J’ai l’impression de revivre. Depuis le jour où j’ai pris la décision d’arrêter d’étudier la communication multimédia et ma chaîne YouTube pour repartir sur de bonnes bases en me consacrant à ma véritable vocation, j’ai le sentiment profond que les choses ont finalement commencé à aller dans mon sens. Pour cela, j’en serai à jamais reconnaissante envers ma famille et mes amis, qui m’ont soutenue depuis le début. C’est grâce à eux que je peux aujourd’hui faire ce que je souhaite vraiment, sans me sentir obligée d’écouter telle ou telle personne, sans avoir à dépendre de ce que les gens pensent de moi car, en vérité, c’est ce que je ressens qui est important.  Et ce que je ressens aujourd’hui, c’est une furieuse envie de changer de coupe. C’est pourquoi, après un bref appel chez mon coiffeur habituel, je me rends vers l’établissement. Par chance, ils avaient encore un créneau libre. L’avantage des désistements.

Arrivée sur place, je remets ma veste entre les mains de l’une des employées avant de m’installer devant le miroir, sur le siège qu’elle me désigne. J’enfile rapidement la veste de protection qu’elle me donne avant de tendre le bras pour saisir l’un des magazines de mode (du mois passé, quel dommage) qui se trouvent sur la tablette, juste devant moi, et commencer à le lire en croisant élégamment les jambes.

J’ai parfois du mal à réaliser que je ne suis plus coincée dans cette image. Pourtant, je n’ai pas besoin de ma chaîne YouTube pour aimer le maquillage, pour savoir comment m’habiller. C’est une question de perception. Pendant des années, j’ai été persuadée que j’avais besoin de cette validation des autres, que j’avais besoin de me sentir approuvée par ceux qui voyaient mes vidéos, mais au bout du compte, ils me contrôlaient plus qu’autre chose. Cependant, je n’ai aucun regret. Ce que j’ai fait m’a appris beaucoup de choses, sur moi-même, mais également sur les autres.

Terminant le magazine qui n’était pas très intéressant, tout compte fait, je me redresse pour regarder les autres couvertures. Rien de bien passionnant, là non plus. Alors, mon regard se porte vers ma voisine de siège. « Excusez-moi, vous lisez ces magazines ? » demandé-je poliment.

Un petit moment de détente s'imposait mais surtout, d'une refonte légère. Sa couleur grise et rose commençait doucement à faner avec le temps et ses racines commençaient à être bien apparente. Elle ne devait pas perdre de temps et aller refaire une petite beauté, ainsi, elle se sentirait beaucoup mieux. Alors elle avait pris rendez-vous chez son coiffeur préféré qui acceptait toujours de faire les folies qu'elle lui demandait, le laissant souvent expérimenter ce qu'il voulait sur ses cheveux. Et elle n'était jamais déçue. Jamais. Au contraire, ça lui plaisait toujours. Peu importe le résultat.

Dans sa petite robe rose, elle chantonnait joyeusement sur le chemin, heureuse de pouvoir passer du bon temps. Et surtout de la détente. Par moment, elle se mettait la pression avec ses cours, voulant absolument réussir. Son père n'acceptait pas du tout ses études. Mais le pire dans tout ça, c'était qu'elle ne lui avait pas dit quelle filière elle avait pris. Et le jour ou il le saurait, elle ne donnait pas cher de sa peau. Alors pour cela, elle voulait lui prouver qu'elle y arrivait. Et que ce n'était pas que du flan, un rêve de gamine. Non. C'était réel. Elle aimait la mode, elle aimait la création, c'était ce qu'elle voulait faire. Ce qu'elle avait toujours fait. Alors elle se battrait pour son rêve. Pour la première fois de sa vie, elle allait à l'encontre de son père et c'était dur. Mais c'était son avenir. Alors elle le ferait.

