Une journée comme toutes les autres. Voilà ça ce que ça allait être. Rien de plus, rien de moins. De multiples tentative de normalité et d'oubli de ce qui étaient des actes plus monstrueux les uns que les autres. Elle n'en pouvait plus de vivre comme ça Artemis. Elle était épuisée de ce double jeu qu'elle devait mener pour protéger ce qui lui était cher, mais elle ne comptait pas arrêter. Cela serait trop dangereux, autant pour elle que sa mère. Sans le gang elle n'était plus rien, juste une coquille vide, voilà six ans qu'elle y était entrée contre son gré. Six années bien trop longues pour ressortir de tout ça indemne.

Perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas le garçon qui se dirigeait droit sur elle, sans doute tout aussi concentré qu'elle sur autre chose que ce qui l'entourait. La collision était assez évidente et au dernier moment, la rouquine s'aperçut du potentiel "danger". Trop tard pour complètement l'éviter, elle tenta de s'écarter un peu, ce qui lui valu un coup d'épaule assez fort pour la faire froncer les sourcils. Pour qui se prenait ce garçon ? Regarder ce qui arrivait devant lui, il ne connaissait pas ? Oui, elle aurait dû en faire de même, mais elle n'acceptait que rarement ses tords la flamboyante. « Eh toi, ça ne te dirait pas de faire un peu attention où tu marches ? » l'interpella-t-elle alors plus que mécontente. En temps normal elle n'aurait pas réagi de cette manière, elle n'aimait pas attirer l'attention pour des futilités, mais ce n'était vraiment pas le jour pour l'ennuyer. Artemis ne souhaitait que se rendre à ses cours, voilà pourquoi elle marchait dans le grand terrain qui entourait l'établissement, le pas pressé. La nuit dernière avait été assez courte, encore une fois, prise par son travail. En général, quand cela arrivait, il ne valait mieux pas l'embêtement le lendemain, car elle était d'une humeur massacrante. « T'es pas le roi du monde mon grand. » elle abusait peut-être un peu l'Irlandaise, mais là tout de suite, elle avait besoin de se défouler, de se lâcher les nerfs sur quelqu'un et ce jeune homme allait faire les frais de sa mauvaise humeur.

Yue Liang ne faisait pas partie de ces personnes qualifiées de grandes anxieuses. Quand il devait subit un changement, positif comme négatif, il ne ressentait pas cette boule se former dans son estomac, il n’avait pas une perte d’appétit, ou quoi que ce soit d’autre. Il n’avait pas peur. Le changement était pour lui une chose irrémédiable, qu’on ne pouvait pas contrôler. Un peu comme le destin. Voilà pourquoi lorsque ses pieds foulèrent enfin le sol de cette université toute aussi prestigieuse que celle dont il sortait, ce fut davantage un léger rictus qui le prit. Une nouvelle phase de sa vie commençait. Certes, être professeur assistant ou stagiaire – choisissez le mot que vous préférez – n’était pas son objectif ultime de vie, mais c’était un départ qui lui convenait tout à fait. Grimper les échelons de la société était une réelle source de motivation pour le jeune homme. Apprêté de sa plus belle chemise et d’un pantalon centré – histoire de se dissocier des étudiants, Yue Liang marchait d’un pas assuré dans ces couloirs inconnus, son regard allant et venant entre les multiples panneaux d’indications et sa feuille de route de la journée. C’est pourquoi il ne remarqua pas la demoiselle allant dans son sens, et que la collision eut lieu. Un coup d’épaule, un peu violent vu leur différence de carrure. Poussé un peu sur le côté, il se la massa tandis que l’étudiante déversa une sorte de rage assez surprenante pour une coréenne. Leur culture n’était pas censé les faire s’excuser de façon hypocrite avant qu’ils ne reprennent chacun leur chemin ? Un petit rire-souffle du nez, vous savez ceux que l’on fait de façon un peu hautaine, et Yue Liang se retourna enfin vers elle. « Et tu ne me sembles pas être la reine non plus. Tu n’as pas apprit à détourner un obstacle, madame je-mets-ma-propre-faute-sur-les-autres ? ». Non mais, pour qui se prenait-elle ? Il n’avait pas – encore – de droit sur ses étudiants, mais autant vous dire que s’il en avait, elle ne repartirait pas sans un avertissement.

