L’été était arrivé et pour Iwan, c’était synonyme de beaucoup de choses. Déjà, de vacances, et pour lui ça se plaçait en premier sur la liste des événements importants – mais les vacances voulaient aussi dire basket, boisson, soirées, sorties. La chaleur et le soleil lui donnaient envie de rester dehors des heures et des heures, seul ou accompagné, pour jouer au basket et se perfectionner. Ça le mettait de bonne humeur et il se promenait autour du dortoir des sango avec un grand sourire. Avec le temps il s’était familiarisé avec ce dortoir – ça faisait presque un an qu’il était revenu de Singapour et qu’il avait décidé de venir chez les sango afin de ne plus être trop près de Hera et de la haine qu’elle éprouvait pour lui à l’époque. Quand il y repensait, les choses avaient bien changé depuis, que ce soit dans sa relation avec Hera ou dans la relation entre Hera et Hyeon. Il y a an de cela, il était encore certain qu’il gagnerait le coeur de Hera après qu’elle ait compris combien tout n’avait été qu’un malentendu. Maintenant, il avait non seulement laissé tomber l’idée, mais ça ne lui plaisait plus vraiment non plus – son coeur était épris par quelqu’un d’autre, aussi incroyable que cela puisse paraître.
Dans le jardin des sango, il lança la balle qui atterrit dans le panier sans surprise. Iwan était bien trop habitué à faire des paniers, il les réussissait la majorité du temps. Avec la technique et sans imprévu, c’était bien trop simple de les marquer. Dans un soupire, il tourna la tête autour de lui pour fixer une jeune femme sango, dont il ignorait le prénom. Sa main se mit à dribbler avec la balle automatiquement. Elle avait le regard perdu et même si Iwan n’était pas le plus perspicace des hommes, ce n’était pas compliqué de voir qu’elle était remplie de pensées. Il prit la balle et la fit rouler sur le sol vers la jeune fille, un moyen d’attirer son attention en restant à la même place. « Tu veux te vider la tête en faisant des paniers avec moi ? » demanda t-il, un léger sourire sur le visage.
Let's forget everything ft. Miu
Il paraît que l'on récolte ce que l'on sème. Que le vent ramène toujours les nuages. Et que toutes ces choses sur lesquelles on ferme les yeux finissent toujours par revenir sans qu'on le veuille vraiment.
A présent, Miu saisissait ce qu'était un retour de bâton. Mo Yeon est partie, Ji Hye a disparu sans laisser de trace et Soju a quitté le dortoir pour se concentrer sur son mariage. Dans le fond, sa relation avec Ji Hwan n'a jamais été plus désastreuse qu'à ce jour. Et puis il y a sa vie qu'elle prend enfin conscience de mettre en danger. Parce que ces gars-là ne la laisseront jamais tranquille. Et parce que Kiyong est entrain de détruire la seule force protectrice qu'il avait pourtant juré de garder pour elle.
Il n'y a rien qui va. Les yeux perdus dans le vague, les jambes repliées contre elle, simplement assise sur le rebord de la terrasse à flanc de jardin, Miu se sent perdue, encore une fois, et vidée de tout. Encore une fois... Alors elle réfléchit. Encore et toujours et comme à chaque fois, ça ne mène à rien, ça ne mène nulle part. La solution n'existe pas. "Est-ce que tu n'as pas regretté un jour, d'avoir fait ces choix ?" Elle ne cesse d'entendre la voix de Hyeon et son cœur se resserre. Ça fait longtemps qu'elle n'a pas respiré Miu... ça fait si longtemps qu'elle n'a pas respiré pour de vrai. Comment savoir où je vais si je ne sais pas d'où je viens. Tout est remis en question. Le passé est oublié. Le présent est sombre. Et l'avenir n'existerait pas.
Et plus elle y pense, plus elle suffoque.
Alors, les rebonds du ballon berçent ses pensées négatives et malgré elle, elle apprécie cette présence lointaine et distante. Jusqu'à ce que le ballon ne roule à ses pieds, mention relevé pour observer la silhouette du garçon qu'elle parvient à peine à distinguer à contre-jour. « Pas particulièrement non. » D'ordinaire, Miu n'est pourtant pas une fille très avenante alors, les gens préfèrent la laisser dans son coin plutôt que de se manger des réflexions salées. Et ça lui va très bien.
