Tenue - « Il Kyang, t’es dispo ce soir ? On va au club. » J’hésite, je ne suis pas certain d’avoir le temps vu la pile de papiers sous mes yeux, mais sortir me ferait du bien. Je fais la moue, recule ma chaise et inspire longuement « Y’aura qui ? ». Je fais reculer l’inévitable, comme si j’étais capable de refuser ce soir. En réalité, je suis crevé, j’ai bossé tout l’après-midi sur des exposés que je juge stupides et inutiles et j’ai enchainé avec mon petit boulot pour finalement me remettre sur mes devoirs. J’ai l’air de quoi ? De l’extérieur, si je me voyais… je rirais. Parce-que je suis exactement tout ce que j’ai toujours détesté. D’ordinaire, je suis un type drôle, qui aime sortir, se sentir vivre. Mais au lieu de ça, je suis le gars coincé dans sa chambre qui n’a aucun plan de prévu. Alors c’est certain, je n’ai pas besoin qu’il me convainc car je suis déjà en train de farfouiller mes affaires. J’ai jeté mon téléphone sur mon lit, il m’annonce tout de même la liste mais j’ai déjà ma tenue dans les mains. Un bref « Ok j’arrive » et je fonce me préparer en oubliant ces papiers à la con. Ce soir je compte profiter, même si je n’ai pas touché à ma guitare de la journée. Un comble pour moi et pourtant, ça arrive de plus en plus. J’hausse les épaules, je remettrais ça à demain et file rejoindre mes amis pour la nuit. Je ne suis pas un bon danseur, en réalité j’aime surtout boire, rire et rencontrer des gens. Je n’y vais pas non plus pour la musique, parce-que avouons-le c’est loin de mes goûts. Ok, même si je possède un disque d’Ariana Grande, ça ne veut pas dire que j’aime les daubes des boîtes de nuit. Cette pensée me fait sourire et c’est de bonne humeur que je finis par arriver là-bas. Comme toujours mes amis sont posés autour d’une table, les consommations posées et déjà quelques verres vides. Je les salue rapidement puis échange quelques banalités. Certains me charrient, en me reprochant de devenir coincé, d’autres rient en m’imaginant bosser comme un dingue. Je ne leur en veux pas, je pense même qu’ils ont raison, mais je ne peux rien y faire. Alors, je ris aussi, attrape un verre et le bois cul sec. J’en enchaine quelques-uns, assez pour me désinhiber mais pas trop pour garder le contrôle. Je décide d’aller en commander d’autres, au bar j’interpelle un serveur et prends de quoi rassasier toute la table. « Et un autre pour moi ». Celui-ci, je le consommerai tranquille. La musique est beaucoup trop forte et il y a énormément de monde. J’aime pourtant ce genre d’atmosphère, prendre un bain de foule et oublier tout. Je détourne les yeux, une jeune femme me sourit non loin de là et je me rends compte que la taille de sa robe est presque illégal. Malgré moi je lui adresse un regard lubrique, n’importe quel mec aurait les yeux qui se baladent. Finalement mon verre en main, je décide d’aller la rejoindre. Trop focalisé sur elle, je me retourne brusquement et rentre dans quelqu’un. Evidemment, mon verre se renverse et je me retrouve trempé. Putain !  Les yeux rivés sur mon tee-shirt tâché, je relève la tête pour m’agacer quand mon regard croise celui d’une personne que je connais « trop bien »… Mon cœur rate un battement, j’en oublie presque ce que je voulais dire, tant je suis surprit de la voir là… « Yewon ? » je crois que c’est le premier mot que je lui adresse depuis des mois. A part des « salut » brefs elle et moi nous n’échangeons plus rien… Je suis étonné de la voir, mais encore plus de la lueur dans ses yeux. Elle semble… bizarre non ?

you're hurting me ; chp. 1

ilkyang & yewon

ootd// Les journées passent, inévitablement. Et toujours la même rengaine. Un vide absolu à la place du coeur. Tu n'as plus le goût à grand chose ces derniers temps, ça se sent. Ça se voit dans la façon que tu as de te comporter. Un mois de mise à l'epreuve, un mois à errer dans les rues de la capitale, sans savoir quoi faire. Tourner en rond, inlassablement. Trouver quoi faire, comment remplir ses journées. Continuer encore et encore de sortir, oublier. Boire pour s'enivrer, laisser ses pensées s'échapper. Eternellement. T'es bonne qu'à ça Yewon, pas vrai ? Pilule magiques pour te dépenser un peu plus. Alcool qui coule dans tes veines pour retrouver ce sourire perdu il y a trop longtemps déjà. Mais tout ça est bien trop inutile, et pourtant, tu ne saurais quitter ce cercle infernal dans lequel tu t'es enfermée.
