Depuis l'ouverture de ce bar à chats il y a six mois, c'est ici et exclusivement ici que tu viens réviser, lire, et même que tu amènes tes dates. D'ailleurs... non, le propriétaire n'en a pas vu beaucoup car tu n'as eu qu'une malheureuse relation de quatre mois puis tu as quitté le type car finalement, il se révélait déjà être une toute autre personne que celle qui t'avait plue. Alors effectivement, on t'y voit souvent seul. On se dit certainement que tu es un garçon solitaire, pauvre petit, mais c'est faux. Seulement tes amis ont d'autres centres d'intérêt que les bars à chats et tu ne les as donc jamais amenés ici. Ce n'est pas plus mal car tu considères l'établissement comme ton refuge lorsque tu as besoin de calme et de solitude, comme ce aujourd'hui. Tu viens au minimum une fois par semaine si ce n'est plus alors forcément, le propriétaire a commencé à te connaître même si vous ne parlez que très peu, au moins visuellement, et toi aussi.

Alors, quand tu entres dans le bar à chats et après avoir passé le sas d'entrée, tu adresses un grand sourire au propriétaire, derrière le bar comme à son habitude. Bonjour, ahjussi ! Malgré votre âge similaire, tu aimes l'appeler comme ça car tu peux lire l'exaspération sur son visage à chaque fois que tu l'appelles de la sorte et c'est beaucoup trop drôle pour toi. Pas pour lui. Pas tout à fait. Comme d'habitude, tu te diriges vers le bar pour passer commande. La même que chaque fois. Je vais prendre un smoothie fraise banane et un chocolat liégeois, s'il vous plait. Tu le payes immédiatement puis va t'assoir à ta table favorite qui, par chance, est libre, près de la fenêtre dans un petit coin bien cozy, là où dort toujours Oscar, ton petit chouchou. Aujourd'hui encore, il y est roulé en boule mais il ne dort pas. Tu t'assois près de lui et il lève la tête pour te regarder. Avec un sourire en travers du visage, tu te désinfectes les mains avec le gel hydroalcoolique sur la table avant de te jeter sur lui pour le câliner. Tu as posé tous tes livres de révisions sur la table, surmonté par ton livre préféré que tu ne te lasses pas de relire de temps à autres. Bombardé de câlins, le chat ronronne, faisant fondre ton coeur si bien que tu ne remarques pas le proprio qui s'approche avec ta commande.

Bonjour, ahjussi ! Les yeux au ciel en quelques secondes, le blondinet se redresse derrière son comptoir pour regarder la nouvelle tête qui vient de rentrer. C'est sa façon d'accueillir les petits malins qui le provoquent avec ce stupide surnom. Le magazine se referme discrètement et Yuu saute par terre pour se faufiler dans la salle principale, abandonnant le patron à sa besogne.

Le visage de Shin s'adoucit après quelques secondes quand il reconnaît le jeune homme qui semble apprécier la compagnie d'Oscar. Ren n'a même pas commencé à commandé que le blondinet est déjà prêt à se diriger vers la machine pour préparer les boissons... Mais il se ravise, préférant s'assurer que ce jeune garçon prendra son "smoothie fraise banane et un chocolat liégeois" habituel. D'ailleurs, à l'instant où les mots traversent son esprit, Ren les dit à voix haute. Il sourit, un court instant, fier de lui, puis se ravise.  D'un regard accusateur, limite plein de reproche, il marmonne tout en tapotant sa machine pour encaisser. Franchement, je devrais te faire payer le double. Rancunier ? Non mais, le gars l'a encore traité de vieux devant ses chats. Sans un mot, il se retourne, laissant l'étudiant s'installer pour préparer la commande.

Aujourd'hui est une journée assez calme, le petit groupe clients présents semble être obnubilé par la relation complice de Nya-chan et Vick. Shin hésite en refermant le smoothie. Peu-être devrait-il ajouter du piment pour lui faire comprendre qu'il n'est pas si vieux que ça ? L'idée lui traverse vaguement l'esprit puis il se ravise. D'une, c'est pas pro. De deux, il n'a pas le piment. Déposant le tout sur le plateau, voilà qu'il s'avance vers Oscar et  Ren de sa démarche las habituelle. Surplombant le client il marque une pause pour le regarder discrètement... Seulement, Oscar se rend bien vite compte de la présence de Shin, alors pour éviter de semer le doute dans cette attitude quelque peu stalkeuse, il dépose rapidement le chocolat liégeois et le smoothie devant lui, prenant soin de ne pas abîmer les livres. Et c'est quand que t'arrêtes de me me parler de manière aussi formelle ? Il râle, comme à son habitude, puis rapproche le plateau vide contre son torse, comme un bouclier. Shin pince les lèvres et détourne le regard quelques instants pour le poser sur le livre devant Ren. Je pensais pas qu'un gars aussi agaçant comme toi lirait du Stephen King. Inconsciemment, ses doigts ont été attiré vers la couverture qu'il touche du bout des doigts.

