Je me souviens du mouvement. Et de l’air indolent qui passe entre mes doigts. Les éclats chatoyants du soleil, astre souverain… baignent ma peau d’une lueur éthérée. Je lève mes bras vers le ciel, et tournoyant, virevoltant… Je vibre, enfin. C’est le souvenir premier, fondateur. Le vent, les gestes, le doux tournoiement d’un corps… Ainsi, sous les regards insistants d’une étoile solitaire, je me désire fier combattant. Au torse d’airain, aux cuisses saillantes. Pris, enivré dans le flux, dans le flot des figures, des enchaînements… Je me démène, je chavire, les lèvres tremblantes. Le souffle saccadé. Et mon corps, mon être… se meut, se déploie, en arabesques délicates, pour former le tourbillon élégant et instinctif d’une danse avide. Je sens mon pied courbé, ma jambe tendue, les coups trépidants de mon cœur. Tout se réduit au charnel, au corporel. Et pourtant, je me fonds dans un monde… je tends vers le céleste, vers cet instant éphémère, ardemment désiré, rarement effleuré… La Beauté suprême. La transcendance. Je me dépasse pour n’être… pour incarner une fine courbe, pour inspirer la plus pure béatitude. Enfin, au silence qui m’entoure, troublé par les seuls soubresauts heurtés de ma respiration, succède le néant. Danse suprême, danse macabre. Je me veux encore captif d’une ronde… qui me consume, tout cru : mon corps est là, mes pieds ensanglantés. Mon dos s’affaisse, sous le poids du Sublime. Je me jette d’une danse à l’autre. Vers d’autres bras, pour un autre jeu. Mais je n’aime pas suivre les règles, et je tombe… Je chavire en amour. Très fort, avec maladresse. Et pour lui. Oh Taeyang. Je murmure son prénom, qui coule, ondule sur ma langue. Tae Yang. Mon cœur se déverse entre ces consonnes et ces voyelles. Je le désire pour toujours. Je baise ses lèvres, sa tempe, sa nuque avec une dévotion chaste. Et puis, je pars à la Quête de ses râles, de ses ultimes soupirs avant l’extase ; provoquée avec minutie et passion par ma bouche, mes doigts, ma virilité. Mon corps ne cesse de se mouvoir pour lui et en lui, car il déchaîne la plus grande passion. Un flot tumultueux et ravageur… Ah, mes amours imaginaires. Cruelle chimère. Nous nous quittons, mais le feu affolé demeure, persiste en mon sein. Il devient, au fil des matins pluvieux et solitaires, une flamme hiémale, bleue et brûlante. Une blessure qui laisse un trou béant dans ma poitrine. Je caresse d’autres lèvres carmin. J’empoigne des chevelures auburn, noir comme la nuit. Et la jouissance vient, mais je ne sors pas victorieux. Ma superbe est ternie. Le triomphe d’un corps sur l’autre est amer. Je finis par me recueillir dans les bras de l’Éternel. Les mains délicates de ma mère se posent sur mes épaules. Elles sont parées d’une pléthore de rides, qui marquent, soulignent sa beauté. Elle se balance… un deux trois, un deux trois… Valseuse que j’adore, femme que j’admire. Cesse le mouvement, et je ferme les yeux.