Il y a chez la mère qui adopte un enfant un sentiment sublime qui se rapproche du don pour le don. du plus loin qu'il ne puisse sans souvenir, caden n'avait en mémoire que le doux sourire de sa mère, celle qu'il avait toujours appelé mama et ce quand bien même elle ne lui avait guère donnée la vie. elle avait été celle qui lui avait tout appris, de la marche à la parole mais aussi à avoir confiance en lui et à voir en la différence un opportunité. jamais n'avait-il réellement désiré retrouver sa famille biologique. caden était un enfant gâté, aimé, chéris qui avait toujours été conscient du faire d'avoir été adopté mais qui, par peur d'être arraché à ses parents qu'il aimait tant, avait préféré ne jamais poser de questions sur ceux qui l'avaient conçus.

assis dans un coin du café, il fait tourner un stylo entre ses doigts tout en observant son dossier d'adoption. un dossier vide, avec relativement peu d'information si ce n'est son nom de famille, celui de sa mère biologique et l'âge qu'elle avait lorsqu'elle avait décidé de le donner à l'adoption. le reste lui était strictement inconnu et le serait restait longtemps si le. jeune italien n'avait guère exprimé son accord pour être contacté par sa famille biologique, dans le cas où celle-ci chercherait à rentrer en contact avec lui. il ne savait pas réellement ce qu'il lui avait pris de faire ça. il n'était sur d'avoir une réaction positive à la vue d'un membre de cette famille qui soyons clair, avait du ou avait voulus l'abandonner. pourtant lorsque la secrétaire l'avait appelé lui faisait part du désir d'un membre de la famille de le rencontrer, caden n'avait su refuser. incapable de contrôler cette curiosité qui lui criait de tenter, de voir par lui même. le rendez-vous avait été organisé dans un petit café, dans une ruelle peu fréquentée. un endroit où il ne devrait guère être reconnu par des fans hystériques qui risqueraient de compromettre cette rencontre. un lieu calme et discret, propice à la conversation. posant ses lèvres autour de la paille, il aspire un peu de son café au lait tout en gribouillant sur le dossier. caden était nerveux, si nerveux qu'il se demandait encore si il ne valait mieux pas partir de suite. avant qu'il ne soit trop tard, avant que sa mère ou son père biologique ne débarque. en soit il ne savait même pas qu'elle était son lien avec le membre de la famille ayant suggéré cette rencontre. encore une chose qui ne faisait qu'envenimer sa nervosité.  Les hommes craignent le changement : l'inconnu est ce qui leur fait le plus de peur.

« Il a demandé à entrer en contact avec un membre de sa famille, vous êtes la personne indiqué dans son dossier. » un simple coup de fils avait fait basculer ma vie. Celle de notre famille bien que j’ai encore gardé secret cette rencontre. J’avais passé tellement de temps à me préparer à cette entrevue. J’étais incapable de prévoir sa réaction, ce qu’il pouvait ressentir. J’avais de nombreuses fois tentés de me mettre à sa place mais je n’avais jamais réalisé à quel point cela avait dû être douloureux pour lui. Je ne sais pas comment j’aurais pu réagir en apprenant que j’avais été adopté. C’était tout un passé qui se détruisait et un avenir remplie de questions qui se profilaient. Pourquoi ? Comment ? Pourquoi, surtout pourquoi. Comment pouvait-on abandonner un enfant ? J’avais longuement réfléchie à la question et je n’avais toujours pas trouvé de réponses. Je n’en ai jamais voulu à ma mère, tentant de comprendre comment cette femme merveilleuse avait-elle pu prendre une décision aussi cruelle ? Elle m’était toujours apparu douce et maternant. Une mère comme on en fait plus. Une mère douce et aimante qui se serait sacrifiée sans hésitation pour son enfant … Alors non, je ne comprenais comment elle avait pu laisser cet enfant partir, l’arrachant ainsi à mon père. J’étais persuadé d’ailleurs, que ce dernier, bien qu’il s’emploie lourdement à le cacher, ne pouvait nier que l’absence de son second fils ne le tue pas. Je savais au fond de moi que le retour de cet enfant allait sûrement abimer notre famille mais il fallait qu’on fasse face à la vérité, nous l’avions depuis bien trop longtemps mis de côté … On ne pouvait pas juste l’ignorer en espérant que son existence puisse un jour n’avoir jamais existé. Je savais aussi que ma mère était désormais prête à faire l’effort de voir cet enfant devenu adulte entrer dans nos vies. Il ne nous restait plus qu’à découvrir s’il voulait réellement de nous … Nerveusement j’entre dans ce café avec le peu d’information que j’avais sur lui. Un dossier bien maigre qui constituait en tout et pour tous les seules traces de son passage dans nos vies. J’avais réussi à trouver une photo de sa mère, m’aidant du peu d’informations que mon père m’avait donné. J’avais une photo de lui bébé prise à la maternité par mon père. Précieux trésor qu’il avait alors gardé, seul vestige autorisé par ma mère. J’avais trouvé cette boite et j’avais pris tout ce que j’avais pu dedans pour e faire des copies. Je n’avais parlé à personne de cette rencontre. Je préférais d’abord voir son état d’esprit avant de pouvoir lui présenter …. Notre père. Jusqu’alors je n’avais jamais vraiment réalisé la porter de cette information : j’avais un demi-frère, pas beaucoup plus jeune que moi. Je renifle nerveusement sur le pas de la porte. J’espérais qu’il soit aussi nerveux que moi pour atténuer le stress que cette rencontre provoquait. Je m’avance doucement dans la pièce et le reconnait avant même de savoir que c’est lui. Parce que tout chez lui me parait aussi familier qu’étranger. J’avance doucement et malgré mes efforts ma voix se casse quand je souffle son prénom maladroitement … « Caden ? » je m’éclaircis la gorge et déglutit avant de m’asseoir très lentement sans pouvoir détacher mon regard du sien.  « Je suis … je suis Elio. » ajoutais-je. Ton frère ? Etait-ce bien décent de lui dire ainsi ? « Je suis ton … demi-frère. »  Et pour le fils unique que j’ai toujours été, prononcer ces mots me parait irréaliste.