De la poudre qui teinte tes joues, tes yeux que tu maquilles de noir. Une tenue que tu enfiles. C'est comme un rituel. Chaque soir un nouveau départ. D'autres heures de perdues à l'orée de la nuit. Des âmes égarées en cours de route. Qui se ressemblent bien plus qu'elles ne souhaiteraient l'admettre. Une bande de copines pour partir à la conquête de la nuit, et tout ce qu'elle a à offrir. Toujours le même rendez-vous. Chaque soir le même bar pour débuter la soirée. Chaque soir une boîte de nuit différente pour s'amuser. C'est devenu bien trop banal dans une vie qui pourrait pourtant être si remplie. Un faux sourire pour parfaire ce visage enfantin, et te voilà partie pour une nouvelle nuit à t'enivrer, qu'importe les conséquences.
Ca aurait pu ressembler à n'importe quelle autre soirée que t'as vécu, pourtant, il faut bien parfois que le destin s'en mêle, tu l'as bien compris. T'aurais pu faire mine de t'amuser autant que d'habitude, mais ce soir, il y a un nouvel élément à prendre en compte. Tu le comprends alors que tu retournes au bar. La soirée bat son plein, certaines de tes accolytes sont déjà aux bras d'hommes excentriques. Toi, tu t'amuses à les observer, te demande bien si ce soir, l'un d'entre eux voudra encore te draguer, sans succès. Un fin sourire reste figé sur tes lèvres alors que tu t'adosses au bar, regarde la foule s'amuser. T'aimerais parfois être réellement capable de te laisser aller. Bien trop difficile ces derniers jours avec tout ce qui se passe dans ta vie. On le remarque dans ton regard. T'attrapes ton verre, en bois une gorgée. L'alcool coule dans ton sang, encore un peu plus. T'es loin d'avoir les idées claires, tu le sens. Mais surtout, tu sens ton coeur battre un peu plus vite lorsque tu entends ton nom, mais surtout cette voix, que tu reconnaitrais entre mille. Tes yeux s'écarquillent en te retournant vers lui. Il Kyang. Certainement le seul que t'as autant aimé, que t'as jamais réussi à oublier. Et comme à chaque fois que tu le vois, t'as mal. La poitrine qui se serre et les souvenirs qui remontent à la surface. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Il n'y a pas de colère, pas de menace dans ta voix. Juste la surprise de le croiser là. La douleur d'une rupture compliquée à encaisser, et les souvenirs qui se noient dans un tourbillon de sentiments.

© LOYALS.

Je ne suis pas en colère, je ne l’ai jamais été contre elle. Notre relation… était simple pour moi, compliqué pour elle. Parce-que je lui ai tout fait vivre, les moments joyeux comme les plus douloureux. Je me souviens d’une fois où Kitae m’a lancé ces mots « Elle t’aime vraiment putain… » Mais moi… moi j’ai rien comprit. Bien trop enivré par mes foutus substances, ma jolie drogue qui me berçait et dictait ma vie. Aujourd’hui, nous ne sommes plus rien. De simple étranger qui se croisent et souvent s’évitent. Parce que oui je la fuis, j’ai bien trop peur de lui parler. Pour lui dire quoi ? « Hey comment tu vas ? Tu sais je suis clean depuis trois ans c’est cool ? »... Quelle horreur ! Elle ne mérite pas ces mots, ces banalités qui ne riment à rien. Elle mérite des excuses, quelque chose qui vient du cœur et que je penserais… Je n’ai jamais su lui dire, je l’ai écrit sur papier. Lâche comme je suis, je n’ai pas eu la force de les prononcer à voix haute. Cela m’aiderait, m’avait dit le psy à l’époque… mais elle ? Est-ce que quelqu’un l’a aidé ? Je n’ai jamais eu la prétention de dire que j’avais comptée dans sa vie, mais j’espérais un peu qu’elle pourrait garder un bon souvenir de notre relation… Mais putain,  à quoi je pense ! Comme si elle pouvait être heureuse de ce qu’on a vécu. Je me sens con tout à coup, encore plus lorsqu’elle me demande ce que je fais là. J’hésite, mes yeux quittent les siens pour se perdre sur sa silhouette… Je la trouve belle, comme toutes les fois où on se retrouvait. Des courbes bien faites, une allure élancée et un visage parfait. Elle n’a pas changé, hormis peut-être cette lueur dans son regard. Elle est… saoule ? Je n’en sais rien, mais je la trouve étrange. « Je… » Je quoi ? Je ne sais pas, je n’ai pas la moindre idée de ce que je pourrais lui dire. Alors pour me redonner une constance je bois le reste de mon verre « Je suis venu avec des potes. » Est-ce qu’elle le sait, que j’ai été exclu ? J’ai brusquement peur d’un coup… peur qu’elle