Tu es tellement occupé à câliner le chat que tu n'entends pas le propriétaire arriver. Ce n'est que quand Oscar tourne la tête vers lui, ses grandes oreilles toutes droites, que tu te retournes pour surprendre Shin en train de te dévisager mais il se ravise rapidement et te sert. Que faisait-il planté là ? Est-ce qu'il était vraiment en train de te fixer ou était-il simplement perdu dans ses pensées ? Dans les deux cas, tu es sûr et certain d'avoir croisé ton regard, ce qui signifie qu'il te regardait bel et bien. Sans que tu puisses en empêcher ton corps, des rougeurs bien visibles apparaissent sur tes joues d'ordinaire couleur porcelaine. Oh euh... Il insiste à chaque fois pour que tu le tutoies et que tu lui parles comme à un ami et il n'a pas tout à fait tort car vous avez le même âge, mais c'est plus fort que toi. Il est propriétaire du café, il a réussi dans la vie alors que toi, tu es toujours étudiant et as l'impression de n'avoir rien accompli de ta vie. Ton visage est rouge pivoine. Tu n'oses pas le regarder dans les yeux pour le moment. Il te met mal à l'aise mais d'une certaine façon, cette sensation ne te déplait pas venant de lui. C'est un bon sentiment de malaise, si tant est que cela existe.

Ton regard se pose sur ton livre dont il effleure la première de couverture du bout des doigts. Tu trouverais presque ce geste sexy et sensuel. Il n'y a que les gars comme nous pour lire du Stephen King, répliques-tu du tac au tac. Cette fois, tu n'as pas mesuré tes mots, tu n'as pas fait preuve de respect. Tu le fixes obstinément du regard, lui rendant celui qu'il te jetait un peu plus tôt. Tu ne saurais pas exactement dire quel genre d'aura dégage Shin mais c'est quelque chose qui t'attire et inconsciemment, tu t'imagines assez facilement plus proche de lui. Cependant, lorsque tu te rends compte de l'impudence de tes pensées, tu te colles une claque mentale pour les chasser. D'un oeil curieux, tu regardes autour de vous. Les autres tables sont déjà servies et personne d'autre n'est rentré après toi. Assieds-toi un peu avec moi ? J'étais venu réviser mais j'ai vraiment pas la foi aujourd'hui. Le regard un peu dépité, tu jettes un coup d'oeil absent à tes livres de révision puis te décales pour lui laisser de la place, ne lui donnant ainsi pas vraiment d'autre choix que d'accepter de se joindre à toi. Après tout, c'est lui qui a tenu à ce que tu te comportes de manière moins formelle avec lui, il n'a qu'à assumer.

Et interdiction de refuser. De toute façon, tu lisais le journal derrière ton comptoir. Petit sourire mesquin. Oui, tu l'as vu et tu ne te prives pas de lui faire comprendre. Ce n'est pas comme si tu allais l'empêcher d'aller faire son travail dès lors qu'un client passera la porte.

« Comme nous » Shin écarquille les yeux le temps d'un fragment de seconde sur la surprise avant que son air habituel reprenne le dessus. C'est quoi son problème à ce gars ? Se demande t-il sans quitter la couverture des yeux, un peu perturbé pour oser regarder Ren. Il réfléchi rapidement, tentant de trouver une raison à ce changement soudain et presque brutal puis se ravise. Shin n'aime pas trop réfléchir, encore moins lorsque cela concerne les relations humain à humain - c'est d'ailleurs pour ça qu'il a ouvert un bar à chat.

Il plisse à nouveau les lèvres, de son air agacé que les clients connaissent bien (et qu'ils s'amusent à chercher). Prend pas trop ton aise non plus... Dit-il dans un vague murmure que seul Ren peut entendre, tout en reprenant son plateau avec ses deux mains. Il lève les yeux vers le petit brun. Comme à son habitude ses mots étaient un peu brutes et contradictoires, mais pour autant, il ne retourne pas derrière son comptoir. Au contraire, il soupire avant de jeter un coup d’œil à Oscar puis vient s’asseoir en face de Ren. Tu sais qu'il est là pour te tenir compagnie ? C'est son taff, pas le mien. on pourrait presque croire qu'il juge son chat d'un manque de professionnalisme.

Désormais assis en face du garçon - ou du moins presque, car il n'est même pas adossé au dossier, à moitié en travers, près à fuir si cela se montre trop compliqué à gérer. Son coude vient s'adosser à la table afin qu'il puisse déposer son menton dans le creux de sa main une fois le plateau déposé sur ses genoux. Quelques secondes à fixer Oscar, Shin reprend ses esprits pour porter son attention au gamin qui réclame de l'attention. Tu veux que je t'aide à réviser ? Sans même attendre de réponse, le patron tire un des livres de révision pour l'ouvrir. On peut clairement lire l'incompréhension lorsqu'il commence à lire les premiers mots. Il se ravise bien vite, refermant la leçon pour tapoter la couverture du bout des doigts sans lâcher l'étudiant des yeux. Je te rajoute ça sur ta note ? Le fait que je joue le senpai aujourd'hui ? étrangement, il sourit, amusé de sa propre blague vaseuse.