Pourtant, elle a besoin de changer d'air car si elle ne le fait pas, alors elle explosera sûrement comme une bombe à retardement. « Je sais pas vraiment jouer au basket. » L'esprit d'équipe, un truc inconnu dans son jargon à elle. Mais elle se saisit de la balle, toujours assise et la lui lance relance assez maladroitement. « L'offre tient toujours ? »
Iwan regardait tour à tout la jeune femme et la balle à ses pieds, attendant une réaction de sa part, n’importe laquelle. Il savait que c’était une sango comme lui mais ils n’avaient jamais été amené à se parler. Même s’il était social, il n’était pas quelqu’un qui allait vers les autres, surtout lorsque ces derniers ne semblaient pas prêts à l’accueillir. De ce qu’il avait vu d’elle, elle n’était pas quelqu’un de très souriant ou de très social, alors il n’avait jamais pris la peine d’aller la voir. Or là c’était différent, elle semblait aller mal, ou en tout cas être perdue dans ses pensées. Il doutait que, même s’il était allé la voir pour lui demander si elle avait besoin de parler, elle accepte. Après tout ils ne se connaissaient pas. Même lui, naïf comme il était, n’aurait pas confié ses soucis à une inconnue ; elle, elle semblait bien moins naïve que lui.
Il ne fut pas réellement surpris par le refus. Après tout, elle n’avait pas l’air d’être très enthousiaste. Il pouvait aussi comprendre qu’elle ait besoin de réfléchir silencieusement et non pas de se changer les idées. D’autant plus que si, pour lui, jouer au basket l’aidait à se vider la tête, peut-être était-elle bien moins sportive et ne voyait-elle pas l’effort sportive comme une possibilité. Il s’apprêta à répondre quand elle reprit la parole pour justifier. Elle n’avait pas besoin de dire pourquoi elle ne voulait pas. Perplexe, il resta silencieux et se contenta d’attraper de justesse la balle qu’elle venait de lui lancer sans trop d’agilité. Il eut un sourire quand elle sembla avoir changé d’avis. Peut-être n’était-elle pas si antipathique qu’elle ne semblait l’être. « Bien sûr ! » s'exclama t-il. « Ce n’est pas grave si tu n’es pas très douée… on peut se contenter de marquer des paniers ! Je peux t’expliquer la technique, ce n’est pas compliqué quand on la connaît. »
Quelque chose avait changé dans le roulement monocorde de l'Univers. Miu s'était avancée, tirant sur le haut de ses chaussettes avant de se redresser, un peu plus petite que lui. A peine avait-elle accepté qu'elle regrettait déjà. Il parle trop. Elle s'interdit de lever les yeux au ciel au risque de paraître impolie, pas que ça l'inquiète particulièrement mais il ne semblait pas lui être hostile et Miu, en dépit de ce qu'elle pouvait laisser paraître, savait bien que son mauvais caractère lui jouait souvent des tours. « A t'entendre on croirait que c'est facile. » Au lycée, ses amis jouaient tous au basket ou au football américain. Miu avait toujours été la fille dans un coin des gradins, celle lui ne savait pas trop ce qu'elle foutait là mais c'était surtout parce que ses potes lui avait donné plus de pitié qu'autre chose à essayer. Et pendant une heure à deux heures, le regard vague, elle ne s'était jamais forcée à connaître, comprendre ou retenir les règles du jeu.
Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il fallait mettre la balle dans le panier. La base. Les rudiments purement primaires quoi. « Bien. » Elle récupéra la balle de ses mains et passa devant lui jusqu'au panier comme s'il était un pion transparent. Elle lança la balle et d'un même geste, d'une même voix, demanda sans effort. « Qu'est-ce qui te plait autant là-dedans. » Jouer seul. Marquer des paniers seuls. Ne faire que ça et répéter la même opération sans se lasser. La façon qu'elle avait de dire les choses faisait tout passer pour une accusation mais c'était bel et bien une question, quoi qu'un peu cassante. A son image.