J’ai toujours adoré travailler au café. C’est très différent de tout ce que j’ai pu faire avant, les vidéos, les tutoriels maquillages. C’est un autre contact, en fait. En travaillant dans un café, on est directement au contact du monde, on voit les gens, on interagit avec eux. Cela n’a rien à voir avec les quelques discussions qu’on peut avoir avec des gens derrière un écran, quand ils laissent des commentaires et qu’on leur répond. Les gens, au café, on les voit, on peut les toucher, si on tend le bras, et on les entend de vive voix. Alors non, je ne suis pas mécontente d’avoir abandonné les vidéos pour me consacrer à ce petit boulot qui me correspond beaucoup mieux.

Je suis occupée à préparer un déca quand quelque chose attire mon attention, à quelques tables de moi. Ce jeune homme… Il a l’air bizarre, non ? Il n’a pas l’air dans son assiette ? Je souris à la cliente en lui remettant sa tasse fumante, ainsi que la part de gâteau qu’elle a demandé, et je signale à ma collègue que je vais devoir abandonner le comptoir quelques secondes. Normalement, on n’a pas trop le droit de faire ça, mais c’est plus fort que moi. « Bonjour… Désolée de vous déranger mais… Est-ce que tout va bien ? » Ma voix se fait plus discrète malgré moi. Je n’ai pas envie d’attirer les regards de tous les voisins sur lui. En tout cas, je m’inquiète vraiment, sincèrement. J’aimerais être plus avancée dans mes études, et de ce fait plus en mesure d’aider, mais je ne suis hélas qu’une étudiante…

Ne voulant pas rester clôturé dans ma chambre … et aussi histoire d’un peu me changer de la bibliothèque, j’avais décidé d’aller étudié en ville. Evidement il faisait trop chaud pour le faire à l’extérieur, je m’étais donc installé dans un café avec mon bouquin et mon cahier de note. J’avais pu étudier une heure entière en paix … jusqu’à ce que les ombres du passé revienne. Ses souvenirs et flash flou qui me mettaient si mal. Et puis j’étais dans un lieu public, rempli de monde … ça avait le don d’empirer mon état à cause du stress que ça me rajoutais. J’avais lâché mon stylo, n’entendant plus qu’un brouhaha autour de moi, et le bruit que l’objet fit en touchant le sol. J’avais mis ma tête entre mes mains et je tentais de respirer, de me calmer, des rester discret sur mon état, mais c’était compliqué.
J’aurais peut-être dû rester dans ma chambre au final. Je fût légèrement tiré de ma torpeur par une voix féminin, et intrigué j’avais relever les yeux, sans lâcher ma tête. J’avais observé la jeune fille sans un mots, incapable de vraiment répondre. Je devais sûrement grimacer un peu, je détestais tellement me sentir comme ça. Puis j’avais senti des larmes perler sur mes joues, larmes que je m’étais empressé d’essuyer d’un revers de manche, en baissant les yeux. Je savais pas quoi lui répondre … je ne comprenais pas pourquoi elle était là devant moi, pas capable de comprendre ce qu’elle voulait.

Je n’oserais pas me désigner comme ne bonne future infirmière. Pour bien des choses, je suis encore plus maladroite qu’un faon qui tente vainement de se dresser sur ses pattes, et j’ai bien souvent des difficultés à m’adapter à ce qu’on me demande, mais il est une chose que je possède et que certains n’ont pas : la détermination. Je suis entrée dans cette école avec la volonté de devenir une bonne infirmière, avec une vocation, et je ne suis pas prête à repartir avant d’avoir obtenu mon diplôme. C’est donc tout naturellement que le comportement assez étrange de ce garçon m’a interpelée. Quand je m’approche et remarque qu’il ne me répond pas, mon cœur accélère soudainement. Que faire ? Garder mon calme à tout prix, sinon je serai incapable de faire quoi que ce soit. Il réagit, mais je ne sais pas si j’ai bien fait de venir le voir. Peut-être ai-je eu tort ? Je lui adresse un sourire, incapable de trouver quoi ajouter, avant de baisser les yeux et de m’accroupir pour ramasser le stylo qui se trouve au sol. Je me redresse pour lui rendre avec ce même sourire, sans savoir exactement ce qui est en train d’arriver. « Vous avez fait tomber ceci. » Je ne sais pas si ce garçon a effectivement un problème ou si je suis occupée à me faire des films, mais il n’a pas l’air très serein. J’espère qu’il n’est pas désespéré, auquel cas il serait bien difficile pour moi de l’aider. « Vous avez besoin de quelque chose ? » J’ai peut-être tendance à avoir envie de sauver tout le monde, mais n’est-ce pas pour cette raison que j’étudie pour devenir infirmière ? Je ne pourrais pas imaginer ma vie autrement, pas après avoir tenté toutes ces choses inutiles, futiles. Pas après avoir perdu une partie de ma vie à errer dans le noir.