Je me suis réveillé avec un sursaut, j'ai entendu le son de l'alarme que j'ai déclenchée. Il était midi le 19 mars, mon anniversaire. C'était ma dix-septième année aujourd'hui. J'ai allumé la lumière près du lit, éclairant ma petite chambre. Je me remémore les années de ma vie, tant de souvenirs gris et tranchants. J'ai vu les centaines d'endroits que j'ai visités, des centaines de personnes rencontrées, les centaines de secondes que j’ai vécues mais aucune n'a été rempli d'amour. Je n'ai jamais voulu ces souvenirs, je n'ai jamais voulu cela, mais je ne peux jamais tomber sous le charme de la vie. Je n'avais pas besoin de voir d'où je venais, seulement de voir où j'allais. Mais je n'allais nulle part... Pourtant, je devais continuer à avancer. Au cours des dernières années, j'ai été battu, jeté dans le feu, mais je me tenais debout, même si cela me valait des cicatrices qui resteraient à jamais gravées dans la mémoire de mon passé. Le tourment et la douleur me traversaient les veines, les servants à toutes les cellules et à tous les organes en moi, me rendant immunitaire, non, me rendant habitué. J'ai mémorisé comment ces cicatrices allaient me poignarder, la précision de leurs mouvements, le moment de leur attaque, je savais déjà tout ça. J'ai mémorisé leur sonorité, le ton de leurs voix lorsqu'elles murmuraient la souffrance à mes oreilles. J'ai mémorisé leur apparence et ils m’ont conduit à la seule image de la réalité déjà existante : ma mère.

J'ai pris les bougies sur la table de chevet, en allumant un feu avec le briquet que j'ai volé parmi les 14 que maman a. Trois bougies pour trois voeux. Je n'avais besoin que d'un seul.  Je tenais les bougies à une distance raisonnable de mon visage et fermais les yeux. Mes mots allaient finir par disparaître dans le néant, mes efforts en vain, mais j’ai fait et j’ai gaspillé mon souhait de toute façon "Je souhaite que ma mère m’aime encore."  Pourtant, je savais que c'était un souhait qui ne pourrait jamais être exaucé.

Ne puis-je pas être aimée ?  

Mes yeux n'étaient-ils pas reflet d'amour?  Mes mains n'étaient-elles pas suffisantes pour bercer l'amour ?  Mes lèvres n'étaient-elles pas suffisantes pour goûter à l'amour?  Mes oreilles n'étaient-elles pas suffisantes pour entendre les murmures de l'amour?  

Peut-être pas, peut-être jamais.

Sept heures plus tard, je me suis retrouvé vêtu de mon uniforme d'école. J'ai pris mon sac et je suis descendue pour être accueillie à la vue de ma mère portant un gâteau. Un gâteau d'anniversaire. Je restai immobile sur la dernière marche, confuse. Maman s'est tournée et m'a souri, un sourire que je n'ai jamais reçu depuis des années. Et c’était aussi beau que dans mes souvenirs, c’était aussi aimant que quand papa était là "Joyeux anniversaire, Ana” une nostalgie me frappa. Mes anniversaires passés, quand papa était en vie, apparurent soudainement devant moi. comme ils me manquent " Maman ... “  Les mots ne pourraient pas montrer ce que je ressentais. Cette joie, mais je baisse les yeux et ne dis rien. Peut-être que mon souhait s’est exaucé?  Mais qu'est-ce qui a poussé maman à faire ça maintenant? Je fête mon anniversaire seul depuis la mort de papa. Mais même s’il s’agissait d’un mensonge, d’un rêve, d’une illusion, j’ai voulu y nager. Même si cela ne serait qu'une fois, j'avais besoin de sentir l'amour dont j'avais envie "J'ai fais ce gâteau moi-même, Princesse”. Maman posa le gâteau sur la table près de l'escalier et me tira par la main. Oh, ça fait longtemps, longtemps depuis la dernière fois que j'ai senti le contact de maman sans avoir à ressentir de la douleur. Sans le fouet de la ceinture. Sans le bruit d'une gifle. Cette chaleur dont je suis privé depuis longtemps m’a finalement été offerte, je ne savais pas que cette femme douce et confortable était encore en vie. Il m'a fallu quelques minutes pour traiter cela. Je la regardai avec surprise. Je voulais que cette femme reste en vie pour toujours, pas la femme alcoolique et folle qui possédait le corps de maman.  "Fais un voeu, mon ange."  Maman tenait le gâteau à la hauteur de mon visage. Mon souhait était déjà exaucé. J'ai souri et j'ai soufflé les bougies. Maman me donna une part et me regarda, attendant que je prenne une bouchée.  Elle m’a toujours regardé avec dégoût. J'aime la façon dont elle me regarde maintenant, sans haine. Maman a sorti de l'argent de sa poche et me l'a tendue." Vas-y et profite bien de ta journée." Mais elle ne savait pas que l'argent ne pourrait jamais être échangé contre de l'amour. Tout l’amour dont elle m’a privé ces dernières années. Je lui ai fait un dernier sourire et  quitté la maison.



