on t'as toujours dit que tu avais énormément d'imagination. quand tu avais cinq ans, dix ans, treize ans, elle était toujours félicitée par tes professeur et tes tantes. incroyable ce petit, capable de se créer un monde en un battement de cils. aujourd'hui, à vingt-deux ans, elle est crainte et repoussée. on aimerait que tu grandisses un peu, que tes pieds touchent la terre et que tu arrêtes de fantasmer sur des illusions. on s'inquiète aussi, parce que c'est pas bon pour toi, de rêver autant, parce que ça t'éloigne des autres.
mais tu es bien loin des autres, toi. tu es fait pour être loin des autres.
quand tu parcours les couloirs de l'université, la démarche chaloupée, le regard assuré, tu te prends facilement pour le roi. les étudiants qui croisent ta route, ceux que tu n'hésites pas à bousculer sans jamais te retourner, ne sont à tes que des vulgaires sujets. tu te nourris de cette idée et c'est un sourire glacé qui fige tes lèvres pour démontrer ta satisfaction.
tu ignores sans difficulté les regards noirs qui croisent le tiens, tu entends à peine les menaces et râles de ceux qui aimeraient te casser la gueule pour leur avoir effleuré les bras mais tu ne t'arrêtes jamais, personne ne te vaut, guowei, personne ne mérite ton attention.

sauf peut-être, seulement peut-être, celui qui connait ton nom, celui que dans ton jeu d'être tout puissant, tu prendras pour admirateur même si tu sais très bien  qu'il ne s'agit que de courtoisie et bienveillance de la part d'un jeune plus normal.

tu te retournes sur celui qui t'interpelle, ton sourire s'élargissant dans un élan de pseudo amabilité, te voilà face à quelqu'un qui te connait mais que tu ne connais pas. du moins, que tu ne connais plus. il dit qu'il ne s'attendait pas à te croiser, tu hausses le sourcil mais ton sourire ne quitte pas un instant ton visage, il grandit encore. « mh, je vais bien. » tu n'as pas spécialement envie de lui retourner la question, cela ne t'intéresse pas mais parler à quelqu'un en public est une bonne occasion de montrer aux autres à quel point tu es une personne sympathique et censée. « et toi, tu vas bien... junkyu ? »