Artemis n'était pourtant pas une de ces filles qui, gratuitement laissaient éclater toute leur rage sur autrui, en temps normal. Elle était même au contraire polie, bien éduquée, souriante et dans ses bons moments, même joueuse. Derrière son masque froid et ses activités nocturnes criminelles, elle avait toujours en son fort intérieur cette facette chaleureuse de sa personnalité qui ne demandait qu'à s'épanouir. Malheureusement, aujourd'hui, elle n'était définitivement pas déterminée à pointer le bout de son nez, sa nuit avait été exécrable. Elle était épuisée aussi bien moralement que physiquement et ne savait même pas comment elle était parvenue à se tirer hors de son lit pour affronter la journée. Alors oui. Ce passant en avait fait les frais, elle avait laissé sortir toute sa haine, lui crachant son venin au visage sans vraiment aucune raison valable et n'en était même pas désolée, encore moins lorsqu'il lui répondit. « Je ne pense pas m'être proclamée reine de toute façon. En plus de ça, J'AI essayé de te contourner, ce qui n'a pas été ton cas. » continua-t-elle de grogner à l'encontre de son interlocuteur.

Interlocuteur qui, étrangement avait un visage familier. Il lui rappelait quelqu'un, mais elle peinait à mettre un nom sur cette sensation de familiarité qui naissait en elle. Pourtant, ce petit air hautain qu'il affichait la faisait douter, il ne lui semblait pas avoir un jour côtoyé une personne comme lui, qui semblait si désagréable. « J'ai l'impression qu'on s'est déjà vus quelque part non ? » comme ça, de but en blanc, sans prévenir. Son ton hargneux l'avait quittée, bien que son énervement fut toujours présent et elle avait posé la question fatidique. Difficile d'imaginer qu'elle allait être la réaction de celui qui se tenait en face d'elle, le visage contrit et le regard peu aimable. Même elle s'était un peu surprise en posant cette question, elle n'avait pas plus réfléchi que ça, ne demandant qu'à savoir s'il était bel et bien une connaissance ou si elle se trompait. Auquel cas, elle pourrait tranquillement continuer de lui aboyer dessus sans ménagement, et ce, même s'il ne le méritait pas au tout début.

Yue Liang avait été élevé avec le plus grand respect des mœurs chinoises. Certains diront que son éducation a été quelque peu extrême, et que sa vision de la vie réelle en est de ce fait altérée. Mais lui se sentait bien ainsi, et le respect des autres était un peu son cheval de bataille. C’est pourquoi cette jeune fille, qu’il ne connaissait visiblement ni d’Eve ni d’Adam, qui lui parlait aussi mal alors qu’elle était tout autant en faute insupportait grandement le nouveau professeur. De quel droit se permettait-elle de lui parler ainsi ? Elle semblait plus jeune que lui, alors ce n’était certainement pas son statut qui le lui permettait. Yue Liang leva les yeux au ciel aux dires de cette inconnue, très culottée. « Car j’étais occupé, au cas où madame n’aurait pas remarqué. Et tu essayes très mal. Mais dis moi, tu es blessée ? Tu as perdu l’usage de ton bras ? Quelque chose c’est cassé ? Je ne crois pas. Alors cesses de faire ta drama queen, tu nous feras gagner du temps à tout les deux. ». Son regard était dur, et sa voix sèche. Cette étudiante ne savait pas à qui elle s’en prenait. Si elle cherchait l’affrontement, elle allait perdre. Et alors qu’il s’apprêtait à reprendre son chemin, la question de la rouquine lui fit froncer les sourcils. « Je ne pense pas. C’est la première fois que je viens ici. ». Il était certes venu durant les vacances scolaires pour une visite des lieux, mais rien qui n’aurait pu les faire se rencontrer. Pour en être certain, ses yeux commencèrent à détailler la demoiselle, en partant de son visage. Mais ce fut sur son poignet qu’ils s’arrêtant brusquement, et que son visage prit une expression étrange. Un mélange entre perplexité, incompréhension, panique. Un bracelet tressé ornait son poignet. Tout comme le sien. Mais… non. Il y eut une mode de ce genre de « bijoux », Yue Liang ne pouvait se laisser bercer par de faux espoirs. « Tu… Tu as ce bracelet depuis longtemps ? ».