« C'est un très grand soleil pour une si petite page tu ne trouves pas ? Ça doit vouloir dire qu'il se sent bien. Beaucoup de gens, surtout les enfants, associent le soleil au bonheur. C'est chouette, peut-être qu'il a passé de bons moments cette semaine ? Mais en même temps je regarde le bonhomme qui de toute évidence le représente et je m'interroge tu vois. Parce que certes le bonhomme il a le sourire, mais il est tout petit comparé à la feuille. Minuscule même. Est ce que ça veut dire qu'il se sent impuissant ou insignifiant ? En plus il s'est dessiné tout seul. Tu crois que Tae Jun s'est encore moqué de lui ? Parce que comparé à la taille du soleil, il est vraiment tout petit ce bonhomme. Tu crois que c'est une image de ses questionnements fondamentaux ? Tu crois qu'il est inquiet de sa place dans l'univers, de l'insignifiance de celle-ci dans le grand schéma des choses ? Hot damn, that's pretty deep for a five years old ! » Entre ses doigts graciles elle fait pivoter un dessin, le nez presque dessus et dans le calme ambiant du salon immense, sa voix douce ne fait pas plus de bruit que les ailes d'un papillon. Écoutez-là l'autre. Elle a suivi deux cours en élève libre sur la psychologie de l'enfant et ça y est elle se prend pour Freud. Enfin non pas Freud c'était un mauvais... Françoise Dolto peut-être ? L'ambiance est au calme serein dans le dortoir des Sangos, la majorité d'entre eux étant en cours. C'est d'ailleurs pour ça que Kaia se retrouve seule, allongée à l'envers sur un des grands canapés. Ses jambes battent délicatement la mesure de ses pensées contre le dossier du divan alors qu'elle est à deux doigts d'avoir la tête à l'envers, la tête dans le vide. Position incongrue, et pas vraiment des plus décentes quand on est en jupe, mais Aakia a le mérite, en tant que toutou de l'année, de ne jamais juger. Ni sa jupe bleu nuit en bataille, ni ses très hautes chaussette couleur menthe avec des têtes de panda dessus, ni son débardeur blanc que sa position a relevé et qui laisse donc apercevoir une partie de son ventre. Un certain manque de classe pour certains, une fantaisie enfantine parfaitement Kaia pour d'autres. C'est d'ailleurs à la grosse boule de poils allongée sur le tapis face à elle qu'elle s'adresse doucement depuis presque vingt minutes. Lorsque Kaia ne décèle aucune réponse venant de son cher compagnon, elle lève les yeux vers lui. Ou, vu qu'elle a la tête en bas, on pourrait dire qu'elle les baisse, c'est une question de point de vue. Désormais truffe contre nez, la tête dans le vide, elle lui adresse un grand sourire avant de reposer le dessin à ses côtés sur le divan et de se saisir d'un petit pot de crème à la vanille posée sur la table basse à portée de son bras. Se saisir du pot et de la cuillère est un jeu d'enfant, mais ouvrir le truc avec la tête en bas, tremper sa cuillère dans le mélange et la porter à sa bouche, le tout sans en laisser tomber partout sur le tapis ou le canapé, ça c'est un exploit qui la rempli d'une fierté enfantine des plus grotesques. D'autant plus qu'elle n'est pas aidée puisque Aakia relève son nez tout mouillé et lui colle sur la joue, soudainement bien intéressé par une odeur sucrée. Avec un léger rire, Kaia s'arrange pour lui asséner une tendre pichnette sur la truffe et s'adresse à lui avec un ton ferme, mais chaleureux et un sourire en coin. « Non Buddy c'est ma Danette à moi, si t'en veux une t'as qu'à aller la chercher. » L'intéressé hoche de la tête avec un air courroucé et Kaia rigole. « Oui je sais que tu n'as pas de pouces opposables te permettant d'enlever l'opercule, mais ça ce n'est pas mon problème mon cher. » Elle lui offre un pat pat de consolation alors qu'un bruit sourd de ronchonnement en règle s'échappe de la gorge du toutou qui se ré allonge au sol, l'air boudeur, laissant Kaia à cet art délicat qu'est de manger du liquide la tête en bas.

