Jin Sun regardait son téléphone, en marchant quelques mètres derrière sa cible. Elle, il l’avait repérée quelques semaines auparavant, alors qu’elle tentait d’éviter un contact trop prononcé avec un homme bourré. Il ne l’avait pas aider mais il avait été intrigué et il avait décidé qu’elle serait son nouveau jouet. Il s’était renseigné sur elle : prénom, âge, famille, histoire. Il avait vite compris d’où venait sa réaction, et il avait décidé quoi faire. Il voulait la briser mentalement, juste un peu plus. Il voulait juste jouer et s’amuser.

Finalement, il reconnu le signal, et s’engouffra dans la ruelle où on l’avait tiré quelques minutes plus tard, cachant son sourire sous une façade inquiète. Il entendit un cri, un son qu’il adorait plus que tout, mais ce n’était pas le moment de s’y intéresser. Non, il sauta plus tôt entre sa cible et ses agresseurs – qui n’étaient rien d’autres que des pantins qu’il avait lui-même payé – mettant avec joie son poing dans la figure d’un des hommes en face. Quelques échanges de coups, juste le temps indiqué pour que ça fasse vrai, une injonction à se barrer, et ils détalent comme des lapins.

Le garçon se pencha aussitôt au dessus de la jeune femme, une mine inquiète sur son visage, uniquement de façade. Il savait jouer la comédie comme personne Jin Sun, manipuler pour mieux briser, c’était là où il était le plus fort.

« Vous allez bien mademoiselle ? Ils ne vous ont rien fait ? »

Enlevant sa veste en avisant les tremblements qui secouaient la jeune femme, il la posa sur ses épaules, comme pour la réchauffer. Franchement, il mériterait un oscar.

« Mademoiselle, vous avez froid ? Vous voulez que je vous emmènes jusqu’à un café pour vous réchauffer. »

Sa propre sollicitude l’écœurait, mais qu’est-ce qu’on ne faisait pas pour s’amuser.

Il est très rare de rêver de sa propre mort. En général, on rêve que l’on est menacé ou sur le point de mourir mais se voir mourir est peu fréquent. Tous les scénarios sont possibles car il existe des milliers de façons de mourir.

Rêver de sa propre mort pour Sigmund Freud est le signe d’une culpabilité profonde. Le rêveur se fait payer en mourant une faute qu’il est sûr d’avoir commise. C’est le signe d’un travail d’élaboration psychique à faire d’urgence pour que cette culpabilité puisse advenir à la conscience et aider le sujet à sortir d’une position de victime ou de coupable. Pour cela, il lui faudra accepter d’affronter son inconscient et d’en sortir plus mature. Le rêve de sa propre mort renvoie au personnage de Thésée dans la mythologie grecque qui dû affronter le Minotaure au cœur du labyrinthe. Le Minotaure, ce monstre terrible, représente la mort et les puissances refoulées de l’inconscient et de la libido. On peut même dire que Ariane et son fameux fil sont les représentations symboliques de la psychanalyse et de la cure analytique. Intéressant, n'est-ce pas ?

J'en suis, à chaque fois, paralysée. Je me vois en haut d'un immeuble, face à un homme que je ne connais pas. Il me dit que tout ira bien, qu'il me croit, qu'il souhaite m'aider et que je dois saisir sa main. Je veux hurler qu'il me ment, comme tous les autres avant lui. Mais je finis par dire toute autre chose. Merci de me croire. L'instant d'après, je me laisse tomber dans le vide. J'entends son hurlement. Il m'appelle comme si nous nous connaissions. Je me réveille, alors, totalement angoissée !

- Je dois arrêter de me faire du mal, je dois arrêter ces cauchemars... Me dis-je, à voix basse, perdue dans mes pensées.

Si seulement ce cauchemar pouvait être le seul. Mais non. J'en avais bien d'autres. J'en possédais bien d'autres. Tous plus horribles les uns que les autres. Mais je m'y suis faite désormais. Je les subis et vis avec depuis longtemps, désormais. Et qu'importe ce que je peux y voir. Car, après tout, qui me croirait si je disais que je l'ai vu dans mon rêve ... et que je suis venue ici pour changer ce que j'ai vu dans mon rêve ... parce qu'il avait l'air si triste dedans ? Personne ne croirait que j'ai changé son avenir. Et je ne peux que le comprendre. Pourtant, j'ai bien envie qu'une personne intervienne dans ma vie pour me sortir de tels mots. L'homme de mes cauchemars, par exemple. Peut-il seulement me sauver avant que je ne commette l'irréparable ?

J'ignore pourquoi mais cet homme, inconnu, issu de mes rêves, me hante. Je pense à lui, sans arrêt. Qui est-il ? Pourquoi est-ce que son visage ne me revient pas ? Est-ce parce que je ne l'ai pas encore rencontré ? Mais vais-je seulement le rencontrer ? Je possède tellement de questions. D'interrogations. Avez-vous déjà aimé quelqu'un de tout votre coeur ? Votre coeur et votre esprit sont pleins de cette personne. S'il sourit, vous souriez. Et quand il pleure, vous avez les larmes aux yeux. Le fait d'être à ses côtés rend votre vie complète et vous vous sentez en sécurité. Avez-vous déjà eu une personne comme ça ? L'homme de mes cauchemars est ce genre de personne pour moi. Alors, même, que je ne le connais toujours pas. J'espère, simplement, que cette situation changera rapidement.

J'aimerais pouvoir dire que lorsque je le rencontrerais à nouveau, ou plutôt pour de vrai, je serais la première à le reconnaître. J'aimerais pouvoir dire que lorsque je le rencontrerais à nouveau, ou plutôt pour de vrai, je serais la première à l'aimer. Mais suis-je capable d'une telle prouesse ?

Alors que je sors enfin de ma rêverie et que je lève mon bras pour appeler un taxi, des hommes se jettent sur moi. Dans l'unique but, très malsain, de me voler mon sac. Ou pire encore. Ce contact si soudain et si brutal me fit perdre pied. Terrorisée à la simple idée qu'ils puissent m'agresser physiquement, je les fuit jusqu'à me retrouver perdue au milieu d'un ruelle. Je regarde leurs ombres s'approcher, petit à petit, de moi. C'est comme si le temps s'était arrêté. Je pratique pourtant le taekwondo mais je n'ai rien pu faire. Je ne peux rien faire. Ils m'ont rattrapé. Et, mon traumatisme est revenu à la surface. Il a bloqué la totalité de mes membres. Jusqu'à ce qu'une bonne étoile illumine les ténèbres qui m'entouraient.

Je sers mes bras de mes douces, faibles et tremblantes mains. Je tente par tous les moyens d'arrêter mes tremblements et sens le contact du manteau de mon "sauveur" venir sur mes épaules. D'habitude, j'aurais évité tout contact direct avec cet inconnu mais je suis forcée de constater que, sans lui, j'aurais certainement vécu une soirée de l'horreur. Alors...

- Je vous remercie.... Soufflais-je, entre deux tremblements.