Lyvan souffle doucement. Il serait temps qu’elle aille dormir. Il est si tard pourtant le sommeil la fuit encore et encore … Le cadran de l’horloge indique 3h du matin pourtant la nuit ne semble pas avancer … Lyvan avait fini par ne plus réussir à dormir la nuit et n’arrivait à fermer les yeux que le jour.  Heureusement elle n’était pas encore scolarisée et espérait pouvoir retrouver son rythme d’ici la rentrée même si elle en doutait fortement … Elle soupire et repose son pinceau doucement. Elle n’était pas douée en peinture, ses tableaux ressemblaient à des tableaux d’enfants et de gribouillages incompréhensible … Mais elle aimait la sensation de la peinture qui s’écrasait sur la toile. Parfois même elle fermait les yeux et se contentait de faire glisser le pinceau de droit à gauche avec un soupire d’aise. Le bruit et la texture l’apaisait sans qu’elle ne puisse vraiment l’expliquer. Rinçant ses pinceaux dans l’évier elle prend son temps, redoutant l’instant où elle devrait s’abandonner à Morphée. Pourtant ses nuits semblaient bien plus calmes depuis qu’elle avait rejoint sa sœur. C’était même étrange cette sensation qu’elle avait dans les bras de Sori. Elle se sentait protégée, sereine, calme même si ses démons refaisaient toujours surface quand elle s’y attendait le moins. Déposant délicatement ses pinceaux sur un mouchoir pour les faire sécher Lyvan finissait de tout ranger avant de remonter les escaliers doucement. Dans l’entrée, elle croise In Ho qui rentre de son boulot. Pendant une seconde elle se stop et fini par lui esquisser un petit sourire discret, presque timide, avant de lui faire un signe pour lui souhaiter bonne nuit. Elle grimpe ensuite les marches comme on irait voir un bourreau. Fort heureusement son petit l’ange l’attendait endormi dans leur chambre. Lyvan avait pourtant son lit mais elle ne pouvait s’endormir sans sentir les bras de sa sœur autour d’elle. Après s’être mise en pyjama dans le noir elle vient se glisser dans le lit de sa sœur le plus délicatement possible pour ne pas la réveiller. Elle se blottit contre elle et prend le temps d’embrasser sa joue avant de nicher son visage dans son cou. Que c’était rassurant de sentir son parfum. Lyvan se força à ne plus bouger pendant 15 minutes. Elle avait lu que si le corps restait immobile pendant plus de 15 minutes on pouvait s’endormir. Elle plongea doucement grâce au marchand de sable dans un sommeil profond. Elle ne sait pas vraiment après combien de temps elle se réveilla. Tout ce qu’elle sut c’est que son corps était tétanisé et qui lui était impossible de bouger. Elle commence à paniquer et aimerait pouvoir crier à l’aide mais elle en est incapable. Aucun son si ce n’est sa respiration saccadée ne sort de sa bouche et Lyvan se sent prisonnière de son corps qu’elle ne peut plus bouger. Les médecins mettent ça sur son agression. Sur la sensation d’impuissance qu’elle a ressentie quand son bourreau s’en prenait à elle. C’était bien facile à dire et à expliquer mais maintenant, comment faisait-elle pour s’en remettre ? Pour surmonter tout ça … ?

Lyvan. Sa petite sœur. La petite dont elle n'était pas particulièrement proche avant. Et pourtant, maintenant, c'était tout à fait différent. Elle l'était. Encore plus maintenant. Et tout ça grâce à un foutu accident. Sori s'en voulait. Ô oui, elle s'en voulait de ne pas avoir fait plus attention à elle, de ne pas avoir pris plus soin d'elle, comme il le fallait. Non. À la place, elle l'avait laissé. Elle l'avait laissé toute seule et voilà le résultat. Elle ne parlait plus, elle était effrayée de tout. Et elle n'avait pas su la protéger. Contre ses propres parents non plus. Mais Sori était bien décidée à rattraper le temps. Notamment grâce à Sunah. Sunah. Ce nom lui écorchait toujours autant la bouche. Elle le savait, cette jeune femme resterait à jamais ancré dans son cœur. Pour le pire comme pour le meilleur. Mais grâce à elle, elle pouvait avoir sa sœur sous ses yeux, partageant ainsi la même chambre qu'elle. Dire que ça n'avait pas été étrange au début aurait été un mensonge. Elle était habituée à son indépendance et sa tranquillité. Mais elle s'était bien vite accommodée à la situation, aimant même ses moments de douceurs partagées toutes les deux. Ça lui faisait du bien en réalité à Sori de retrouver Lyvan, de connaître Lyvan. Elle avait appris la langue des signes avec elle, pour pouvoir communiquer tranquillement sans que cette dernière ne panique. Sori ne lui demandait jamais d'essayer de sortir un son. Non, elle la laissait faire à son rythme. Elle savait que Lyvan reparlerait quand elle irait mieux. Alors elle la laissait, la chouchoutant et la maternant, comme c'était dans son caractère.
