FT. HWA RAN

L'ennui. Voilà ce que ressentait la démone blonde. Et le meilleur remède pour le combattre, c'était de s'amuser. Et elle avait sa proie parfaite pour l'accompagner. Hwa Ran. Une jeune femme légèrement plus âgée et pourtant si fade. Lilith la trouvait belle, elle avait du potentiel, et pourtant, elle se cachait sous ce masque inexpressif qui avait intrigué Lilith plus qu'autre chose.
Alors elle l'avait collé, lui avait parlé et ne lui avait pas laissé le choix que de la laisser entrer dans sa vie. L'américaine était très capricieuse et quand elle voulait quelque chose elle l'avait. C'était un fait.
Lilith envoya un message à sa victime préférée, la menaçant de lui brûler ses livres si elle ne se rendait pas tout de suite au centre commercial. Et dieu qu'elle en était capable.
Elle enfila rapidement sa veste blazer rouge, assorti à son pantalon cintré tandis que le tout était coupé par son body en dentelle noir. Lilith se dépêcha de rejoindre le lieu de rendez-vous, impatiente de commencer.
Elle s'assit sur un banc en attendant Hwa Ran, jouant doucement avec ses cheveux lâchés. L'américaine scrutait le centre, regardant les gens passés, charmant certains qui la fixaient. Elle n'était pas discrète et elle aimait ça. Attirer l'attention, c'était toujours amusant, déchiffrer ce que les gens pensaient, ça l'amusait. En bien ou en mal, elle s'en moquait. Tout ce qui comptait était son propre avis à elle.
De plus, la blondinette se doutait d'une chose. Avec Hwa Ran, elles allaient détonner vestimentairement parlant. Elle le savait, elle allait sûrement être bien trop sage, gentillette. Tout ce que la Kim n'était pas. Provocante, voyante, glamour. Elle variait les styles chaque jour et se plaisait à ne jamais rester dans un moule bien défini. Elle cassait les codes et elle aimait être différente, supérieure. Être elle. Kim Lilith. Un enfant du démon comme elle s'amusait à dire.

Puis elle remarqua enfin sa chère et tendre amie, qui n'a jamais eu le choix, arriver. Lilith se leva précipitamment, faisant un signe pour montrer sa position. Une fois cette dernière à ses côtés, le sourire de la blondinette s'étira, prête à jouer un mauvais tour. « Prête à passer ta plus belle après-midi au côté de la magnifique Kim Lilith ? Ne me remercie pas, ce n'est rien. » La jeune femme s'amusait doucement de la situation, scannant de bas en haut la coréenne en face d'elle, cherchant déjà à savoir comment elle allait la relooker.

FT. HWA RAN

Occupée à travailler, je ne voyais pas le temps passer. Je revoyais les cours de cette semaine, apprenais mon cours, le relisais plusieurs fois, me documentais sur le sujet... C'était un quotidien auquel j'appartenais depuis quelques années, maintenant. J'avais toujours énormément travaillé. Mais si je travaillais, ce n'était pas parce que j'aimais ça. C'était pour m'assurer un avenir stable, et, peut-être, essayer de m'occuper. La petite fille que j'avais été n'avait rien trouvé d'autre qu'étudier pour égayer ses journées. La musique, la danse, le chant, le dessin, la calligraphie, le basket, le foot, rien ne l'avait passionnée. Elle était douée, oui, oh ça oui, elle était douée. Cependant, elle n'y éprouvait aucun intérêt. Alors elle avait vite abandonné. On l'avait inscrite à des cours de taekwondo malgré tout, pour qu'elle sache se défendre. Sans se plaindre, elle avait accepté, avait suivi les cours et c'était ce qui donnait qu'aujourd'hui, elle savait se battre. Et puis, la vie lui avait inculqué qu'il fallait travailler pour avoir un bon métier, plus tard. Sans trop se poser de questions, elle avait accepté, aussi, et avait travaillé sans relâche. Elle avait pensé qu'ainsi, son père serait fier d'elle. Et elle avait raison, son père avait été fier d'elle. Mais pour quoi avait eu lieu tout ce travail, maintenant qu'il était mort d'un burn-out ? La petite fille dont le cœur se fissurait un peu plus chaque jour passé venait de se briser. C'était à ce moment-là qu'elle avait arrêté d'être une petite fille. Elle avait alors commencé à incarner complètement le monstre qu'elle avait toujours pensé être : sans pitié, sans joie, sans sentiments. C'était sûrement ça qui avait attiré Lilith chez moi, d'ailleurs. Pourquoi pensais-je à elle alors que je travaillais ? Parce que je venais de regarder mon téléphone en prenant une pause et de voir que cette dernière m'avait envoyé un SMS il y a dix minutes. Elle m'ordonnait de venir au centre commercial. Je n'avais pas le choix, je connaissais Lilith : elle était réellement capable de brûler tous mes livres si je ne venais pas. Ce fut alors avec un soupir que je commençais à ranger mes affaires. Honnêtement, je ne voyais pas pourquoi j'avais l'air si curieuse à ses yeux. J'étais simplement une étudiante qui préparait son avenir, comme ce que devraient faire tous les étudiants. Qu'y avait-il de spécial ? J'enfilai mon manteau noir qui cachait mon pull gris et mon jean noir, allant de ma taille jusqu'à mes pieds ornés de bottines noires. Je ne réfléchissais pas vraiment à ma tenue, à vrai dire, ce n'était pas très important. Si j'étais là, c'était pour étudier, et non pas pour offrir un défilé de mode à tous ceux qui me croisaient. Cela semblait être le contraire de Lilith, d'ailleurs ; elle s'habillait d'une façon si extravagante que tous ceux qui la croisaient devaient penser avoir affaire à une mannequin. Et ce n'était pas un compliment, puisque les mannequins dans les défilés de mode ne portaient pas de très beaux vêtements.

