonjoon, ce jour là. Mais je l’ai fait. Je l’ai fait et j’ai passé les meilleures années de ma vie, avec eux. C’était….C’était merveilleux. Je les aimais, tous les deux, d’une façon aussi différentes qu’ils pouvaient l’être eux même.

Puis je suis tombé amoureux, et tout est parti en vrille.
Finalement, si il n’y avait pas eu ce baiser, je pense que tout ça ne serait jamais arrivé, et que Yoonjoon serait toujours en vie. Il serait surement entrain de rire de ce que je suis devenu. Je l’entendrais presque.
Mais c’est arrivé et...Ah.
Et on était à cet entrepôt le soir ou le tueur d’enfants cherchait à échapper aux flics.
J’ai même pas pu lui dire au revoir.
Il a tiré sur Yoonjoon en premier. En pleine tête. Je...Finalement, je suis heureux qu’il n’aie pas souffert. Je me demandes si c’est comme s’endormir, de mourir. Je regrette qu’il soit mort en colère.
Il a tiré sur Yoonjae en deuxième. La jambe, peut être. Je ne suis plus sûr de rien.

Et ….
J’ai pas envie d’en parler. Même à vous. Je…
Mes souvenirs de cette nuit sont flous, mais je sais que j’aurais aimé mourir pour ne pas avoir à subir tout ca. J’aurais voulu...Je crois que je l’ai supplié de m’achever.
Je ne sais pas combien de temps la prise d’otage a duré, exactement. J’ai eu la sensation qu’elle avait duré une éternité, mais...L’enfoiré est mort. Et je me suis retrouvé à l'hôpital, mes parents penchés sur mon lit, et YoonJae dans le lit d’en face, encore inconscient.

Il n’est jamais redevenu le même, après ça. Je ne peux pas lui en vouloir, bien sur. Je n’étais pas le même non plus. Plus maintenant.
On a fait de notre mieux pour s’en sortir. On a décidé de partir. De se rendre chez un de ses oncles en Angleterre, ou je pourrais étudier la musique. Mes parents n’ont pas tenté de me retenir. Ils savaient que j’en avais besoin. Que je deviendrais fou si je restais.
On a vraiment essayé. Ou est ce que j’étais le seul à vraiment vouloir que ca marche ? Mais je l’aimais, et je pense qu’il revivais cette nuit là à chaque fois qu’il me regardais dans les yeux.
Je n’essaies pas de lui trouver des excuses. Il nous a laissé tomber. Il m’a abandonné. Il m’a abandonné pour les bras d’un quelconque anglais, et je me suis retrouvé seul.

J’ai pris mes affaires et j’ai réservé un billet retour pour Séoul le lendemain. Ca fait si longtemps, et pourtant, je crois que depuis, je n’ai adressé la parole à personne d’autre que Liu Xing. Liu Xing qui a été la seule constante dans ma vie a vraiment pouvoir m’empêcher de devenir fou et d’en finir.
J’aimerais pouvoir le remercier.
Je me demandes ce qu’est devenu Yoon Jae, parfois. Si il est toujours en Angleterre. Si il m’a oublié. Quand les cauchemars reviennent, j’essaie de jouer pour oublier.

Une chance que la douleur fasse de douces mélodies.”