se dise que je n’ai pas changé, que je suis toujours le toxico qu’elle a connu. Mais si elle savait… je donnerais tout ce que j’ai pour effacer cette période de ma vie. Je n’en avais pas besoin de cette merde, j’avais la musique ! C’est tout ce qu’il me fallait. « Et toi ? » Sans trop savoir pourquoi, je me mets à observer les alentours, comme si je cherchais une réponse à ma propre question. Peut-être est-elle venue avec quelqu’un ? Je me passe une main dans les cheveux, je me sens gêné, cette scène est ridicule. J’aimerais lui dire autre chose, mais tout ce qu’il me vient en tête n’a aucune valeur. Je détourne à nouveau les yeux vers elle « ça va ? ». Les sourcils froncés, je n’arrive pas à décrocher mon regard du sien. Plus je la regarde et plus j’en conclus qu’elle a bu… et pas qu’un peu. Oh, je bois beaucoup aussi, mais c’est si… différent. Je ne sais pas pourquoi je balance brusquement « T’as bu ? ». Ma voix est presque agacée, comme si j’avais le droit de venir la juger et lui poser cette question. Je ne sais pas ce qui me prend, je me sens contrarié, par cette situation mais aussi frustré. Putain, j’aimerais pouvoir lui parler en fait ! Qu’on puisse avoir cette discussion qu’on n’a jamais eue. Ça fait des années qu’on s’évite. Cette occasion ne s’est jamais présenté, alors pourquoi pas ce soir ? C’est ce que je me dis, mais je sais que ce n’est surement ni l’endroit ni le moment. 

T'as le cœur qui se serre, la tête qui tourne. Mais tu sais que c'est pas l'alcool qui provoque ça. Que c'est pas le nombre de cocktails que t'as engloutit qui te fait te senti mal. T'étais pas prête à le voir. Pas ce soir. Pas pendant une de ces soirées où tu bois pour oublier. La misère de ta vie, ton exclusion, ton frère disparu. Tes parents encore plus obnubilés par tes imperfections. Et le voir, devant toi, ça te rappelle beaucoup de choses. Des bonnes et des mauvaises. Ça te rappelle à quel point tu l'as aimé, à quel point t'as essayé de l'aider, tout en gardant au fond de toi ce sentiment que t'as échoué. Qu'à te voir comme ça, t'es pas mieux, t'es tombée trop bas. Que t'as personne pour te relever. T'aurais envie de pleurer mais tes larmes restent bloquées. Alors tu l'observes, tu ne sais faire que ça. Laisser ton regard se perdre sur cet homme que t'as si longtemps aimé. Que t'aimes encore sans pour autant être capable de te l'avouer. Et tu sais pas quoi répondre à ses mots. Ta tête qui se baisse, quelques secondes tout au plus, avant de reposer ton regard sur lui. « Pareil. » Du coin de l'oeil, t'observes ces amies qui t'accompagnent ce soir. L'une d'entre elles est déjà aux bras d'un homme, l'autre est en train de boire, tout aussi bien accompagnée. Tu te sentirais presque seule face à Ilkyang, vulnérable. Tes lèvres qui se pincent dans un geste fin. T'aurais envie de partir sans pouvoir le faire, tes mains qui tremblent sans que tu t'en aperçoive. T’as pas envie qu’il te voit, pas comme ça. Pas alors que t’as passé des mois entiers à te battre contre ses démons, et que t’en es la nouvelle victime. Tu veux pas qu’il voit ça. Tu veux pas qu’on remarque la misère de ta vie. Même si certains diront que tu n’es pas à plaindre, ils ne savent pas. A quel point t’as osé tomber bas. A quel point t’as sombré dans le peu de choses qui t’aident encore à croire que t’es bien vivante. Le bonheur s’est échappé. Le bonheur, c’était lui. Il Kyang. Il est parti, comme il revient aujourd’hui. Plus brutal à ton coeur. Comme si une tornade venait prendre en otage ton coeur encore meurtri. Le plus blessant dans tout ça reste cette question. Deux mots pour briser un peu plus encore ton coeur. Tes sourcils qui se froncent, ta main qui fait signe au barman de te servir. Et ton attention se porte enfin sur lui. Le regard noirci par ces nuits d’ivresse, par ces nuits si peu enchanteresses. « Qu’est-ce que ça peut te faire ? C’est bien ce que tu fais non ? » Une pointe dans la poitrine. Comme si finalement, t’avais rien changé. Comme si tes efforts étaient restés vain, et qu’ils te revenaient en pleine face maintenant que tu touches le fond. Et tu sais pas comment réagir à ça. Tu sais plus te montrer forte. Alors t’espères simplement qu’il ne remarquera pas la douleur dans tes yeux, ni même l’alcool qui coule bien trop dans tes veines. Peine perdue, pas encore, du moins, c’est ce que tu crois.

