I need to forget what's gone

jin hee & yeon seok

Une soirée loin de tout, c'était ce dont j'avais besoin. Juste une soirée, histoire de ne penser à rien. Pas même à mes parents et à cette fichue enquête sur laquelle, malgré quelques pistes, je n'ai finalement pas avancé d'un pouce depuis des mois. Ce qui, qu'on se le dise, est assez frustrant en soit (surtout pour quelqu'un comme moi) et à l'origine de pas mal de nuits blanches, ces derniers temps. D'où ma présence en ce lieu... Car il fallait que je vienne ici pour me vider la tête. Non pas que je sois du genre à penser que l'alcool résout ce genre de problèmes mais au moins, en étant ici, je me tenais loin de toute cette paperasse, le temps d'une soirée. Je serais d'ailleurs bien incapable de dire depuis combien de temps je suis accoudé à ce comptoir. Une heure ? Deux heures ? Peut-être un tout petit peu plus ? J'en ai aucune idée. Et, pour le coup, à en voir le nombre de verres vides qui se sont accumulés devant moi, je remercie grandement le créateur de m'avoir fait don d'une capacité plutôt impressionnante à tenir l'alcool. M'apprêtant d'ailleurs à vider un énième shot, je suis cependant interrompu dans mon geste quand mon portable se met à vibrer sur le bois du comptoir et un léger rictus prend possession de mon visage lorsque j'aperçois le prénom de Jin Hee s'afficher sur l'écran. Qu'est-ce qu'elle me veut encore, celle là ? Déjà lassé, je lis en diagonale le message qu'elle m'a envoyé et laisse échapper un soupir, comprenant qu'elle veut que l'on se voit pour parler. D'un truc important, parait-il. Et si la perspective de passer la soirée avec elle ne m'enchante pas des masses, je finis toutefois par taper ces quelques mots sur mon clavier : « Rejoins moi au Coji Bar. Mais grouille toi, j'ai pas toute la soirée. »

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Plongée dans ces sombres pensées, cette soirée semble durer une éternité. A la recherche de l’inspiration, je n’entends plus la musique qui comble ce silence pesant dans mon appartement. Soucieuse, je regarde les moindres recoins de celui-ci avant de jeter un coup d’œil sur la table basse de mon salon. Je n’aurais jamais cru que mon divorce aurait pu créer un impact aussi fort dans ma vie. J’ignore si la raison de ce mal-être, que je peine à dissimuler quand l’heure se veut de plus en plus tardive, vient de cette séparation officiellement prononcée. Ne plus voir Yi Jung, cet homme que j’ai fréquenté durant des années… Est-ce si dramatique ? J’ignore si c’est cette nouvelle solitude, qui me chagrine. J’ai toujours été habituée à être accompagnée, qu’importe si mon entourage n’était pas intime. J’ignore si c’est la frustration de ne pas avoir atteint mes objectifs qui me fait grincer des dents. J’avais vraiment tout entrepris pour y parvenir mais voilà que je vois tous ces wons s’envoler sous mes yeux. Un mélange de tout, qui sait. Jugeant la bague de fiançailles, je songe à transformer celle-ci en poupée vaudou pour tuer cet enfoiré. J’aurais dû y songer avant, finalement mais j’ai un train de retard. J’ai toujours eu un train de retard. J’attrape mon téléphone et pense à passer le restant de la soirée avec Rei mais je ne suis pas certaine de vouloir m’amuser à nos conversations faussement conflictuelles. Je glisse mon doigt sur l’écran tactile, jouant avec les noms inscrits dans mon répertoire téléphonique avant de voir le nom de Yeon Seok apparaître. Lui aussi a eu un train de retard mais peut-être qu’il a encore d’autres tours dans son sac. Au moins, je pourrais réfléchir à autre chose au lieu d’être aussi dégoûtante. Il n’y a pas d’autres mots, j’ai l’impression d’être une vieille mémère alors que ma vie ne s’arrêtera jamais là. Dans un excès de confiance, je lui envoie un message alors que je pourrais jouer la sécurité en donnant un contrat de tueur à gages au japonais.

Me mettant en route après avoir reçu sa réponse quand j’étais encore dans la salle de bain, le taxi s’arrête devant le Coji Bar au bout d’un quart d’heure de trajet.  Je ne tarde pas à entrer dans les locaux, cherchant du regard le détective. Et à vrai dire,  je n’ai pas mis longtemps pour tomber sur lui. Le jeune homme ne fait pas un spectacle digne d’un ivrogne mais il a cet aura, comme un nuage noir qui place sur sa tête détectable à des kilomètres à la ronde. Je me dis que ça doit voler haut lors de ses planques. Trêves de plaisanterie. M’approchant du comptoir, je suis un peu surprise par la quantité de verres qui se trouve devant Yeon Seok. Un sourire amusé se forme sur mes lèvres. « Je me disais bien qu’il se tramait quelque chose pour avoir le droit à un oui si rapide. »  Je prends place à ses côtés et tends le bras pour me faire remarquer par le barman. « La même chose. » J’ai aussi besoin d’un bon remontant, ça tombe bien. « Sacrée descente. Je ne savais pas qu’il y avait quelque chose à fêter. »  J’esquisse un sourire quand je vois l’employé tendre mon verre rempli. Malheureusement pour lui, il ne le restera pas bien longtemps. Affichant une petite grimace, je pensais qu’il avait pu prendre un alcool aussi fort. « Si c’est le résultat de mon divorce que tu célèbres, tu aurais pu m’inviter. On aurait pu se marrer. » Dis-je avec ironie.