Les yeux dans le vide, la cuillère en bouche plus souvent que dans le pot de crème, Kaia repense à son début de journée. Elle n'avait pas cours ce matin et n'étant revenue à Séoul que depuis cinq semaines et au dortoir seulement la veille, elle avait donc mis à profit ce temps pour aller faire un coucou à l'orphelinat dans lequel elle passait beaucoup de temps avant de partir en voyage. Elle était arrivée là avec sa guitare, son chien, des feuilles et des crayons de couleurs et y avait passé une agréable matinée en compagnie des enfants, comme elle l'avait toujours fait auparavant. A la fois heureuse et triste d'y avoir retrouvé certaines têtes qui étaient déjà là la dernière fois qu'elle y était allée il y a presque deux ans d'ici. Elle en était repartie avec de nouveaux souvenirs, de nouveaux amis et une tonne de dessins tous plus colorés et farfelus les un que les autres. Et Aakia et elle se tiennent compagnie dans ce silence paisible alors qu'elle prend son temps pour admirer chacun des dessins. Le bruit lointain des pas qui s'approchent tire Kaia de ses pensées et elle se tortille soudainement de façon presque grotesque dans sa position renversée pour voir qui est l'âme errante qui traine par ici à une telle heure. « Coucou Yuuma ! » Sa voix n'est pas forte, mais est indéniablement enjouée alors qu'elle lui adresse un large sourire et un coucou de la main un peu frénétique.  « Come on Aakia ! Va chercher notre copain Yuuma ! Parce que c'est HUGS PARTY TIME !!!! » Dans les yeux de son fidèle samoyède, Kaia peut clairement lire " va le chercher toi-même, ingrate ! J'ai pas eu droit à de la crème à la vanille" et si Aakia lève les yeux aux ciels, elle s'est déjà convaincue que ça n'a rien avoir avec le fait qu'elle parle avec sa cuillère en bouche et zozote donc gaiment. Bien sur que non, Aakia est simplement une dramaqeen c'est tout et le comportement parfaitement puéril de son chien la fait sourire de toutes ses dents alors qu'elle met toute sa concentration pour reposer son pot de crème sur la table basse sans provoquer un accident crémier avant d'ouvrir grand les bras et de fixer Yuuma dans les yeux et de lui offrir un sourire colgate des plus adorables. Enfin elle essaye parce que comme elle a plus vue sur ses pieds au gus, même de l'autre côté de la pièce, les yeux de son amis sont bien plus loin du sol que les siens. Mais soit, le risque de torticolis lui importe peu. Ouais, peu importe. Et peu importe aussi que si elle ne daigne pas changer de position elle fera un câlin à ses jambes à Yuuma. Elle s'en fiche, elle aime bien ses jambes à Yuuma. Il a de jolies jambes Yuuma. « Hey Pal ! Comment tu dis "i'm back home" en japonais ? »

Yuuma n’arrivait pas à croire qu’il entamait déjà sa troisième année ici, à la Yonsei. Cela lui semblait encore la veille quand il débarquait avec sa valise dans ce pays quasiment inconnu, baigné de cette langue dont il ne comprenait strictement rien. Et maintenant, malgré un accent toujours présent, il se fondait davantage dans la masse. Il était même un sunbae auprès des nouveaux arrivants sangos. Une sensation étrange, qui lui rappelait son passé au Japon. Il se sentait bien dans cette vie d’étudiant. Sur un petit nuage, notamment depuis l’arrivée de Hwa Ran dans sa vie. Amoureuse, qui plus est. C’est pourquoi ce jour-là encore le nippon rentra à la villa des requins en chantonnant joyeusement. Ayant ses petites habitudes, il prit le chemin de son salon préféré avant celui de sa chambre pour y voir les nouveaux livres proposés sur cette étagère d’échange. Mais la petite bulle dans laquelle ses pensées divaguaient éclata lorsqu’une voix nostalgique, qu’il connaissait bien, parvint à ses oreilles. Yuuma s’arrêta net, se frottant longuement les yeux. Cette jeune fille, installée à l’envers sur ce canapé… « K… Kaia ?!?! ». Non. Non ?? Elle était revenue ?? La voyant tendre les bras à son encontre, le blondinet n’attendit que de très courtes secondes avant de se jeter dedans, bien que la posture de la jeune femme n’était pas très pratique. « Yaaaaah !! Mais tu es rentrée quand ?! Pourquoi tu ne m’as rien dit ?! Je serai venu te chercher à l’aéroport !! ». Les larmes aux yeux, le jeune homme était remplit de joie. Kaia était une amie précieuse. Ils avaient certes davantage échangé par mails qu’en face-à-face faute du tour de la belle brune, mais elle avait une place certaine dans son cœur. Se reculant un peu pour mieux la regarder, étant à présent au sol, il lui adressa un immense et adorable sourire, bien que ses yeux étaient humides. « On dit Tadaima ! Ta-da-i-ma ! Et moi je dois te répondre O-ka-é-ri ! ». Tournant la tête vers le sublime chien de son ami, il eut une expression d’émerveillement digne d’un dessin animé. « Waaaaaaah !! Il est sublime ton chien, encore plus qu’en photo !! ». Yuuma tendit alors une main timide mais inoffensive vers la chienne.