Et cette nuit ne dérogeait pas au petit rituel qu'elle avait maintenant l'habitude d'avoir. C'est-à-dire dormir avec sa sœur dans ses bras. Même si la plus âgée s'était endormie en première, elle était certaine que sa petite sœur allait venir. Et la tatoueuse l'avait bien senti pendant son sommeil, cette silhouette chaude qui était soudainement venu contre elle, lui embrassant la joue. Ça ne pouvait qu'être elle. Ses bras entourèrent le corps de sa sœur alors que la tatoueuse se sentait s'endormir un peu plus profondément, apaisée. La pyo se sentait toujours mieux en sentant sa sœur dans ses bras, comme apaiser de la savoir en sécurité ici, avec elle. Néanmoins, elle sentit le corps de sa sœur se raidir. Sori mit quelques minutes pour sortir de son sommeil et se réveiller complètement. « Lyvan ? » Souffla-t-elle endormie. Elle se redressa doucement sur son coude pour venir allumer la lumière. Elle plissa des yeux le temps qu'elle s'habitue à la lumière avant de voir sa sœur. « Merde ! » Elle se redressa vivement mais caressa la joue de la plus jeune. « Lyvan...tu m'entends mon ange ? Je suis la ». Les yeux de Sori la scannèrent. Elle caressait doucement ses cheveux, tendrement. « Je suis la mon ange, détends toi, ce n'est rien. » Elle essayait de l'apaiser comme elle pouvait.

Lyvan était bien incapable de se sortir de son cauchemar, elle était pourtant éveillée, consciente de tout mais incapable de se libérer de son corps. Elle savait au fond d’elle que ce n’était que la représentation de ce qu’elle avait vécu, quand elle n’avait pas su se défendre, se protéger et qu’elle avait laissé cet homme abuser d’elle. Encore et encore. Elle se détestait et chaque fois qu’elle faisait une crise de panique en pleine nuit tous ses souvenirs lui revenaient brusquement et la blessait. Elle se détestait et s’infligeait plus encore des douleurs. Elle se tétanisait tellement que tout son corps devenait douloureux. Comment un petit être aussi chétif qu’elle pouvait s’infliger autant de douleur ? Petit ange à qui on avait coupé les ailes. Elle arrive difficilement à respirer et malgré la présence de sa sœur Lyvan se perd dans la noirceur de ses démons. Elle gémit faiblement et des larmes coulent le long de ses tempes alors que Sori se penche enfin vers elle pour venir l’apaiser. Lui montrer comment respirer, elle l’écoute, trébuche à courir après cette voix à laquelle elle veut se raccrocher. Mon dieu qu’elle veut se sortir de cet enfer. Elle pleure, mais les sanglots restent coincés en elles, la meurtrissant un peu plus. Elle ferme les yeux et écoute la voix de Sori, seule lumière salvatrice de sa torpeur. Après de longues minutes à tenter de reprendre ses esprits elle sent qu’elle peut enfin bouger le bout de ses doigts. Sori sait qu’en la voyant ainsi il faut lui prendre la main et lui donner sa force. Avant la main de Lyvan est tellement surtension que le moindre contact lui fait mal. Plus relâchée elle peut enfin tenir la main de Sori et ne plus se sentir seule. Il lui fait plusieurs dizaines de minutes pour sortir totalement de sa transe et sentir enfin son corps douloureux se relâcher. Lyvan croit entendre de façon lointaine l’une de leur colocataire dire « Sori … faut que tu trouves une solution pour qu’elle ne subisse plus ça … » et Lyvan culpabilise encore plus face à la gentillesse de la jeune femme qu’elle réveille pourtant régulièrement. Il n’y a aucune accusation dans la voix, mais une véritable peine de voir la plus jeune de la chambre paniquée et s’infliger ça. Quand Lyvan peut enfin se lever, couverte de sueur, elle se redresse et signe rapidement désolée à sa sœur avant de tituber en dehors de la chambre retenant ses sanglots menaçant d’éclater.