Je me sens démuni, idiot d’être ici face à elle à lui déblatéré des banalités. Je ne suis pas doué pour parler, mes sentiments, mes émotions je les ai toujours écrite, chanté… alors oui je le sais être devant elle c’est comme être devant un public qui me juge. Mais je suis incapable de dire ce que je ressens. Je détourne les yeux, sa remarque m’a agacé… elle a raison, je bois mais je l’ai toujours fait. Alors qu’elle ? À ce point, c’est nouveau, presque interdit avec l’image que j’avais d’elle. Dans mes souvenirs Ye Won n’était pas comme ça. Elle était toujours souriante, avec une bonne énergie, quelque chose de fort qui se dégagé d’elle. Ce soir, c’est étrange... Mais ça me contrarie, qu’elle me réponde de cette façon. Alors je serre mon verre entre mes doigts et lui balance « Ouais t’as raison. J’en ai rien à foutre. » … je ne sais pas pourquoi je lui ai dit ça. Mais c’est cette soirée, cette ambiance, cet endroit… tout m’irrite brusquement. Je me demande même si je ne devrais pas partir. Qu’est-ce que je croyais ? Qu’on pouvait se parler comme si de rien n’était ? Ça fait trois ans bordel, trois ans que je l’ignore, que je l’évite, qu’on se croise à peine. Nous n’avons plus rien en commun hormis cette frat et les quelques couloirs qu’on parcourt ensembles. La seule chose qu’on partage aujourd’hui c’est nos souvenirs. Et encore… quelque chose me dit qu’elle s’en fout pas mal. Et je lui donne raison, car moi aussi je penserais surement pareil. Je finis par me détourner d’elle, contrarié, tout en venant déposer mon verre et en commander un autre. Au moins, je tente de me concentrer sur autre chose. Mais sa présence m’électrise… je ne réfléchis plus à rien « T’as une mine affreuse ! » Elle me fait penser à moi… les jours où je me noyais dans la drogue et l’euphorie du moment. J’ai surement tort, c’est ce que je me dis mais je le vois bien que son regard est différent. Rempli de haine un peu peut-être, elle me déteste je le sais. Je me retourne de nouveau, l’observe et m’approche un peu plus. Je la juge du regard, avant d’ajouter « C’est pour t’amuser ou pour noyer tes problèmes ? » je ne joue pas au psy, mon ton est sec voir un poil accusateur. Peut-être vais-je la mettre mal à l’aise mais je m’en fous. Je suis énervé ! Elle fait ce qu’elle veut, elle n’a aucun compte à me rendre, je le sais mais putain ! La Ye Won que je connais ne se serait jamais mit dans un état pareil pour simplement s’amuser. Je la provoque un peu plus en venant approcher mon visage du sien et lui murmurer « T’as quoi à y gagner ? » je m’éloigne doucement avant de saisir mon verre. Je ne devrais pas jouer à ça… je n’ai pas le droit de la juger sur une soirée, alors qu’elle m’a supporté des mois dans un état second. J’inspire lentement, avale une grande gorgée de ma boisson « T’as changé on dirait. » Elle devait s’y attendre, c’était peut-être même ce qu’elle espérait. Parce-que je suis un crétin. Ce n’est pas à moi de l’accuser ! Je n’ai pas le droit, pas après ce que je lui ai fait vivre. Mon regard est presque triste, parce-que il y a une tonne de choses dont j’aimerais qu’on parle. Mais je fuis, la laissant derrière moi à sa soirée et ses amis que je ne connais pas. Après tout, je ne suis pas certain non plus de connaitre cette fille que j’ai devant moi. Je retourne vers la table qu’on occupait, me jette sur le canapé, le cœur plus lourd et chargé de souvenirs…