Elle passa la porte, criant à moitié un bonjour plein d'énergie, toute souriante. Elle se plaça à sa chaise attitré alors que son coiffeur arrivait rapidement, regardant l'état de ses cheveux en souriant. Ils parlèrent ainsi pendant de bonnes minutes, Liena ne faisant pas attention à la personne qui s'était assise à côté d'elle.
La pyo avait pris un magazine par la suite, regardant plus les tenues des célébrités et autres personnes que les articles réels et faits divers inintéressants pour elle. Elle était tellement concentrée sur une tenue en cuir parfaitement assemblée qu'elle sursauta en entendant une voix féminine. Voix féminine qui ne lui était pas inconnue. Elle attrapa les magazines en question avant de lui tendre et tourner la tête au même moment. « Non je ne les...lis pas » Elle s'était arrêtée en plein milieu de sa phrase, surprise de voir sa voisine. Qu'elle connaissait. Pas personnellement. Mais elle regardait ses vidéos. Un sourire se dessina sur ses lèvres avant de froncer les sourcils. « Pardon. » Elle s'était néanmoins rendue compte que sa réaction l'avait peut-être embêté. Elle n'en savait rien, elle ressentait juste le besoin de s'excuser. Toujours aussi rayonnante, elle la regardait la trouvant sublime. « Je refais ma couleur bicolore, elle devient fade. Le gris et le rose, ça part rapidement malheureusement... » Elle fait une petite moue triste en regardant ses cheveux même si c'était un jolie pastel qu'elle avait à l'heure actuelle. Elle tourna la tête vers sa voisine, pour savoir qu'elle allait faire. « Je m'appelle Liena ! »

Depuis que j’ai changé de domaine, j’ai parfois un peu de mal à prendre du temps pour moi. Le plus clair de mon temps libre est dévoré par l’étude, ce qui n’était vraiment pas le cas avant que je commence à étudier pour devenir infirmière. Alors aujourd’hui, j’ai décidé de me faire plaisir. Cela me fait presque bizarre, de venir dans un endroit comme celui-ci. Pourtant, je continue à prendre soin de moi, à venir chez le coiffeur : c’est juste moins fréquent, et même si cela me manque un peu, je suis bien contente d’avoir réussi à retrouver cette partie de moi qui avait failli disparaître, cette partie vraie, pas superficielle, dont j’avais tellement besoin.

Malheureusement, pas de lecture intéressante. Je me demande pourquoi elles donnent toujours des magazines dont la date est passée depuis longtemps. Un petit soupir dépité m’échappe, avant que je n’ose interpeler ma voisine pour lui demander si je peux emprunter les magazines qui se trouvent devant elle. Après tout, peut-être a-t-elle les plus récents ? Ils doivent bien répartir toute leur lecture entre les différents postes, non ? Étonnée de la réaction de la jeune femme, je fronce un peu les sourcils. « Merci ? » Je souris en saisissant les magazines, bien que je sois encore un peu perplexe. Pourquoi cette réaction ? « Oh ne t’excuse pas. » Je ris doucement et secouant la tête. Peut-être qu’elle m’a pris pour quelqu’un d’autre ? Ou alors, elle me connaît d’avant. C’est possible, mais je n’aime pas me mettre en avant et présumer que les gens savent qui je suis. Je me sens trop égocentrique quand cela arrive. « Oh ? Tu as une photo de ce à quoi elle ressemble ? » demandé-je avec un intérêt sincère. Les tons pastels sont si jolis ! Hélas, les couleurs classiques me vont mieux. « Je viens pour refaire ma couleur, moi aussi. Et mon carré ! » Je souris à nouveau avant de reprendre. « Enchantée Liena, moi c’est Aeyeon. » Son visage ne m’est pas inconnu non plus. Je suis persuadée de l’avoir vue quelque part. Hélas, ma mémoire est assez mauvaise, par moments, et j’ai du mal à remettre l’endroit où j’ai rencontré les gens. Avec un peu de chance, elle éclairera ma lanterne. « Tu fais cette couleur là depuis longtemps ? » Cela doit vraiment abîmer les cheveux, elle doit avoir beaucoup de rigueur pour les entretenir. Je suis admirative.