Vingt minutes plus tard, j'étais enfin arrivée au centre commercial. Le visage aussi sombre que celui pour aller à un enterrement, mes pupilles se posèrent sur Lilith. Elle avait l'air ravie. Ce n'était pas mon cas. « Je le fais pour mes livres. Qu'est-ce que tu veux faire ? Je n'ai pas le temps. » Le temps, temps, temps, toujours ce mot à la bouche. J'avais peut-être appris à diminuer mes pensées sur le temps récemment, mais j'y pensais encore. Car le temps nous poursuivait toujours, qu'on en ait conscience ou non.

FT. HWA RAN

Lilith avait hâte. Et c'était peut-être bien la seule des deux par ailleurs. Elle pouvait le lire sur le visage de Hwa Ran qui n'exprimait aucune émotion sur son petit minois. Comme toujours. Il n'y avait jamais rien, c'était toujours vide. Et la vérité sur son intérêt de la jeune femme était là. Elle voulait la voir réagir, la voir sourire, fulminer. Tout. Elle voulait voir passer chaque expression sur son visage. Lilith se serait bien amusé à l'embêter, la maltraiter mais elle avait trouvé quelque chose de mieux. La sortir de sa zone de confort qu'était les bouquins, la bibliothèque, bien trop strict et ennuyeux au goût de l'américaine qui préférait la joie de vivre plutôt qu'autre chose. Lilith préférait rire que s'enfermer dans un bouquin et choper un mal de tête à la fin. C'était un talent qu'elle laissait avec joie à Hwa Ran.

Lilith commençait soudainement à perdre patience. Allait-elle venir ? Allait-elle la faire attendre encore pendant longtemps ? Elle était de nature impatiente, elle aimait avoir tout sous la main directement. Elle aimait qu'on l'écoute et qu'on agisse directement. Et pourtant, la, elle attendait comme une idiote, sous les regards curieux et prédateurs des passants. Habituellement, elle aurait répondu. Mais elle était plus occupée à chercher du regard une brunette qui la faisait attendre. Depuis déjà au moins vingts minutes. Mais Lilith la remarqua enfin, un sourire satisfait orna ses lèvres alors que la jeune femme cassa déjà la joie de la démone. Lilith roula exagérément des yeux, montrant bien son non-intérêt face à ses réponses. « Tu n'as pas le temps ? » Ricana Lilith. « Tu es pourtant une intello, tu devrais le savoir, on a toujours le même temps. Vingt quatre heures dans une journée. Alors ne dis pas que tu n'as pas le temps mais que tu ne sais pas t'organiser. On a toujours le temps. » Lilith balaya par la suite le tout, n'attendant pas de réponse de sa part sur cette phrase. « Aujourd'hui, c'est relooking. Et pas des moindres, il y a du boulot. » Elle attrapa la main de cette dernière la tirant à l'intérieur du centre commercial. Lilith scanna les différentes boutiques et se dit que les sous-vêtements, c'était pour après, alors elle la fit entrer dans une boutique dont elle  raffolait particulièrement. « Bien, nous allons commencer par un look simple, autant ne pas te dépayser directement...je ne voudrais pas te voir t'évanouir ». Lilith lui lança un petit sourire amusé avant de se diriger vers les jeans. Un jeans bleu brute, rien de mieux que du classique. Elle prit une taille après avoir regarder celle de Hwa Ran sans aucune indiscrétion. Elle se dirigea par la suite vers les hauts, attrapant un t-shirt noir simple. La blondinette regardait les différentes vestes sous ses yeux, les scannant une par une. « Huuum...celle-ci. » Elle attrapa un blazer gris clair à carreaux. Elle poussa Hwa Ran dans les cabines. « Tu essaies tout ça. Tu verras, c'est beaucoup mieux que tes vêtements, simple et classe. »

