Ça faisait longtemps que elle et toi vous n’étiez pas sorti. Après tout, elle avait son copain ,et toi ta copine. Et il fallait avouer que tu passais 90% de ton temps à l’hôpital ce qui t’empêchait un peu d’avoir une vie sociale. Cette semaine tu étais donc affecté aux services des grands brûlés. Autant dire que ce n’était pas du tout ta tasse de thé. Premier jour et voilà que tu avais déjà demandé un jour de congé. Tu étais mieux au service orthopédie mais bon, la dure vie d’interne, c’était de ne pas avoir de vie, d’être payé comme un rien et de ne surtout pas avoir son mot à dire, sauf en face des patients qui prenaient un malin plaisir à vous appeler docteur. Est-ce que vous étiez docteur ? Oui. Oui tu es docteur Loïs. Peu importe ce que le diplôme dit, tu es docteur. A partir du moment où on te laisse faire des ordonnances, opérer et diagnostiquer, et administrer c’est que tu es docteur, peu importe l’étiquette officielle sur les papiers qui te qualifient simplement d’interne en médecine. Tu es bien plus que ça, pas vrai ? T’espères que Aecha elle le pense aussi. T’espères au fond de toi qu’elle est fière. Et pas qu’elle. Tes parents, et Naeun. Naeun avec qui tu as rendez-vous aujourd’hui pour passer la journée et manger dans un bon restaurant. Des grillades comme elle dit. Là voilà qui arrive. Tu lui souris « Hey ! ça va ? t'as fait bonne route ? » demandes-tu en tendant la main « tu veux que je porte ton sac ? » okay. Peut-être que ça se faisait pas. Mais c’était une fille, et parfois je portais le sac de Aecha. Alors peut-être que je pourrais bien lui porter le sien ? ça va que c’était pas un sac barbie.

Je ne sais pas trop pourquoi Loïs m’a invitée aujourd’hui, mais je dois avouer que ça me fait plaisir. Depuis qu’il a quitté l’université, on a rarement eu l’occasion de se parler, et retrouver un peu les gens avec qui j’avais l’habitude de traîner à la fraternité me fait du bien. Après tout, ça fait un gros vide dans Aecha, Nora, Jaein et Loïs. Je dois avouer que je n’ai pas fait beaucoup d’efforts pour les voir non plus, à part Jaein. En même temps, c’est logique. Si je ne le voyais pas lui, il y aurait comme un problème, même s’il est très occupé avec son école d’aviation. J’arrive à l’heure, parce que ça vaut toujours mieux. Je n’ai pas envie que monsieur Loïs rentre chez lui en pensant que je l’ai abandonné. Et quand je le vois enfin, j’affiche un large sourire. « Hey, salut ! Ça va et toi ? » Je ris doucement. « Ne m’en parle pas, un gamin a fait un malaise dans la rame de métro juste avant la mienne, j’ai cru que je n’arriverais jamais à l’heure. » Heureusement, j’étais partie à l’avance parce que je savais que ce genre de conneries risquait d’arriver. C’est marrant, parce qu’autant avec Jaein je m’en fous un peu, de ce genre de détails, autant je n’aime pas trop passer pour la grosse retardataire quand on a le bon cœur de m’emmener quelque part. Tout bien réfléchi, j’aime arriver à l’heure avec Jaein aussi. « Non c’est gentil, ça me muscle les biceps. » Ou pas ? Il est minuscule, mon sac. Je transporte quoi, un rouge à lèvre et mes papiers ? En tout cas, je peux le porter toute seule, comme une grande. Je suis une femme, une vraie, qu’est-ce que vous croyez ? « Allons donc nous remplir la panse ! » Oui bon, ce ton surfait n’était pas nécessaire, mais j’ai faim. Vraiment faim. J’ai même la dalle.