Kelea fixe cette tenue et soupire avant de se tourner vers Sori « Non mais ça ne va pas c’est tout. Ce n’est pas toi, t’es magnifique, c’est le model qui va pas du tout. Je vais tout recommencer ! » dit-elle toujours aussi critique avec son travail. Elle avait deux tenues à rendre pour la semaine prochaine et avait déjà changé 3 fois de robes. Elle n’était jamais satisfaite et n’avait de cesse d’améliorer ses créations. Il y avait tellement de choses qu’elle voulait pour cette robe de soirée. Le tombé ne rendait jamais comme le voulait bien que Sori soit un modèle d’exception. Elle avait un corps svelte et une poitrine modérée ce qui lui permettait de faire ce qu’elle voulait sans s’encombrer d’un soutient gorge hideux. Elle n’avait de cesse de contourner la jeune femme et grimaçait. Elle avait le visage creusé et les yeux cernés. Elle ne dormait plus vraiment. Si ce n’était pas le stress qui la rendait aussi mal c’était sa maladie qui continuait de progresser. Elle arrivait le plus souvent à la combattre mais son rythme de vie l’empêchait de recouvrir pleinement sa santé. Sa leucémie était coriace et il lui faudrait bien admettre qu'elle finirait par se tuer si elle continuait ainsi. Pourtant il fallait qu’elle bouge car depuis la mort de son mari, et sa relation compliquée avec son nouveau petit ami et idole de ces jeunes, la jeune femme avait sombré dans une dépression délicate et inévitable. Seul les études l’avaient empêché de se laisser aller à la mort. Elle n’avait pas pris le temps de mettre une perruque et n’avait fait qu’enrouler un foulard joliment autour de sa tête, lui donnant un air plus maladif encore. Elle se laisse tomber sur une chaise pour reprendre son souffle « Je sais pas comment faire … » dit-elle perdue et épuisée.

Aider Kelea avec ses créations étaient quelque chose d'intéressant. Elle voyait la création prendre vie au fur et à mesure. Mais aussi, tous les états d'émotions possibles de son amie. Et c'était pour dire qu'aujourd'hui, ça n'allait pas. « Oh si ça peut-être moi...Arrête Kelea, après je vais croire que tu me fais du rentre dedans ! » La tatoueuse décida de plaisanter légèrement pour détendre la jeune femme.
Elle la regardait faire des tours, encore et encore autour d'elle, sans jamais être satisfaite. Elle pouvait comprendre, c'était pareil quand elle dessinait ses pièces. Il fallait que ça soit parfait. À la différence que la sienne resterait à vie sur une personne. Néanmoins, elle était peinée de la voir ainsi. Sori soupira et s'accroupit devant elle, attrapant ses mains doucement. « Eh beauté, calme toi. On va trouver comment tu peux améliorer ça. » Elle pressa doucement ses mains entre les siennes. « Tu as des doigts de fée Kelea, ne l'oublie pas. Pas autant que les miens.» la taquina-t-elle doucement. Elle se releva et servit un verre d'eau fraîche à la jeune femme. « Bien dis moi, qu'est-ce qui ne va pas ? » Elle lui tendit son verre, attendant la réponse de la jeune femme.

Sori était d’une douceur et d’une patience à toute épreuve. Bon nombres de personnes l’aurait déjà envoyé chier tant elle était aigrie et en colère constamment. Kelea avait baissé le visage, non pas pour abandonner mais parce qu’elle était épuisée. Il fallait qu’elle s’accorde une pause. Elle était fatiguée, son corps la supportait à peine et la caféine qu’elle s’ingurgitait constamment la faisait vomir. Elle ne mangeait presque plus tant son appétit l’avait quitté. Il était urgent que ses examens passent et qu’elle puisse hiberner des jours entiers. La pression de Sori sur ses mains la rassura ; elle se saisit du verre d’eau qu’elle boit en grimaçant. Cela lui collait des nausées et même l’eau elle n’arrivait plus à la boire. Il lui fallait mettre un peu de sirop grenadine dedans pour qu’elle puisse réellement l’avaler. Pour cette fois elle ferait l’effort. Elle dépose le verre à ses pieds sans un mot, gardant les yeux fermés. Elle ne réalise pas que les larmes lui montent aux yeux et que la pression qu’elle se met et qu’elle ressent depuis des jours l’écrase complètement. Alors dans un gémissement qu’elle ne contrôle pas la jeune femme souffle à son ami « Caden me manque … » voilà ce qu’était le problème. Son petit ami lui manquait plus que de raisons. Elle était en manque de lui, si férocement que s’en était douloureux … pourtant elle s’abstenait de lui dire, de lui montrer parce qu’elle savait qu’il allait culpabiliser. S’en vouloir de ne pas pouvoir être présent. Elle relève le visage les larmes perlant au coin de ses yeux et frissonne. « Son absence me tue … » avoue-t-elle tristement. Elle secoue la tête, elle savait que ce n’était pas la question de Sori, mais c’était la réponse qui lui venait … « Et la robe … elle ne tombe pas sur tes hanches comme elle le devrait … j’ai fait les points à l’envers … je vais devoir tout défaire pour recommencer … » elle déglutit et essuie ses joues lamentablement.