J’étais au-delà d’énervée. Cette bonne femme s’était littéralement foutue de moi et je pouvais sentir que l’honnêteté ne faisait pas partie de ses valeurs cardinales. J’avais oublié le dédale des métros de la capitale, le tracker de mon GPS orienté au nord tandis qu’une énième voiture me passait devant comme si les passages piétons n’avaient jamais existé.
La nuit avait englouti la ville depuis longtemps, me donnant l’impression que j’avais perdu mon temps. Je sortais de l’ascenseur, entraînant l’énorme valise dans mon sillage et ajustant pour la centième fois l’anse du gros sac à mon épaule. J’avais besoin d’une seule chose : tout lâcher et me laisser engloutir par le confort d’un matelas bien moelleux. Et quand ma main effleure la sonnette dans le couloir de ce grand bâtiment de haut standing, je ne peux m’empêcher de soupirer longuement, sentant comme le poids de ce périple m’avait terrassée, et secrètement angoissée à l’idée qu’au final, Lukas ne serait pas encore rentré de sa journée de travail pour venir ouvrir.
J’avais besoin d’un visage familier, depuis deux ans que j’avais passé loin de tout, loin de chez moi et des gens qui m’entourent.
cendrillon en low-budget (lukas et soyi)
Une longue journée s’achevait alors que Lukas franchissait le seuil de son appartement. Il avait prévu de passer chez Soo Ae un peu plus tard, mais pour l’instant il avait simplement envie d’une douche bien chaude pour décontracter ses muscles qui souffraient le martyr. L’acteur avait commencé son entraînement en préparation pour son nouveau film et il ne chômait pas : arts martiaux, musculation, kick-boxing, yoga et maniement des armes étaient son quotidien depuis plusieurs semaines déjà. Posant son sac de sport dans l’entrée, il alla récupérer une bouteille d’eau fraîche au frigo, la vidant de moitié en quelques gorgées. Lukas se rendit dans la salle de bain, se délestant de son t-shirt au passage et voulant faire de même avec son jogging mais il fut interrompu par une sonnerie retentissant dans l’appartement. Qui pouvait bien sonner à sa porte ? Il n’attendait personne. La sonnette retentit une deuxième fois et il pressa le pas, n’ayant pas pris la peine de remettre son t-shirt dans la hâte. Ouvrant la porte, la surprise se lisait sur son visage alors que ses yeux se posèrent sur So Yi qu’il n’avait pas vu depuis … bien longtemps maintenant. « So Yi ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Avec une valise plus grosse qu’elle et ayant l’air de transporter sa maison sur son dos, quelle drôle d'image. « Euh … rentre ? » proposa-t-il en s’écartant, ne voulant pas la laisser devant la porte. S’il s’attendait à la voir… Quelle surprise.
Je perds patience et m’apprête à faire demi-tour. S’il ne répondait pas, j’étais bonne pour une petite chambre d’hôtel miteuse en low-budget. A cette simple pensée, un long frisson avait parcouru mon corps, depuis le bas de mon dos jusqu’au sommet de ma nuque. Deux ans que je n’étais plus revenue. Rien n’avait changé et pourtant, tout était différent. La petite gamine élitiste que j’avais été avait tout perdu : son statut, ses amis et ses repères. Je pouvais difficilement me tourner vers qui que ce soit et lorsque j’entendis enfin le verrou de la porte céder, mon cœur fit un bond si large que mes genoux auraient pu céder sous le poids du soulagement. "Merci." Je n’attends pas qu’il change d’avis et entre la première, tirant derrière moi ma grosse valise dont je peine à faire passer le seuil de la porte. "Et merci de poser la question." Sa curiosité n’est pas mal placée. Je n’ai appelé personne, prévenu personne de mon retour ; et Lukas, je ne l’ai pas vu depuis notre dernière rencontre à Vancouver. Je saisis l’opportunité de sa question pour lâcher toute la frustration qui remue en moi depuis trop longtemps. "M’en veux pas de ne pas t’avoir prévenu. Je suis arrivée par le vol de 11h40 à l’aéroport et depuis que j’ai posé le pied ici, y’a pas un truc qui va dans le bon sens. Mon appartement ressemble à un taudis, mon proprio est un escroc et j’ai nulle part où aller cette nuit–" J’allais continuer mais mes yeux le détaillent de la tête aux pieds et je sens qu’un truc manque dans le décor – son tee-shirt par exemple. "–t'as été casté pour le prochain Avenger ?"
Qui pouvait bien sonner à cette heure-là ? Lukas ne prit pas la peine d’enfiler un t-shirt, vu les coups de sonnettes pressés qui indiquait que la personne à la porte s’impatientait. Il ouvrit la porte et tomba nez-à-nez avec So Yi qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs années, mais qu’il reconnut au premier coup d’œil. Il fut d’autant plus surpris de la voir armée d’une grosse valise pouvant transporter une maison. Gentleman, l’américain se recula pour l’inviter à entrer, néanmoins curieux de sa présence ici. En posant la question, Lukas eut l’impression d’ouvrir une vanne chez So Yi qui déversa un flot de paroles, ou plutôt de tous les malheurs qui lui étaient arrivés depuis qu’elle avait posé le pied sur le sol de la Corée. La regardant, intrigué, le garçon baissa les yeux sur son torse nu avant de relever la tête. « Nop, pour un film d’espionnage. » lui dit-il avant de se diriger vers sa salle de bain pour récupérer son t-shirt. « Je ne te savais pas aussi prude. » dit-il pour la taquiner avant d’enfiler son t-shirt. « Bon allez, assieds-toi, respire un bon coup, tu veux un truc à boire ? » demanda-t-il. « Et bien sûr que tu peux rester ici, autant de temps que tu le veux. » lui dit-il, devançant la question qui était aux bords des lèvres de la demoiselle. Le garçon ramena deux bouteilles de soju et en tendit une à la jeune femme. « L’eau j’pense que ça ne suffit pas vu ta journée. » dit-il avant de s’asseoir en face d’elle. « Tu voudras que j’aille voir ton proprio pour qu’il te rende ce qu’il te doit ? » demanda-t-il en ouvrant sa bouteille, buvant une gorgée. Il avait l’impression de retrouver So Yi comme s’il ne l’avait jamais perdu. Cette précieuse petite demoiselle.