Yuuma et ses grands yeux chocolat semblent ne pas en revenir et elle est presque tentée de jeter un œil aux alentours pour s'assurer qu'il n'a pas vu un fantôme, mais elle n'en a pas vraiment le temps avant de se retrouver avec les bras plein de son copains de câlin préféré. Un vrai pro qui parvient même à s'arranger de leur position bizarre et Kaia lui rend son étreinte dans un rire silencieux. Il lui arrive encore de se demander comment ce grand gaillard avait bien pu se faire une place dans sa bulle si rapidement, surtout que le plus gros de leur relation avait été à distance ou un assemblage de conversations farfelues et mises bout à bout à grand renfort de dictionnaires et d'applications de traduction. Les débuts maladroits de deux jeunes gens ne parlant pas la même langue, mais décidés à se comprendre. Elle se rappelle de leurs premiers moments, toujours avec un amusement rempli d'affection et si Kaia ferme les yeux, elle peut même encore entendre l'accent mal assuré mais chantant qu'avait son ami à l'époque. Elle le revoit même pour le première fois alors qu'elle avait pris possession du sol dans le corridor des chambres du dortoir des garçons pour étaler une grande banderole sur laquelle elle peignait en chantonnant dans sa barbe inexistante. Absolument inattentive au monde qui l'entourait comme à son habitude lorsqu'elle était concentrée sur quelque chose, elle lui avait, malgré elle, fait un croche patte qui l'avait envoyé voler les mains les premières dans de la peinture. Bien qu'elle soit parfaitement affligée de l'avoir ainsi fait tomber, elle n'avait pu s'empêcher de rire silencieusement. Et comme s'excuser c'est très surfait, elle s'était contentée de lui adresser un sourire adorable et de lui attraper les mains, se servant de ses doigts à lui pour dessiner quelques petites étoiles sur la bannière avant de tenter tant bien que mal de se faire pardonner en lui offrant une visite des lieux et en l'aidant à s'installer. Ça n'avait pas été une mince affaire, mais c'est peut-être ce qui en fait une si bonne journée, un si bon souvenir. Lorsque Kaia sort de ses souvenirs remplis de candeur, c'est pour se mettre à marmonner avec un petit froncement de nez concentré. « Tada-ima ? Ta-dah-ima ? Tah-da-i-ma ? Oka-i-ri ? Oka-éri ? Oka... suppose it means something like "welcome" or maybe "happy to see you", "welcome" ? O-ka-é-ri ? » Bien que dotée d'une très bonne oreille et assez douée pour les langues, Kaia demande à Yuuma de répéter encore une fois avant de se remettre à marmonner jusqu'à ce qu'elle parvienne à aligner les sons et intonations correctement, adressant ensuite un énorme sourire à son ami. « Yuuma, tadaima ! » s'exclame-t-elle joyeusement avant de se prendre pour un chat et tenter de frotter sa joue contre celle de son ami. Leur position ne rend pas les choses très concluantes et vu que la vie semble lui mettre des battons dans les roues, une moue irritée vient se peindre sur le visage presque poupon de la donzelle avant qu'elle ne se mette à se trémousser frénétiquement. Tentant de se remettre à l'endroit d'une manière plus risible qu'élégante, elle se tortille et les choses semblent se compliquer lorsqu'elle se met à parler en même temps. « Oh je suis désolée Yuuma, je suis rentrée en Corée il y a un bon mois maintenant, mais j'ai encore pas mal bougé après. Et puis mes parents et mon petit frère sont venus nous rendre visite deux semaines et puis ça été la course pour nous mettre en ordre de paperasse pour la rentrée et pour refaire un passeport et une carte d'identité à mon frangin qui a été assez doué pour perdre le tout entre le Japon et la Corée, je te dis pas le bordel à la douane. Je ne suis revenue au dortoir qu'hier, du coup j'ai pas eu vraiment le temps de revoir grand monde. » Un oof étouffé et un bruit sourd terminent sa tirade alors qu'à force d'agitation frénétique, Kaia arrive enfin à se remettre à l'endroit et chute du divan, finissant les fesses au sol sur la carpette entre Yuuma et Aakia qui la regarde de travers. Elle a les cheveux dans le visage et les joues rougies par tout le travail que représente de changer de position sans utiliser ses bras et en parlant en même temps. Elle devient trop vieille pour ces bêtises que veux-tu. Une fois qu'elle se rend compte qu'elle est enfin à l'endroit et face à face avec Yuuma, ses yeux s'illuminent et elle enlace délicatement son ami, enfin dans de bonnes dispositions pour un câlin digne de ce nom. « Je suis contente que tu sois la première personne que je revois en tout cas. »

