Kelea n’était pas le genre de femme à qui l’on pouvait dire non. Elle n’était ni agressive ni mauvaise si on se refusait à ses désirs mais elle savait se montrer persuasive et insistante. Surtout insistante. Dès l’instant où elle avait vu cette personne, qu’elle n’aurait su gendrer, elle avait senti toute sa fibre artistique s’agiter et s’enivrer. Elle avait fixé de longues minutes cette silhouette frêle et longiligne, son esprit se perdant déjà dans les affres du tissu. Elle avait détaillé de son regard perçant ce visage androgyne et ces yeux bleus qu’elle ne pouvait trouver que magnifique. Dérangeant aussi, et perçant. Elle se demandait bien qu’elle histoire il pouvait avoir. Il avait cette douceur qui émanait de lui, cette force tranquille qu’il affichait sereinement. Il était agréable de pouvoir le regarder et plus encore de l’entendre parler. Chaque fois qu’elle l’écoutait c’était un mélange de couleur et de sonorité qui virevoltaient dans sa tête. Il arrivait à la faire voyager sans avoir à quitter la terre ferme. Kelea le savait, en croisant le regard de Thoth elle en fut convaincu, elle venait de trouver sa muse, qui que cette personne ne soit. Mue par une volonté d’en apprendre plus Kelea avait régulièrement poussé la porte de la pâtisserie, elle commandait toujours la même chose à emporter mais s’asseyait pourtant toujours au même endroit. Il lui était bien arrivé une fois ou deux de trouver quelqu’un assis à cette place qu’elle affectionnait particulièrement – parfaite pour observer Thoth sans être dérangeante pour son travail – et s’était arrangé pour obtenir ce qu’elle désirait. Sans scrupule elle faisait partir les gens, tout du moins leur demandait par tout un tas de stratagème efficace de se déplacer à la table d’à côté. Après quoi elle prenait place, ne s’autorisant à boire que ce thé citron fraise au thé vert, avant de sortir son carnet de croquis dans lequel elle dessinait tout ce que pouvait lui inspirer Thoth. Des vêtements, des formes, des couleurs et motifs de tissus. Elle laissait libre court à son imagination, plus encore quand elle sut qu’il était un homme, comme si de lui donner un genre mais de garder cet image flou, le faisait devenir comme un secret, un secret que seul Kelea connaissait. La jeune femme avait bravé la pluie et les intempéries pour venir, comme régulièrement à la pâtisserie, espérant tomber sur un jour de son service. Elle pousse la porte avec un grand sourire, ravie de le voir derrière le comptoir, et pose son parapluie à l’entrée le secouant légèrement pour lui éviter de mouiller partout. Elle s’avance vers la petite vitrine et malgré un temps de réflexion lance «  comme d’habitude ! » avec son sourire charmeur de petite elfe taquine. Elle glisse une mèche de sa perruque, machinalement, derrière ses oreilles et lance « Vous avez peu de clients aujourd’hui, la pluie n’aide pas beaucoup. » remarque-t-elle pour son plus grand plaisir, bien qu’elle ne le montre pas. « Je vais m’asseoir à ma table habituelle. » dit-elle dans un sourire doux après avoir payé, prévenant ainsi jeune homme de lui apporter sa commande une fois qu’elle sera préparée. Ça aussi c’était devenu une de leur habitude, s’installant naturellement. Une sentiment de bienveillance réchauffait Kelea quand elle était ici, il ne manquait plus que son idée se concrétise avec l’accord du jeune homme.