L’histoire commence dans les bas-fonds de la mésentente familiale, dans un hôpital ou les cris du bébé nouveau-né peinent à couvrir ceux des parents se rejettent la faute de son existence depuis déjà huit mois et demi. Iseul a seulement pris sa première bouffée d’air que son semblant de famille se déchire en deux.
Toute sa vie, elle ne connaîtra que deux villes, Busan chez maman, Séoul chez papa. Très peu d’amour et d’attention des deux côtés et beaucoup de larmes ravalées pendant l’aller-retour constant –ce n’était pas qu’un fleuve qui séparaient ses parents, mais un gouffre sans fond de haine aveugle qui les empêchaient tous les deux de voir l’important :
elle
leur fille.
Elle a neuf ans quand elle comprend sans en avoir vraiment conscience qu’elle devra se débrouiller sans eux pour avancer dans la vie.


L’enfance est en roue libre, sans aucun cadre ni barrière pour lui éviter de tomber dans les fossés de la vie –ses parents avaient mieux à faire que de s’occuper de l’enfant que leur égoïsme avait mis au monde, et jugeaient qu’à l’instar d’un hamster ou d’un poisson rouge, tant qu’elle avait un toit sur la tête, des vêtements sur le dos et à manger dans son assiette, leur travail de parent était accompli. Iseul est virée de trois écoles entre ses six et dix ans : une fois pour avoir eu l’hilarante idée de se venger d’un enseignant en lâchant dans son sac une dizaine de punaises acérées ainsi qu’une armada d’insectes trouvés dans la cour de récrée, une fois pour avoir insulté la directrice après s’être faite punir, et une dernière fois pour avoir mis le feu au cartable d’un autre enfant qui l’avait coincée dans un coin de la classe pour lui faire des misères –elle s’était défendue comme une diablesse cette fois-ci, jurant son innocence « le feu s’est allumé tout seul, c’est vrai ! » mais qui irait croire une enfant perturbée comme elle ?
Lassée de sa fille ingérable, son père la renvoie définitivement chez sa mère avant de déménager sans laisser d’adresse.


« Trust me, darlin', trust me, darlin' » L’enveloppe l’attendait bien sagement dans la boîte aux lettres, comme si elle savait que la vider faisait partie des corvées de Iseul. Elle l’avait gardée secrète pendant trois jours, le temps de l’étudier –son ex petit-ami lui proposait de venir vivre auprès de lui à Séoul– « Please believe me, please believe me » Totalement naïve, elle croyait au grand amour, au prince charmant.

« Non. »

La réponse de sa mère avait été…radicale.
Mais Iseul n’avait jamais reconnu son autorité.
Alors du haut de ses 17 ans bien indépendants, avec la maigre aide de son courage qu’elle avait pu trouver au fond d'elle, elle avait réuni le minimum d'affaire pour partir.
Aux premières lueurs de l’aube, elle ne laissait qu’un mot derrière elle à l’intention de sa mère, et s’enfuyait loin de son quotidien morose à bord d'un bus.


Iseul avait trouvé à Séoul ce qu’elle n’avait pas trouvé ailleurs.
Des gens pour la comprendre, et d’autre pour l’encadrer.
Mais quelque chose manquait, et plus elle grandissait, plus elle le ressentait ; l’agressivité devenait son seul moyen de combler les trous de sa carapace abîmée, et elle empirait d’année en année.
D’été en été surtout.

Car chaque fois qu’elle devait rentrer à Busan, c’était un nouveau pas qu’elle faisait dans la boue où les mauvaises habitudes et les mauvaises fréquentations refaisaient surface.
L'amour l’obnubila une année entière et elle s’y jeta toute entière dès son retour.
L’été de ses dix-huit ans, Iseul a dû passer deux mois en clinique de désintoxication pour soigner une addiction à la cocaïne coupée qui avait déjà failli la faire caner d’overdose une fois.
Merci son ex petit-ami de l'avoir fait la drogue. Vous vous êtes quitté en mauvais terme et elle lui en veut pas. Pourquoi lui en vouloir ? Il a fait partie de sa vie pendant un certain temps.
Elle a réussie à survivre, elle est parvenue à ouvrir son business qui marche comme sur des roulettes.

La vie est dure, Iseul.
Mais t’es toujours là.