Lorsqu'elle laisse enfin son ami respirer sans être dans son espace personnel, Kaia souffle avec véhémence sur une mèche de cheveux qui lui chatouille le bout du nez, sans grand résultat, avant que sa capacité d'attention aléatoire ne la fasse se détourner de sa mission et qu'elle pose à son tour son regard sur son chien désormais assis à côté d'eux. « Hey t'as vu ! Il est pas super sociable, mais il est super gentil ! Les grattouilles derrière les oreilles c'est le meilleur moyen de devenir son ami. Ça et le beurre de cacahuète, mais ça c'est juste pour les grandes occasions. » Sur ce, elle se penche pour être yeux à yeux avec son toutou et lui adresse un léger sourire avant de s'adresser à lui avec une voix douce, comme pour une confidence. « Yuuma is a really good friend, so we have to be on our best behavior buddy. » Lorsqu'elle se redresse, Kaia adresse un petit hochement de tête affirmatif à Yuuma en désignant sa main tendue, l'invitant à pat pater le gentil toutou en toute sérénité. Les longs doigts du jeune nippon ont à peine le temps de s'enfoncer dans la fourrure dense du samoyède lorsque les grands yeux bleus de Kaia s'illuminent, comme prise d'une épiphanie. Elle se lève d'un bond plus gracieux qu'on ne l'aurait cru capable et s'éloigne d'un dérapage contrôlé de ses chaussettes sur le parquet. « Bouge pas, je reviens tout de suite. » Elle trottine jusqu'à l'entrée du salon avant de s'adresser une nouvelle fois à son chien avec un air très sérieux et en désignant Yuuma du bout du nez. « If he moves, you may lick the hell out of him. » C'est sur ça qu'elle disparait et prend la direction des chambres.

Il ne lui faut que deux ou trois minutes pour refaire apparition dans le grand salon et lorsqu'elle revient s'asseoir près de Yuuma c'est avec peu d'égard pour le concept d'espace personnel. Entendons par là qu'elle ne s'est pas installée sur ses genoux, mais elle en est pas loin. Elle lui adresse un doux sourire avant de se saisir délicatement de la main de son ami et d'accrocher un fin bracelet en argent autour de son poignet. Une simple bande en argent avec de petits motifs assez sobres gravés dedans et un petit pendentif accroché. Une pièce de monnaie. « Quand on était au Kazakhstan on a rencontré une dame qui fabriquait des bijoux kazakh traditionnels en argent. C'était super joli, elle était incroyablement intéressante ! Sa mère créait des bijoux pour les femmes de la haute sous l'air soviétique et lui a transmit son savoir. Elle nous a donné un petit cours accéléré et nous a même permis de fabriquer nos propres bijoux grâce à son aide. Du coup j'en ai fait un pour toi. Bon c'est pas du grand art, je ne suis aucunement aussi douée qu'elle, mais j'ai essayé de m'appliquer. C'est pas facile comme job sérieux, j'avais déjà un énorme respect pour son art avant, mais à la sortie de ce petit essai, je te jure que j'étais pas loin de l'admiration. Il me restait une pièce de 50 tenge, la monnaie locale, et je la trouvais jolie du coup je me suis dit que j'allais en faire un pendentif. » De ses doigts agiles, elle joue quelques secondes avec la pièce argentée qui pend désormais au poignet de son ami avec un sourire presque lointain, les yeux voilés par les nombreux souvenirs incroyables qu'elle avait accumulés au pays de ses ancêtres. Elle revient à elle d'un petit secousse de tête et adresse un énième sourire d'une grande douceur à Yuuma avant de l'entourer une fois de plus de ses bras et de se blottir contre lui avec un soupir content. « Comment tu-vas ? Quoi de neuf ? Raconte moi s'il te plait. »