Tu te demandes parfois comment vous avez fait pour en arriver là. Qu’est-ce qui a fait déborder le vase, qu’est-ce qui a fait que vous ressemblez tant à deux inconnus désormais. Mais tu penses pas avoir les réponses. Et te retrouver en face de lui, ce soir, te ramène à ces souvenirs que t’as tenté d’effacer, mais qui ne s’en iront jamais. Parce qu’il y a eu de l’amour. Il y a eu des moments de bonheur. Et même s’il ne te l’a jamais dit, tu savais qu’il t’aimait. C’est sûrement ça qui fait le plus mal, finalement. Ne plus rien avoir à partager, à se dire. Ne pas réagir quand tu le croises dans les couloirs. Tu détournes le regard, bois quelques gorgées de ton cocktail. T’as pas la force de l’affronter, même si tu le devrais. Même si dans le fond, tu sais que vous devez discuter. Mais tu refuses l’idée qu’il puisse voir ce que t’es devenue. Parce que t’as changé, y’a plus ces regards pétillants et cette force qui te maintenait hors de l’eau. T’as toujours Hyemi pour t’épauler, tes cousins. Mais ils ne sont pas Ilkyang. Ils ne sont pas Yejun. Et tu ne sais pas quoi dire, quoi répondre à ses affronts. Tu pensais pas ça possible, surtout. Les larmes qui te montent aux yeux, l’alcool qui ne t’aide pas à réfléchir correctement. C’est peut-être plus simple de te taire, tu sais plus. Tu recules d’un pas quand il s’approche, tu pinces tes lèvres nerveusement. Il n’est pas aveugle, et t’as beau ne pas être stupide en tant normal, tu ne peux t’empêcher de te demander ce qu’il te veut à cet instant précis. « Ça changerait quoi ? » Toujours cette insolence qui ne te ressemble pas, surtout avec lui. Cette envie de cacher ce que t’es devenu alors que tu sais que c’est impossible. Parce que tu comprends, quelque part, que tu lui ressembles beaucoup, trop. Quand il était trop stone pour penser à toi. Penser à s’occuper de lui même. Parce que tu te retrouves parfois à être celle qui a besoin de quelqu’un pour penser à manger, se lever. Une boule au ventre alors que son visage se retrouve bien trop proche du tiens. Tes yeux qui observent chacun de ses traits. Ceux que t’as aimé à t’en arracher le coeur. Cette âme dont t’as pris soin autant que tu pouvais, avec le sentiment d’avoir échoué. « Rien… » souffles-tu simplement avant de tourner la tête. Ça t’est trop difficile de l’avoir si proche de toi. D’avoir ces souvenirs qui s’immiscent en toi. Et tu le laisses partir, sans un regard à son égard. Sans un mot de plus. Même si t’aurais tant de choses à lui dire. Tout ce que t’as sur le coeur, tout ce que t’aurais voulu lui balancer quand lui aussi, a fini par t’abandonner. Parce que t’avais cru pouvoir le débarrasser de ses démons, et vivre avec lui la plus belle des histoires. Mais t’étais bien loin du compte. Tu finis par commander un verre de plus, même si tu ne devrais pas. Tu le bois d’un trait, sans même chercher à apprécier cette boisson qui coule dans tes veines. Cet instant aussi court soit-il t’a trop déboussolée pour ça. Et tu refuses l’idée de t’arrêter sur ces simples paroles. Ce besoin irrépressible d’avoir des réponses, même si t’es pas en état pour ça. Une larme qui glisse sur ta joue, que t’essuies d’un geste de la main, avant de partir en sa direction. Le regard perdu, pourtant l’envie féroce de comprendre, ce qu’il lui prend d’être devenu l’accusateur. Ton regard croise bien rapidement le sien, affalé sur ce canapé. Tu prends une grande inspiration, laissant ton visage trahir tes émotions. « T’as pas l’droit Ilkyang. T’as pas l’droit de venir me balancer des trucs pareils en pleine gueule. Pas après tout c’que j’ai fait pour toi ! » Ta voix qui se brise, quelque part. « T’as jamais été foutu de dire quoi que ce soit, et maintenant quoi ? Tu veux faire le mec qui s’intéresse à ce qui se passe dans ma vie ? T’as perdu l’droit de m’faire ça y’a bien longtemps ! »  

