Ils venaient de sortir du cours de coréen. Le soleil était déjà couché depuis bien longtemps. Andrew s’inquiétait pour Naoya même quand ils n’étaient pas ensemble. C’était comme ça, c’était un papa poule. Quand il se réveillait devant une journée sans nuages, et il pensait tout de suite au jeune homme qui devait combattre sa maladie. Malgré leur différence d’âge, il le trouvait très mature. Il ne connaissait pas grand monde et, probablement le fait que tous les deux ne parlent pas aussi bien que de vrais coréens, l’aidait à lui accorder sa confiance. L’air frais soufflait sur son visage. Andrew restait silencieux. Il n’était pas bavard mais là c’était différent. Il n ‘était pas venu au cours depuis plus de deux mois. Il regardait le sol, perdu dans ses pensées. Il n’avait quasiment rien écouté. Il pensait que ça lui aurait fait du bien mais ses angoisses le rongeaient et ne lui laissaient aucun répit… C’était étrange. Ses pensées étaient pleines de craintes mais quand il essayait de les dissiper, il n’y arrivait pas, c’était comme si tout devenait flou. Il soupirait longuement. Parfois il pensait que ce n’avait été qu’un cauchemar. C’était si irréel… Aujourd’hui les seules preuves de l’existence de cette nuit étaient les cernes qui marquaient son visage et les angoisses qui torturaient son esprit.

On dit que ses craintes, ses désirs, ses secrets, ses espoirs sont comme des fantômes qui nous hantent. On ne les voit pas mais ils sont là. Ils font parti de nous et on ne s’en débarrasse jamais. Le plus clair du temps on arrive à ne pas les voir, on vit avec sans y penser mais parfois ils nous submergent. Ils deviennent si oppressants qu’on arrive plus à les réprimer. Andrew n’était plus hanté, il était devenu un fantôme. La représentation même de ses propres fantômes. Il était simplement devenu un fantôme lui-même hanté… Le plus difficile pour Andrew était de ne pas savoir ce qui était réel ou pas. Il avait l’impression que ce souvenir qui le hantait n’en était pas un, parfois il pensait que ce n’était qu’un rêve. Pourquoi lui ? C’était la question qui lui revenait sans cesse en tête. Quelqu’un l’appelle. Il s’arrête et lève la tête, regardant devant lui avant de se retourner. Il regardait son ami l’air perdu, sans rien dire. Ce sourire qui s’affichait toujours sur son visage l’avait quitté depuis si longtemps qu’il pensait qu’il ne reviendrait jamais. Andy se secoua la tête puis la gratta. < Salut. > Il lui sourit sans grande conviction. < Je sais pas trop… Tu sais, j’ai plein de choses à faire… > Il cherchait une bonne excuse qui lui permettrait de s’éloigner du jeune homme. Il ne voulait pas parler, et s’il parlait il risquait d’en dire trop… Il devait fuir avant que les choses n’empirent. S’entourer était trop difficile. Andrew savait qu’il risquait plus en crachant le morceau qu’en continuant à encaisser.

Il jouait avec ses mains de manière si nerveuse que ça se voyait qu’il cachait quelque chose. Il n’arrivait presque pas à l’entendre tellement ses pensées lui polluaient l’esprit. Il avait tellement froid mais des gouttes de sueur perlaient sur son front. Il était si touché que son ami s’inquiète mais lui avouer tout, lui parler signifiait le mettre aussi en danger. Il ne pouvait pas lui faire ca. A sa place il ne voudrait qu’on lui fasse ça. S’il avait pu éviter d’être impliqué dans ce secret, il l’aurait fait sans hésitation. Pourtant quand le jeune homme lui répond, Andrew était déçu qu’il le laisse filer si facilement. Finalement, il voulait qu’on l’oblige à parler ou plutôt il voulait que quelqu’un l’aide à porter ce fardeau qui le faisait couler. Et puis il lui demanda ce qu’il n’allait pas. Andrew se figea un instant. Il se disait qu’il n’était pas obligé d’entrer dans les détails. Trouver une manière édulcorée d’avouer. En tout cas, une chose était sûre, il ne pouvait pas le mettre inutilement en danger ni se mettre lui-même davantage en danger mais il avait tellement besoin de parler. < Euh… On, on peut peut-être… > Il prit une grande inspiration. < C’est une bonne idée, on peut aller manger. > Parvint-il à dire avec un sourire douloureux.