Il y a des moments où il faut se taire et des moments où il faut parler. Chaque chose vient en son temps mais j’ai fait en sorte d’avoir toujours mon moment de parole. Shake it radio est mon lieu de parole, le seul que je m’offre tous les jours pour dire ce que j’ai envie de dire sans qu’on m’en empêche, parce que je déteste que l’on me coupe lorsque c’est à mon tour de parler. Tout le monde devrait avoir droit à la parole mais trop nombreux sont ceux qui se taisent par choix, ou non, alors que nous avons tous quelque chose à raconter. La plus simple des histoires est intéressante, tout peut nous apporter une leçon de vie qui nous aidera à évoluer mais pour cela, il faut savoir écouter…

J’ai longtemps écouté, j’ai longtemps pris la place de ceux qui ne veulent jamais parler, de ceux qui se cachent dans l’ombre et qui apprennent des autres sans laisser les autres apprendre de moi. Mais j’ai évolué, je ne suis plus cette petite fille que j’étais auparavant et maintenant j’ai envie qu’on m’écoute moi, même si mon histoire ne vous intéresse pas, même si mon histoire n’est pas une incroyable aventure…

Je suis née dans un pays pas si loin de la Corée, au Vietnam. Je ne me souviens pas de mes parents, ils ne m’ont jamais désirée mais n’ont pas eu le cran d’avorter alors ils ont choisi de m’abandonner. J’ai toujours imaginé qu’ils m’ont laissé sur le perron à la Harry Potter sauf qu’à la place d’atterrir chez les Dursley, je me suis retrouvée dans un orphelinat. J’aurais voulu rester pour toujours dans cet orphelinat parce que j’y ai des souvenirs fabuleux. Je me suis inventée tant d’histoires dans le vieux bâtiment où nous dormions et au plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été plus proche des adultes qui nous gardaient plutôt que des enfants. Elles nous berçaient en nous racontant des histoires, leurs histoires parfois et ce sont des moments qui sont toujours ancrés en moi.

Mais je n’ai pas passé toute ma vie dans un orphelinat rempli d’histoires et d’aventures. Il a fallu qu’on m’adopte, un couple de coréens qui rêvaient d’une fille vietnamienne. Parmi toutes les filles, j’ai été choisie. J’ai été emmenée dans un autre pays, avec une autre langue, une autre culture. J’avais déjà 12 ans. J’ai eu énormément de mal à m’intégrer, je ne parlais pas coréen et il était facile de se moquer de moi sans que je ne comprenne rien. Alors je me suis encore effacée pour écouter, pour comprendre même si c’était douloureux de savoir ce qu’on disait sur mon dos.

J’ai passé ma vie à écouter, à ne parler qu’en dernier recours, m’exprimer le moins possible pour ne pas avoir à raconter. Mes histoires passaient à travers mes dessins, je devenais quelqu’un d’autre juste en dessinant alors je me suis enfermée dans ce monde-là pendant des années. Le mode off, c’était moi, entièrement moi. Ça a changé, après l’orphelinat, après mon adoption, après toute mon adolescence passée dans l’ombre, je suis partiellement entrée dans la lumière. Je ne suis pas vraiment l’héroïne de mes dessins mais je suis une switch girl et fière de l’être.