Yuuma avait toujours eu ce don pour les amitiés particulières, soit à cause de leur rencontre, soit de part l’amitié en elle même. Et avec Kaia, c’était les deux à la fois. Un malheureux croche pied qui s’était transformé en relation épistolaire. Cette fille, il l’avait de suite apprécié, malgré leurs grandes difficultés au départ pour communiquer, pour se comprendre. Mais rien n’est impossible dans la vie, et avec leur persévérance, ils étaient parvenus à progresser ensemble, ce qui avait davantage consolidé leur amitié. Et ce retour inattendue de la belle avait chamboulé le cœur du nippon, qui n’avait pas hésité une seule seconde avant de se jeter dans ses bras. Les câlins, il adorait ça. Kaia en était sa partenaire préférée. Tout en lui apprenant la façon japonaise de témoigner son retour, Yuuma arrivait progressivement à accepter la réalité : oui, son amie était bel et bien là. De nouveau au dortoir requin. Finissant par lui demander pourquoi elle ne l’avait pas prévenue, il écouta son récit avec attention. Bon, d’accord, il ne pouvait pas lui en vouloir suite à ce qu’elle venait de lui raconter. Mais tout de même ! « Mmmh… Bon au moins, tu es rentrée. Et t’as pas intérêt à repartir, d’accord ?! Les lettres et les mails, c’est bien, mais on a trop de choses à rattraper ! ». Le blondinet voulait faire tant de choses avec elle dont ils n’avaient pas eut le temps : aller au cinéma, prendre un café, se balader dans un parc, visiter un musée. Des activités qui peuvent paraître banales mais que Yuuma avait toujours souhaité réaliser avec la belle occidentale. Le sujet s’orienta ensuite sur le sublime chien de Kaia. Il l’avait vu en photo, mais l’avoir face à lui était tout autre chose. Ce fut d’une main d’abord hésitante qu’il l’effleura, avant que ses doigts ne se perdent de bonheur dans la fourrure du chien tandis que son amie disparaissait une nouvelle fois. Lui obéissant sagement, il resta au sol à câliner cette peluche vivante, qui semblait ravie de son nouvel ami. Les yeux brillant d’émerveillement tels ceux d’un enfant, Yuuma se laissa envahir son espace personnel avec plaisir, et en moins de temps qu’il ne fallait pour le dire, il se retrouva avec un joli bijou au poignet. « Qu’est-ce qu-... ». Il ne put finir sa question que Kaia commença déjà son explication. Et son cœur s’engorgea d’émotions. Cette fille, elle était si attentionnée. Presque les larmes aux yeux, il la regarda, sa voix emprise de sincérité : « Merci Kaia. Merci beaucoup. Il est magnifique ! J’en prendrai grand soin ! ». Il se retrouva bien vite dans ses bras, et une fois blottit, à caresser du doigts des doigts le bijou, il lui répondit. « Je suis déjà en troisième année… Ca passe trop vite ! Je suis retourné chez moi au Japon pendant les vacances, je comptais t’envoyer des photos... bah je te les montrerai directement comme ça ! Et puis... ». Ses oreilles devinrent alors écarlates. « Je… J’ai une petite amie... ».

Un rire léger presque silencieux s'échappe des lèvres de la demoiselle lorsque Yuuma lui somme avec véhémence de ne jamais repartir. C'est pas prévu au programme, elle a son compte d'aventure pour une année ou deux et, en plus des nombreuses personnes à revoir, des études à terminer, beaucoup de sommeil à rattraper. « T'en fais pas, je ne bouge plus d'ici avant un moment normalement. Je suis pas prête d'être remise de ce voyage. Et puis ça fait du bien de revenir à un rythme de vie normal. Retrouver enfin les gens qui m'ont manqué. » Elle avoue sa dernière phrase d'une voix basse, sur le ton de la confidence, ses grands yeux bleus fermement plantés dans ceux de son ami. Elle n'est pas très loquace la Kaia et met un sacré bout de temps à témoigner verbalement son affection, peut-être même ne l'a t-elle jamais vraiment fait, alors elle ne cille pas des yeux et espère que Yuuma comprendra de lui-même qu'il fait partie de ces rares personne lui ayant manqué.

