Cette journée avait pourtant si bien commencé... comme je m'ennuyais au dortoir Gumiho je m'étais dit qu'une petite promenade me ferait du bien, que ça m’aérerait un peu, motivée, j'étais sortie marcher au parc. Peut-être finalement que rester à m'ennuyer dans ma chambre aurait été mieux, ça m'aurait évité des ennuis inutiles. Une fois arrivée dans ce parc que j'affectionnais tant, je m'étais installée sur un banc, maladroitement comme toujours, pour profiter des derniers piaillements des oiseaux, des feuilles qui tombent des arbres et roulent sur le sol. L'automne était là et je l'appréciais pleinement, une dernière bouffée avant un hiver qui s'annonçait certainement froid et rude, avec tous ces problèmes climatiques que nous subissions ces derniers temps. Pendant ma rêverie, je ne m'étais pas rendu compte de ce chien qui avait pris ma canne pour un bâton, pour un jouet. Non. Je l'avais entendu trop tard, partant certainement loin avec, me laissant alors dans le pétrin, car je ne connaissais pas assez ma route pour retourner chez les Gumihos.

Voilà pourquoi je me retrouve là, assise bêtement sur ce banc, en me demandant quoi faire, car personne ne semble être là, donc pas d'aide possible et évidemment, j'ai oublié mon téléphone. Je sais pourtant qu'il est préférable de ne jamais partir sans, au cas où un souci arriverait comme c'est justement le cas... Mais c'est raté, je l'ai oublié et je suis totalement seule dans ce coin du parc. « EST-CE QU'IL Y A QUELQU'UN ? » Je fais quoi maintenant à part crier ?

Aujourd’hui c’était ce genre de journée où je voulais juste être seul. C’était une envie qui revenait de plus en plus souvent chez moi. J’avais toujours été hyper-sociable. Le genre de personne à toujours parler avec tout le monde et j’aimais être comme ça. J’aimais faire des nouvelles rencontres. Mais en ce moment je voulais juste… non je voulais juste une peu plus de solitude. Alors j’avais pris mes affaires et j’étais allé dans le parc, parce qu’il n’y avait rien de mieux pour s’aérer l’esprit après tout. J’aurais pu aller dans ma chambre au dortoir pour avoir la paix, mais le fait était qu’avec ma récente prise de tête avec Naoya m’avait doucement éloigné du dortoir. Il fallait dire qu’il avait appris que je faisais partie de ces étudiants qui consommaient de la crimson et … il n’avait pas apprécié, il s’était inquiété alors que je voulais éviter ça absolument. Je soupirais en réajustant la bandoulière de mon sac de cours, décidément rien ne semblait facile en ce moment. Autant me jeter à corps perdu dans les études, vu que je n’avais “plus que ça”. J’allais me trouver une petite place sur un banc quand j’entendis quelqu’un crier. Par réflexe, je cherchais du regard d’où ça pouvait venir. Puis je reconnu assez rapidement une demoiselle Gumiho assise sur un banc. Seong-hee je l’avais vu plusieurs fois avec Naoya et je connaissais son handicap. Et visiblement, elle n’avait pas sa canne blanche. Je fronçai les sourcils interpellé avant de m’approcher. Non loin d’elle, je commençai à parler pour signaler ma présence. "Seong-hee, c’est Kwan Sun, est-ce que ça va ? T’as l’air toute perdue." Je pris une voix rassurante. "Je suis juste en face de toi", précisai-je toujours un ton doux. Je regardais autour de moi tentant de regarder où pouvait être sa canne, peut-être qu’elle l’avait égaré après tout.

Être aveugle, c'est vraiment compliqué. Beaucoup pensent que je me suis remise de l'accident, que tout dans ma vie est rose et que je vis bien cette cécité, dans un sens, ça peut être vrai, mais je dois aussi reconnaître que des fois... Tout cela me pèse énormément. Mes parents me manquent, si seulement cet accident ne leur avait pas coûté la vie. S'il avait fallu que je perde tous mes autres sens en contrepartie de leur survie, je l'aurais fait sans la moindre hésitation. Mais non, ils étaient partis, me laissant seule avec moi-même, perdue à jamais dans les ténèbres. Avec le temps, j'ai appris à maîtriser mon environnement au mieux et mes autres sens se sont décuplés, mais ça ne m'empêche en rien de me retrouver dans des situations semblables à celle-ci. Qui aurait pensé que je pouvais soudainement me retrouver perdue au milieu d'un parc que je connaissais très bien, mais tout de même pas assez pour rentrer sans ma canne au risque de me prendre tous les lampadaire, poubelles et autres obstacles du chemin. Nombreuses sont les personnes qui m'ont suggéré de prendre un compagnon, ou chien d'aveugle, autrement dit, mais si seulement ils savaient le prix que ça coûte, ils changeraient peut-être d'avis. Certaines associations aident au financement, mais je ne me suis jamais sentie capable d'aller en voir une, par peur de perdre ma pseudo-indépendance.