il aurait pu continuer ainsi. après tout cela faisait des années qu’il vivait seul. il ne pouvait s’en prendre qu’à lui même. ce qui était arrivé à sa famille, sa mère, son père et son frère adoptif. ce qu’ils avaient subis de par son ignorance et son immaturité. tout cela avait été de sa faute, il avait fait volé en éclat la seule et unique famille qu’il eût eu et tout ça parcequ’il pensait pouvoir être quelqu’un, être important, imbattable, inhumain. dieu, ce qu’il ferait tout pour retourner en arrière et ne jamais, jamais rejoindre son ancien clan. quitte à ne jamais connaître la Corée, ne jamais devenir membre des Zeus, ne jamais connaître Kelea (…) Rien ne pouvait valoir le décès de ses parents, rien. Et c’était en quelque sorte la raison pour laquelle il avait franchis le pas, décider de rencontrer ceux qui l’avaient biologiquement conçus pour ensuite l’abandonner. il voulait comprendre avant de juger, écouter avant de ne crier, leur donner une chance avant de ne les accuser. en soit il n’était pas sur de faire cela à la mémoire de ses défunts parents ou si ce n’était que dans l’unique optique de diminuer ne serait-ce qu’un peu ce sentiment de culpabilité qui ne l’avait jamais quitté depuis leur décès. gribouillant sur son bloc note, il relève la tête lorsqu’il sent une présence en face de lui. il ne s’était pas imaginé se retrouver en tête à tête avec un homme de son âge et aurait pu, si celui-ci ne s’était pas présenté, penser qu’il s’agissait de l’un de ses fans.

pourtant ses paroles sont tout autre et lui fout l’effet d’une bombe. ce genre de douleur que l’on ne peut anticiper, si développe à l’intérieur de votre poitrine jusqu’à s’intensifier au point de vous couper le souffle et de vous arracher à la réalité. ses doigts crispés sur la table, il déglutit difficilement tout en le fixant. peut-être aurait-il été plus simple de rencontrer l’un de ses géniteurs plutôt que l’un de ses frères ? Caden n’avait jamais songé pouvoir avoir un frère ou une soeur de sang, jamais n’y avait-il songé de par logique. pourquoi abandonner un enfant et en garder un autre ? pourquoi abandonner une enfant pour procréer de nouveau par la suite ? « mmh » se contente t-il tout juste de formuler. il ne sait pas quoi dire, ni même par où commencer. cela était si soudain et surtout si inattendu. « assieds toi. » sont les premiers mots qu’ils prononcent, ses doigts jouant nerveusement avec son stylo. il semblait familier et aussi étrange cela pouvait paraître, il se surprenait déjà à chercher chez lui des caractéristiques physiques similaires aux siennes. « demi-frère de quel côté ? » avaient-ils le même père ? la même mère ? « tu veux boire quelques choses ? » se contente t-il de lui demander, refoulant l’envie soudaine de le questionner sur son âge, son enfance, ses parents. le stylo glissait entre son majeur et son index, le silence prenant place, le jeune artiste bien perplexe à l’idée d’empêcher que cette rencontre ne devienne un interrogatoire