En parlant du jeune nippon, il semble perdu l'espace d'un instant alors qu'elle accroche sa petite breloque à son bras. Pas que Kaia s'en inquiète, pas que Kaia le remarque d'ailleurs. Toute observatrice soit-elle, il y a des situations où ce qui l'entoure lui échappe un peu et puis de toute façon, elle sait qu'elle doit s'expliquer et elle le fait sans trop tarder. Ce qu'elle voit quand elle relève les yeux du poignet de son ami par contre, elle le voit clair comme le jour. Une émotion sincère qui la fait légèrement rougir, mais avant tout la fait sourire de toutes ses dents. Ce sont des attentions auxquelles il faut s'habituer lorsqu'on entre dans le monde de Kaia, ça fait partie du personnage. Ce besoin de partager plus que d'offrir. Elle ne voit d'ailleurs pas vraiment le petit bijou comme un cadeau. Il n'y a pas vraiment de raison, pas vraiment d'occasion. C'est une breloque, rien de plus. Ce qu'elle offre à Yuuma, ce n'est pas un bracelet, c'est un petit bout de son voyage. Un petit bout d'un voyage qu'elle aurait aimé partager avec lui ce jour là. Elle lui adresse un nouveau sourire lorsqu'il la remercie et lui promet d'en prendre soin, mais n'a rien à répondre à ça alors elle se blotti contre lui et lui demande de lui raconter sa vie. Ou juste un truc au hasard. Peu importe au final, elle veut juste entendre sa voix. Lorsque son ami parle de photo, Kaia relève aussitôt le nez, excitée. Elle aime les photos, les souvenirs de voyage, les souvenirs tout court et elle s’apprête à s'enjailler verbalement lorsqu'elle aperçoit un changement sur le doux visage de Yuuma qui la rend plus curieuse que bavarde. Ils a les oreilles toutes rouges et il semble incertain de ce qui va lui sortir de la bouche, si elle n'était pas si proche de son visage pour que ce ne soit trop bizarre de ne pas le regarder dans les yeux, elle aurait probablement chercher des yeux le rouge sur ses joues ou la dilatation de ses pupilles, cherchant une réponse dans ses réactions avant d'en trouver une dans ses paroles. Parole qui mettent d'ailleurs un certain temps à s'enregistrer dans son cerveau. Le tilt de la compréhension est presque audible et un sourire tendre s'étend sur ses lèvres. Elle ne sait pas trop ce qu'elle est censé dire maintenant. Une petite amie ? Ça c'est quelque chose ! Yuuma semble gêner de son aveux et c'est pourquoi elle ne sait trop comment réagir. La jeune femme est d'une curiosité sans nom, inégalable, sa soif de savoir relève presque de l’insatiabilité et pourtant, lorsque ça concerne la vie privée des gens, c'est pas qu'elle s'en fout, mais elle a ce frein invisible dans le cerveau qui lui dit simplement que ce n'est pas ses affaires et elle s'en contente parfaitement. Sans délivrer son ami de son étreinte, Kaia met néanmoins un tout petit peu de distance entre eux, juste assez pour pouvoir l'observer réellement sans loucher. Elle n'a jamais été amoureuse personnellement et son inintérêt total pour la vie privée des gens fait qu'elle n'est pas habituée aux signaux que ceux-ci envoient lorsqu'ils en parlent. Alors elle observe Yuuma avec attention, tente de garder en tête ce qu'elle sait de lui, ce qu'elle se rappelle de ses tics ou ses moues du peu de temps qu'ils auront passé ensemble en face à face. Il semble gêné, mais il y a un léger sourire au coin de ses lèvres et ses yeux ne semblent pas fuyants, il semblerait donc que ce soit une bonne chose, pas un sujet sensible. Kaia préfère malgré tout s'en assurer d'une voix toute douce, un sourire de la même douceur au coin de ses lèvres. « Et c'est cool n'est ce pas ? Enfin je veux dire, c'est okay d'en parler ? Enfin, tu veux en parler ? » Elle n'est pas certaine de dire ce qu'elle veut vraiment dire, elle se sent un peu maladroite, mais face à la timidité de son ami, elle n'a pas envie de mettre les pieds dans le plat dans un sujet sur lequel il n'a pas envie de s'étendre plus que ça. La dernière chose qu'elle veut c'est le mettre mal à l'aise après tout. Néanmoins, avoir une copine c'est une bonne chose généralement et même s'il n'a pas envie d'en parlé plus que ça, Kaia ne peut s'empêcher de lui sourire de plus belle, heureuse pour lui. Heureuse qu'il ait partagé ça avec elle, même si ça s'arrête là. Elle dépose donc un léger baiser sur la joue toute chaude Yuuma, espérant qu'il comprendra les choses qu'elle ne sait pas dire tout haut.