Je fais semblant, j’écoute les bruits qui m’entourent sans en comprendre le sens. Je suis perturbé, plus que je ne l’aurais imaginé… dans mes pensées, je m’étais vu lui dire ce que je ressentais, ce que j’avais fait… je l’ai toujours regretté. Mais je n’ai jamais eu cette force… il a fallu attendre trois années pour que je lui adresse un mot, une phrase accusatrice alors qu’elle m’a supporté. Pas une seule fois elle ne m’a laissé au pas de la porte. Même si je n’avais plus la force de marcher, même si j’étais en train de planer, elle m’a toujours tendue la main. Alors pourquoi est-ce que je lui fais ça ? Pourquoi je ne supporte pas cette soirée, cette vision d’elle… Ce n’est peut-être qu’une soirée, mais c’est celle de trop dans mon esprit. Je n’ai plus aucun souvenir de cette Ye Won, de cette fille qui m’a fait face. Etais-je trop égoïste pour me rendre compte de qui elle était vraiment ? Je me sens troublé tout à coup, même un peu déçu alors que mes mains deviennent moites. J’avale difficilement une gorgée de ma boisson. Je n’ai plus le cœur à rester ici il me semble. Je me laisse retomber en arrière, enfoncé dans la banquette, j’espère inutilement que cela me passera. Mais mon regard croise le sien… cette lueur désarmante dans ses yeux. Je me sens ridicule tout à coup encore plus lorsqu’elle ose poser des mots sur ces non-dits. Je serre les dents, me redresse subitement alors que je sais pertinemment qu’elle a raison. Est-ce que je peux lui en vouloir ? Putain ! J’ai envie de m’excuser je crois ou je n’en sais rien. Tout se bouscule dans ma tête subitement, je me sens en colère, contrarié mais terriblement frustré. Mes amis ont assistés à la scène malgré moi, certains me regardent surement à se demander qui est cette fille. La mâchoire crispée, je me lève soudainement pour venir lui saisir le poignet. Mes doigts serrent si fort que je dois lui laisser des marques sur sa peau blanche parfaite. Mais je m’en fous ! Je l’attire plus loin, comme je peux pour venir lui faire face. « A quoi tu joues putain ! Tu crois que tu peux débarquer ivre et me dire mes quatre vérités comme ça ? Ici ?!! » Je crois qu’en fait c’est ça qui me fait le plus chier. Cet endroit, la musique beaucoup trop forte, ma voix qui hausse toujours d’un ton. Je suis en colère, contre elle, mais surtout contre moi-même. « Tu veux que je te dise quoi ? Que t’as raison ? Que j’ai rien à te dire ? Bah, ok ! T’as raison Yewon, j’ai pas le droit de te juger. Mais t’es… t’es… » Je perds mes mots, tout comme je n’ai pas la moindre idée de quoi je peux l’accuser. « J’en sais rien merde ! Regarde-toi, t’es complètement bourrée et t’as les yeux dilatés. » Je parle encore plus fort, mon regard noir posé sur elle. « Je pensais que tu toucherais jamais à ces trucs. Pas après ce qui s’est passé… » Ouais, c’est vrai j’avais cru bêtement qu’elle ne s’approcherait pas de la drogue. Qu’elle avait vu les dégâts que ça pouvait faire. Ma voix redescend d’un ton, acculé par les remords et les souvenirs de nous deux… pour être franc je ne me souviens pas de tout. C’était surtout des lendemains difficiles dont je me rappelais.  « J’ai pas envie d’avoir cette discussion avec toi maintenant. Pas comme ça et surtout pas avec une loque. » Je suis brutal, déjà je regrette d’avoir eu ces propos. Je me mords l’intérieur de la joue, détourne les yeux et balance « Quand tu seras saine d’esprit peut-être qu’enfin on pourra se parler correctement ! » et je suis un con. Je ne devrais pas l’accuser, pas elle. Comme si tout ça était sa faute, comme si nous n’avions jamais pu parler avant parce qu’elle ne m’en laissait pas l’occasion. Mais c’était moi qui l’avait laissé, c’est moi qui était parti du jour en lendemain sans rien lui dire. Je l’ai abandonné, alors qu’elle était là pour moi… Je suis désolée YeWon, je ne suis qu’un idiot, trop mal à l’aise pour parler. Je n’ai jamais été doué avec toi et ce soir je te refais revivre ces moments.