Une voix que je reconnais vaguement me sort de mes pensées, apparemment quelqu'un m'a entendue, je ne suis donc pas entièrement seule ici, livrée à moi-même. Il s'avère même que cette personne est un de mes compagnons Gumiho, je ressens alors une vague de soulagement. Je vais pouvoir rentrer à bon port. Mais j'aimerais tout de même récupérer ma canne... J'y tiens. « Ah, Kwansun... En fait, tout allait bien jusqu'à ce qu'un chien me vole ma canne la prenant certainement pour un jouet. » J'ai beau aimer les bêtes, des fois, je dois admettre que leur idiotie dépasse l'entendement. « Du coup, je ne savais plus comment rentrer. »

Alors qu’elle était là tout seule en train de crier, je m’étais bien doutée qu’elle avait besoin d’aide la renarde. Bien sûr nous étions au courant de son handicap, mais je faisais partie de ceux qui la trait normalement. Je supposais bien qu’elle ne voulait pas qu’on lui face de traitement de faveur à cause de cécité, mais là il était clair qu’il y avait quelque chose de travers. alors j’étais allé lui parler. De ma voix la plus rassurante j’étais allé me présenter devant elle et rapidement je pu me rendre compte qu’elle n’avait pas sa canne qui lui permettait de se déplacer toute seule. Est-ce qu’elle l’avait perdu par inadvertance et qu’elle ne la retrouvait pas ? J’ouvris grand les yeux quand elle m’avoua qu’un chien lui avait volé sa canne. Waaa sérieux ? Il a dû la prendre pour un bâton ! Je m’étais naturellement accroupi pour être à la même hauteur qu’elle. Je continuais de regarder autour de moi, sachant jamais si je voyais un chien avec une canne blanche dans la bouche. C’était quand pas de chance pour Seong-Hee. Tu veux que je regarde dans le parc si jamais je vois l’animal pour récupérer ta canne ? Je pourrais essayer de lui courir après pour la récupérer, je l’avais dit avec un petit sourire. Mais si tu veux je aussi te raccompagner à Gumiho. Dis moi ce que tu préfères. Cela ne me dérangeais pas de lui donner un coup de main, après tout, c’était l’esprit Gumiho, on s’aidait les uns et les autres, on était un peu une grande famille. Tous soudés. Un pour tous et tous pour un. Mais si je partais courser un chien, j’aurais dû la laisser seule ici et je ne voulais pas qu’il lui arrive malheur parce qu’elle était en situation assez compliquée… mais ne pas retrouver sa canne, c’était aussi très compliqué.

C'est quand même un comble ça de se faire voler sa canne par un chien qui pense que ce n'est un bâton. Ce n'est pas comme si Seonghee l'avait agitée sous son nez où avait montré un semblant d'envie de la lui envoyer. Cette situation la blasait un peu, lui rappelant encore une fois que malgré son envie d'être indépendante, elle ne le sera jamais vraiment. Elle pourra toujours faire de son mieux pour ne pas avoir besoin des autres, mais à cause de sa cécité, jamais elle ne pourra se débrouiller complètement seule. Heureusement que Kwansun passait par là et peut l'aider, sinon elle aurait peut-être passé l'après-midi entière si ce n'est plus sur ce banc à crier dans l'espoir qu'on l'entende. Chienne de vie.

« Je ne sais pas s'il l'a pris pour un bâton, mais ça m'énerve. » Grogna-t-elle alors, cet incident l'ayant mis de mauvaise humeur. Elle n'en voulait pas à Kwansun, bien au contraire, mais son énervement prenait le dessus. « C'est très gentil de ta part... Malheureusement, je pense qu'il est déjà loin avec ma canne. Peut-être même qu'il l'a lâchée quelque part. Je ne vais pas la retrouver. » Seonghee, être pessimiste ? Non, jamais. « C'est gentil de ta part de m'aider en tout cas, je pense que le mieux à faire, c'est de retourner au dortoir. » Finit-elle par dire en soupirant, certaine que jamais elle ne retrouverait sa canne et qu'elle devrait en acheter une autre.