FT. HWA RAN

Je ne souhaitais pas passer mon temps à faire des choses sans intérêt. Il fallait que je prépare mon avenir, il était très important de travailler. Certes, il était tout aussi important de se reposer pour aérer le cerveau, mais ce n'était pas en faisant du shopping que j'aérais le mien. Au contraire, j'en sortais encore plus stressée. Alors ce fut sous contrainte que je rejoignis Lilith. La connaissant, elle serait vraiment capable de toucher à mes livres, et au long terme, il était plus judicieux de venir à ce maudit rendez-vous plutôt que de voir tous mes livres brûlés. Malheureusement, je devais donc passer du temps ici, à faire des choses que je n'aimais pas... Mon visage traduisant ma grande joie, je ne pris même pas la peine de la saluer que je commençai directement par lui demander ce qu'elle voulait faire. Je n'avais vraiment pas le temps et cela ne me faisait pas plaisir d'être là. Sa réponse ne me satisfit pas du tout, je fus prête à lui répondre sur le champ mais elle enchaîna sans m'en laisser l'occasion. Relooking... Je soupirai. Je n'en avais franchement pas envie. Mon style m'allait très bien. Elle devrait juste accepter que nous avions deux styles de vêtements différents, c'était tout. M'obliger à m'habiller, selon elle, « bien »... C'était déborder sur la liberté des autres. Ma main se faisant tirer par Lilith, je repoussai un soupir discret lorsque nous entrâmes dans un magasin. Je n'avais même pas envie de voir à quoi ressemblaient les vêtements... Un look simple... ? Je me demandais bien ce que ça voulait dire, « simple », dans son vocabulaire... La laissant choisir ce qu'elle voulait, je ne posai même pas mon avis sur les vêtements qu'elle choisissait. C'étaient mes livres qui étaient en jeu, je n'avais pas mon mot à dire. Me taisant en regardant à peine ce qu'elle prenait, je réfléchissais simplement à comment réorganiser mon emploi du temps. Tout ce que j'avais prévu avait été chamboulé par ce petit SMS, il fallait donc que j'arrange tout ça... Je me fis cependant sortir de ma bulle à cause de la voix de Lilith, qui me pressa d'aller essayer. Vu les vêtements, je ne dirais pas que c'était mauvais. Ça allait, encore. Il fallait croire qu'en dehors d'elle, elle savait peut-être habiller les gens. Me dirigeant vers les cabines d'essayage, devoir enlever les vêtements que j'avais sur moi me déprimait déjà. Je n'avais vraiment pas envie... Mais, pensant à mes livres, je retrouvai un semblant de motivation et commençai à me déshabiller, pour ensuite revêtir les vêtements qu'elle m'avait donné. Une fois rhabillée, mon reflet dans la glace m'affirma que cet ensemble m'allait plutôt bien. Il ne restait plus qu'à entendre l'avis de la styliste d'aujourd'hui, j'imagine. Ouvrant le rideau pour qu'elle voie l'harmonie que ça donnait sur moi, je me contentai de la regarder pour lui demander son avis. Bavarde ? Je n'avais jamais été bavarde. C'était toujours Lilith qui prenait la parole. Et dans un sens, c'était peut-être parce que je n'avais pas particulièrement envie de lui parler.