Sentir sa main attraper ton poignet, aussi fermement, t’électrise sur place. Depuis combien de temps cela n’était-il plus arrivé ? Sa peau contre la tienne, un échange. Aussi brutal soit-il. T’as beau avoir enchaîné les verres ce soir, t’as l’impression que l’alcool arrête finalement de faire effet. Il y a trop de choses qui te reviennent en tête, trop d’épreuves que t’as surmonté pour lui. Et t’arrives pas à accepter qu’il te parle comme ça. Qu’il soit aussi dur avec toi. Pourtant, au fond de toi, tu sais qu’il a raison, que t’as changé. T’es plus la même depuis qu’il a disparu de ta vie. Au début, t’as mis ça sur le compte du chagrin, de la rupture. Mais ça n’a fait qu’empirer, au fil du temps. Sans Yejun à tes côtés, sans Ilkyang, c’est comme si t’avais perdu pieds. Toi qui pensais ne jamais finir comme ça n’est plus qu’un déchet de plus à ramasser. Une de ces gosses de riches qui sombrent comme un vieux cliché qu’on se fait. T’as simplement plus supporté la pression sur tes épaules, la tristesse qui te submergeait trop souvent le soir. Et t’es tombée trop bas, bien malgré toi. Sans forcément le voir, l’assimiler. Mais t’as pas d’autre échappatoire. C’est l’idée qui s’est forgée dans ta tête. Il n’y a que ça pour oublier ton quotidien de misère. Il n’y a plus que ça pour te sentir vivante, ne serait-ce que quelques heures à l’orée de la nuit. Et ses mots sont violents à ton coeur. Tes yeux seraient prêts à déborder, mais tu refuses, pas devant lui. Tes lèvres qui se pincent, et ton regard qui, lui aussi, se fait plus noir. « Mais t’as cru quoi ? Que j’allais sauter de joie quand t’as disparu ? Tu croyais qu’il allait se passer quoi, hein ? Tu m’as laissée toute seule dans ma merde sans même une explication ! » Ta voix tremble sous l’émotion, bien trop forte. C’est pas une excuse, c’est tout autant éloigné de la vérité. Mais tu ne réfléchis plus à ces mots qui traversent tes lèvres. Tu ne fais plus vraiment attention à la musique, aux gens autour de vous. A vrai dire, il n’y a que le visage d’Il Kyang que t’arrives encore à voir parmi la foule. Il n’y a plus que sa voix qui parvient à tes oreilles. Même si chacun de ses mots brise un peu plus ton coeur. Même si chacun de ses gestes te ramènent à ce passé commun. Un rire, ironique, fini par s’échapper d’entre tes lèvres. « On l’aura jamais cette conversation, tu l’sais aussi bien que moi. Par contre, venir me faire des reproches, ça t’y arrives sans problème ! Dis moi franchement, qu'est-ce que j'ai fait d'mal ? Qu'est-ce que j'ai foiré pour que tu t'barres comme ça ? Aue tu m'fasses subir ça ? » Tu perds peu à peu l’espoir d’avoir de réelles explications. De comprendre pourquoi il t’a laissée alors que toi aussi, t’avais besoin de lui. Mais surtout, tu comprends pas pourquoi ça te fait autant mal d’être face à lui, d’écouter ce qu’il a à te dire. « En fait, j’vois même pas pourquoi je continue d’espérer que j’aurais ces putains d’explications. J’vois même pas pourquoi j’continue de penser à tout ça. Ça a jamais compté pour toi, pas vrai ? » Un soupire, une main qui passe dans tes cheveux, qui fini par se poser sur ta poitrine. C’est comme si t’arrivais plus à respirer correctement, comme si tout ça était irréel. Ton regard qui se relève vers lui une dernière fois. T’as plus envie d’être là, t’as plus envie d’être face à lui. T’as simplement besoin de prendre l’air, quitter cette soirée. « J’ai besoin d’une clope. » T’attends pas vraiment de réponse de sa part. T’as plus envie d’écouter toutes ces conneries qu’il pourrait bien te dire. Tu tournes les talons, et prend la direction de la sortie, même si t’as du mal à marcher droit. T’es plus en état pour quoi que ce soit, il a au moins raison sur ce point là.