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Honnêtement, je ne sais vraiment pas pourquoi j'ai accepté de la voir, ce soir. Faut dire qu'avec l’enquête sur mes parents qui stagne beaucoup trop et le nombre peu conséquent d'heures de sommeil que j'ai à mon actif ces derniers temps, je ne suis pas tellement d'humeur à écouter ses bavardages incessants. Encore moins si c'est pour me parler et me reprocher quoique ce soit par rapport à son divorce. Car quand elle dit vouloir me parler de quelque chose d'important, je me doute bien que cela concerne son ex-mari et son divorce dont elle n'a malheureusement pas pu tirer grand chose. Et pour cause... Il se trouve que j'ai un peu fait du zèle concernant son affaire, préférant me pencher sur d'autres cas que je jugeais beaucoup plus importants. Et ils l'étaient totalement, c'est certain... Cela dit, je ne pense pas que la jeune femme soit du même avis que moi et il est clair que, si j'ai pu y échapper jusqu'à maintenant, elle me le fera cependant savoir tôt ou tard.

Perdu dans mes pensées depuis plusieurs minutes, j'agite doucement cet énième shot, remuant ainsi le liquide qu'il contient, avant d'être finalement interrompu par une voix que je ne connais que trop bien maintenant. Soupirant légèrement, je tourne donc la tête vers la jeune femme et un faible sourire ironique étire mes lèvres, tandis que je la regarde prendre place à mes côtés. « T'as de la chance. Quelques minutes de plus et tu aurais fait le voyage jusqu'ici pour rien. » Me contentant ensuite d'arquer faiblement un sourcil pour seule réponse à sa remarque sur ma « descente », je ris cependant jaune face au ton ironique qu'elle finit par employer. Qu'est-ce que je vous disais déjà ?! Ah oui ! Madame n'est pas très satisfaite du résultat de son divorce... « Je me demandais combien de temps tu tiendrais avant de parler de ton divorce... » Pas bien longtemps, qu'on se le dise. « Je suppose qu'il s'agit de la chose importante dont tu voulais me parler ?! » Question rhétorique, évidemment. « Alors, va s'y, je t'écoute ! » On ne va pas tourner autour du pot. Puis, plus vite on commence, plus vite on est débarrassé. Enfin, surtout moi...

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Les salutations sont brèves et concises. Elles sont même inexistantes alors que je m'installe à la droite du détective. Est-ce le seul siège de libre ? Non, mais il bloquerait le passage pour une éventuelle fuite du jeune homme. Un soupir s'échappe de mes lèvres et traduit une certain lassitude. J'aurais aimé que les choses se passent différemment, je n'aurais pas eu besoin de le contacter une nouvelle fois et j'aurais pu m'offrir des vacances, à des centaines de kilomètres de la capitale. Or, ce n'est pas le cas. Ainsi, il est temps pour moi de faire un bilan afin de me fixer de nouveaux objectifs. Têtue comme un âne, je suis légèrement consciente de ne pas avoir fait beaucoup de progrès ces dernières semaines. Forçant de nouveau un sourire, c'est à se demander si le jeune homme ne tient pas de paris sur mon dos. On pourrait facilement monter un business. « Quoi ? Tu préfères que je te parle du temps ? » Je lève les yeux au ciel. Notre entente n'est pas cordiale et oui bien sûr que je veux parler de mon divorce. Ce dernier continue de me travailler mais je suppose que cette notion échappe bien à un petit étudiant comme lui. Ce concept lui est tout à fait étranger, et ce n'est pas forcément moi qui vais pouvoir lui donner une leçon. Le verre à la main, je bois une gorgée de cette boisson bien plus forte que prévu. Cette excursion au bar était peut-être une bonne idée de programme si les discussions entre grandes personnes étaient facultatives. Je le gratifie d'un sourire et laisse le poireauter pendant quelques secondes. Puis, je porte mon attention sur le liquide qui remplit encore bien le verre. « Sans rire. J'avais besoin de parler à quelqu'un. » Si je n'avais pas été aussi ironique, peut-être qu'il aurait pu y croire. J'ai bien conscience que je n'ai pas choisi la bonne personne pour parler de mes maux, et voilà qu'il était là avec plus d'un verre au compteur. Quel risque suis-je en train de prendre ? « J'ai été fiancée très jeune, tu sais. J'avais oublié à quel point la liberté pouvait être agréable... » Mais comment pourrais-je profiter de ma liberté si je n'ai pas un seul rond ? Je tourne finalement ma tête vers lui pour guetter sa réaction. « Je voulais donc te remercier pour ton travail... » Puis, je lève mon verre et affiche un sourire en coin. « Je n'ai jamais vu quelqu'un faire aussi profil bas, c'est admirable. » Et bien entendu, il n'y a pas eu un seul moment de doute avant que l'ironie reprenne possession du ton de ma voix. « D'être encore plus lent qu'une procédure juridique, ça aussi... J'ai adoré. »