Jamais, jamais Elio n’avait vu une telle lueur de douleur dans le regard d’un homme. Il prenait conscience de l’impact de ses mots, de son existence, de l’affliction qu’il causait au plus jeune … il avait noté toutes les informations, les détails peut-être inutiles de sa naissance, de son arrivé en ce bas monde. Les photos. Une lettre de sa mère aussi, qu’elle avait tenu à lui confier le jour où il retrouvera Caden. Caden. C’était la seule chose qu’il savait de lui, tant de choses qu’on leur avait caché, à lui comme au garçon en face. Il avait pris place et ses mains tremblaient malgré lui. Ses trésors cachés dans le fond de son sac il ne cessait de penser aux mots de sa mère. Tout Homme a besoin d’un jardin secret et il serait douloureux d’en chercher le contenu. Il était là, devant lui. le contenu du jardin secret de son père, de leur père était là … Leur regard se cherchait, s’ancrait, se fouillait et se fuyait … Elio se retrouva stupide sans savoir quoi dire, quoi faire … Il avait pourtant tout prévu, tout un tas de mots qu’il avait gribouillé sur une feuille, il avait noirci le papier de phrases d’accroches, de mots douloureux, de secrets, de vérités tranchantes, d’excuse … Mais ce n’était pas à lui de s’excuser.

 

Elio avait appris la nouvelle un soir comme un autre, juste avant que sa mère ne fasse une grosse crise. Elle lui avait confié qu’elle méritait son état, sa maladie, la mort qui la guettait au tournant. Elle réalisait le mal qu’elle avait fait à un enfant et tout ce qu’elle avait fait … détruire des vies … pourtant elle avait espéré que sa cousine en prenne grand soin. Ce n’était qu’une cousine éloigné mais qu’elle affectionnait. Elle envoyait régulièrement des photos, donnaient des nouvelles que Licia, sa mère, refusait d’entendre mais qu’elle laissait le soin à son mari de prendre connaissance. Il n’avait droit qu’à ces bribes d’informations pour savoir comment allait son fils. Son autre fils. Parfois Elio se demandait si son père n’aurait pas préféré  garder Caden à sa place … puis réalisait que si le destin l’avait séparé de sa famille, c’est lui que son père guetterait tous les soirs où le sommeil le fuirait. Il savait que son père ne faisait pas de distinction qu’il l’aimait, qu’il aimait sa mère et que leur vie … leur passion avait été dévorante. Mais que leur amour avait été d’une douceur … Pourtant Elio, quand il fixe ce visage réalise tout ce que sa mère a pu vivre. Tout ce que son père a pu vivre. Et ne conçois, que par son imagination, tout ce que Caden a pu vivre … Il avait vécu dans le mensonge avec le fantôme de son frère …

 

Et si leur 7 mois de différences étaient flagrants à leur naissance, désormais ils étaient deux adultes, deux hommes du même âge quasiment. Il déglutit et souffle « Père » C’est le seul mot cohérent qu’il arrive à prononcer en ayant la gorge nouée. Il fait signe à la serveuse et commande un café sur le même ton avant de sortir un cahier de son sac. L’écriture ronde et fine de sa mère note en italien quelques détails sur la naissance de Caden. Il le garde toutefois fermé ainsi que ses yeux obstinément baissé. Il cherche ses mots, lui qui est un homme de lettre, un homme d’esprit … il finit par prendre s’armer de courage et commence « Je … j’ai appris ton existence il y a quelques mois … » il ne voulait pas encore entrer dans les détails lui parler de sa mère, de sa maladie, de sa culpabilité alors il se contenta de souffler « Ma mère m’a parlé de toi … » il avait été des lors un sujet tabou et de toute sa vie Elio n’aurait jamais cru avoir un frère. C’était troublant et malgré lui il chercha des similitudes, des ressemblances, mais la froideur et la douleur qu’affichait avec retenu le jeune en face de lui  le fait détourner les yeux. « Tu dois sûrement te demander pourquoi ce n’est pas mon … ton … notre père qui est là devant toi aujourd’hui … » il marque une pause cherchant ses mots et souffle simplement « Il est … il s’occupe de ma mère en Italie. C’est là qu’on … vit. Vivait. Enfin on a fait plusieurs allers retours avec la Corée … »

 

Ses idées lui paraissaient décousues et chacun de ses mots lui paraissaient être un coup de poignards de plus qu’il infligeait au jeune homme … « Je suis désolé d’être aussi nerveux … » finit-il par souffler en sentant ses épaules s’affaisser lourdement. Toute la pression qu’Elio avait sur les épaules depuis des mois semblait soudain l’accabler. Et face à ce frère il ne savait comment réagir.