Quand je suis arrivé à la maison, la maison était exceptionnellement sombre. Maman laissée généralement toutes les lumières allumées. Mais la cuisine contrastait avec le salon sombre.  Je laisse mes yeux prendre le temps de s'habituer aux formes avant de rentrer à l'intérieur.  Je m'attendais à ce que la voix hurlante de maman se répande dans les couloirs, mais elle était brusquement silencieuse. "Maman ?" Le silence était trop pour moi "dans la cuisine!" Sa voix se propagea jusqu'à la porte d'entrée. Je marchai timidement vers la salle à manger et vis la vaisselle dans l'évier. Son dos était face à moi, ses cheveux attachés dans un chignon soigné. Il y avait un bouquet de fleurs sur la table, soigneusement assemblés par un ruban. Mais ce qui m'attirait était la robe noire qu'elle portait. C'était la robe qu'elle portait pour les funérailles de papa. J'étais trop abasourdi pour faire autre chose que de regarder. “Je ne m'attendais pas à ce que tu rentres plus tôt à la maison, Princesse" la voix de Maman semblait un peu plus grave que celle que j'avais entendue le matin. Elle me regarda par-dessus ses épaules. Je n'ai pas reconnu le visage qui se présentait à moi. Son visage était maquillé, ce qui lui donnait dix ou vingt ans de plus. Le sourire que portait maman ne correspondait pas à son visage. Ses yeux étaient vides et sans vie. Son expression était sombre et dangereuse. Une noirceur encore plus présente que ces dernières années, elle se retourna pour me faire face.  

Elle tenait un couteau.

"Je ne t'ai pas donné ton cadeau, Anastasia."  Maman a sorti de sa gorge, j'étais figée, incapable de réagir. Cela ne me disait rien qui aille. Rien de cela ne semble juste. Il y avait tellement de questions dans mon esprit, mais on ne m'a pas donné de réponse quand maman a soudain fait un pas en avant. “Tu te souviendras sûrement de mon cadeau, Ana.”  Maman a desserré son tablier et l'a jeté sur le côté. Elle a fait le tour de la table, debout près d'où j’étais mais c’est arrêté à quelques mètres. J'ai cligné des yeux lentement, l'ombre de la peur s'est installée autour de moi. Elle garda les yeux rivés sur le couteau, la lumière au plafond le reflétant légèrement "J'étais sur le point de te le donner quand tu allais quitter l'école, mais je pensais que je n'étais pas assez préparé. Je n'étais pas assez habillé pour l'occasion."  J'ai essayé de déglutir mais je n'ai pas pu. Ma tête a commencé à tourner.  Donc, ce qui s'est passé le matin était un acte...  C'était trop beau pour être vrai.  Maman leva soudain le couteau au-dessus de sa tête, le ramenant vers moi. J'ai amené ma paume à la rencontre du tranchant du couteau, sentant ma peau se confondre avec l'acier. Le couteau a percé ma paume, forçant son chemin à s'enfoncer dans ma peau, la moitié du couteau était enfouie dans ma main, mais curieux comme mon cœur était celui qui saignait le plus. Quand elle a ressorti le reste de l'acier hors de ma chair, nous nous sommes regardés pendant un moment, son regard étais vide, une glasse ne projettant aucune émotion. Chaque nerf de mon corps s'est immobilisé. Mais le visage de maman était calme. Elle soupira dans une rafale de colère et fit un pas en arrière. La prochaine chose qu'elle fit changea à jamais ma vie, et je ne pouvais pas l'arrêter assez vite.

Elle s'est poignardée devant moi.

La lumière de la pleine lune illumine mon visage pendant que la pluie rafraichissait ma peau blanche comme la neige du sol qui se colore d’un rouge vif, le sang de ma main. Me voilà encore plus seule qu’avant dans le froid de l'hiver.  
« De quelles couleurs est la liberté ? »
« Rouge sang. »
Je ferme les yeux et pense marchant dans la nuit sombre… Il faut que je parte d’ici… Il faut que je parte maintenant.
Pour une fois j’ai fui, j’ai fui là où personne ne saurait mon passé, le pays de mon père, le pays qui me redonnera sourire grâce aux souvenirs de mon père laissé là-bas.