« Ye Won,
Je sais que tu n’attends plus rien de moi, je suis parti du jour au lendemain, sans jamais rien te dire. Je ne t’ai donné aucune explication et plus les jours passent, plus je sens que j’en ai besoin. Il faut que je te dise, il faut que tu comprennes… ce n’était pas contre toi. C’était moi ! Ça a toujours été moi le problème et je crois qu’au fond tu le savais déjà. Tu m’as tout donné, j’ai été trop bête pour me rendre compte de ce que tu faisais, trop idiot pour comprendre que j’avais de la chance de t’avoir. Ici, on m’a appris à regarder le passé, à revenir sur mes erreurs et te quitter comme je l’ai fait en était une. Peut-être la pire de toute ? Je n’en sais rien… C’est dur parfois, le sevrage est plus violent que je le pensais et je m’imagine parfois entendre ta voix pour m’apaiser. Si tu avais été là les jours auraient été moins longs, les nuits moins douloureuses… Je ne suis qu’un crétin, je n’aurais pas dût te laissé comme je l’ai fait, pas sans explications. Il fallait que je parte, que je m’éloigne. Que je me coupe de ce passé qui m’empoissonnait et je crois que j’ai finis par associé ton image à cette époque malsaine. Je ne te mérite pas et je ne cherche pas à te faire changer d’avis sur moi. Je voudrais juste te dire une chose… pardonne le mal que je t’ai fait. Pardonne-moi de ne pas avoir su t’aimer comme tu m’as aimé.
Il Kyang »

Ces lignes elle ne les lira jamais, tout comme j’ai finis par les enfouir quelque part au fond d’un tiroir. Maladroit je les ai transformés, je les ai modifiés pour en faire une douce mélodie qui n’appartient qu’à moi. Je suis égoïste, mais ça m’a aidé, moi tout seul dans ma chambre à tourner la page, à oublier. Au final c’est ce que je pensais, mais la voir dans cet état me glace le sang. J’aurais aimé la voir sourire, j’aurais aimé la savoir heureuse, avec quelqu’un d’autre peut-être. A-t-elle un homme dans sa vie ? Je n’en sais rien et l’idée me refroidie car si c’est le cas alors il ne prend pas soin d’elle, tout comme moi je l’ai fait. Et ça me fait chier putain ! Parce-que chacun de ses mots sont justes, parce-que son air désabusé c’est celui que je mérite. Oui, c’est vrai je n’ai jamais su lui dire que je tenais à elle, mais notre histoire à compter. Je m’en rends compte que durant toutes ces années je ne lui ai jamais dit. J’étais juste insouciant, je vivais le moment présent et peut-être importe qu’elle soit là ou non, j’étais heureux. J’étais juste égoïste une fois de plus je ne pensais qu’à moi. J’ai finis par le comprendre, mais aucune excuse ne pourra panser ses blessures. Je me sens prit au piège, face à cette vérité qui me blesse et néfaste. Tu n’as rien raté Ye Won, c’est moi qui n’est pas assuré. Je n’ai pas été capable de te rendre ce que tu m’as donné. Et je m’en veux brusquement ! S’en rendre compte est déjà humiliant, mais c’est pire lorsqu’elle me le dit. Les choses deviennent plus réelles et elles me frappent, comme une claque que j’ai mérité depuis des années. Elle m’arrive en pleine figure et j’ai beau resté debout en vérité je suis déjà au sol, engloutit par le poids des remords. Si tu savais Ye Won, j’aimerais avoir la force de te dire pardon. Je n’attends plus rien de nous, mais si entendre ces mots pouvaient t’aider, alors je devrais le faire. Mais j’ai fuis, je suis trop lâche et je t’ai laissé partir. Ton image qui s’éloigne me tord l’estomac, dans mes rêves les plus fous je te retiendrais pour te dire à quel point je suis désolé. Que si je pouvais je réécrirais le passé, je pourrais m’effacé de ta vie et te laisser pour que tu n’en sois pas arrivé là aujourd’hui. Et je comprends, que j’ai ma part de responsabilité dans ce que j’ai vu ce soir. Je n’ai plus le cœur a resté ici, alors à mon tour j’ai quitté cet endroit, un goût amer et les pensées en vrac. Je n’ai pas trouvé le sommeil cette nuit là, torturé par mes souvenirs et par ces sentiments tumultueux. Je m’en veux tellement… et j’ai peur. Je suis effrayé à l’idée de la croiser à nouveau.