Les souvenirs d’enfant sont flous, surtout les trois premières années. Mona se souvient d’un père présent et aimant envers elle. Elle a toujours eu ce sentiment d’avoir grandi en sa présence et au sein d’un foyer chaleureux, malgré quelques vagues désaccords entre ses parents qu’elle préférait ignorer. Elle fermait les yeux, bouchait ses oreilles, et en un rien de temps, tout était terminé, la paix retrouvée. L’enfance de Mona se déroula comme toute autre famille, sans grande embuche. Pourtant, à l’époque, elle était une enfant naïve, soucieuse, inconsciente. Une petite créature vulnérable qui demandait énormément d’affection de ses parents. Elle ne pouvait s’empêcher de pleurer à chaudes larmes quand son père quittait la maison sans un mot. Il y avait cette crainte d’abandon qui persistait autour de lui sans qu’elle puisse vraiment s’expliquer pourquoi. Sans cesse, il devait la rassurer et lui promettre de revenir vite alors qu’il partait juste travailler. Et aussi vite, le sourire de la gamine réapparaissait, et la joie était de nouveau son quotidien.

En grandissant, Mona comprit d’où venait cette crainte, et apprit la véritique histoire de son père. Cet homme avait eu une vie avant elle et sa mère, avec une autre famille. Mona fut partagée entre la colère et le soulagement. D’un côté, elle avait de la peine pour cet enfant qu’il avait abandonné, et de l’autre, elle était heureuse qu’il l’ait choisit. Les questions s’étaient enchainées. Elle voulait connaitre les moindres détails de cette histoire, connaitre ces personnes d’une autre vie de son paternel. Toutefois, ce dernier lui avait affirmé que la mère de l’enfant avait coupé les ponts définitivement avec lui. Ce qui mit fin à la conversation. Depuis ce jour, Mona a cette peur au creux du ventre que son géniteur ne décide également de les abandonner, elle et sa mère pour une nouvelle famille, comme il l’avait déjà fait auparavant. Elle ne voulait pas connaitre le même sort que cet  enfant qui lui paraissait à la fois étranger et familier. La décision de ne plus dépendre des autres s’est alors naturellement offerte à elle. Prévenir au lieu de guérir.

Cette même année, elle partait pour Los Angeles pour débuter une nouvelle vie au grand dam de sa mère. La raison qu’elle leur avait servie sur un plateau d’argent était qu’elle désirait faire ses études dans une école de cinéma réputée pour réaliser son rêve de travailler au sein des plus grands succès cinématographiques de notre époque. Si ce n’était pas faux, la principale raison était qu’elle voulait apprendre à être plus autonome, ne plus être dépendante de ses parents. Certes, sa solution était radicale : débarquer dans une ville inconnue, reconstruire une nouvelle vie, tout reprendre à zéro. Et en même temps, c’était très clair dans la tête de Mona. Si elle ne se forçait pas à le faire et restait à attendre sagement le jour qu’elle redoutait tant, elle allait forcement souffrir.

Elle vécut dans la ville des Anges pendant une dizaine d’années. Depuis l’âge de 12 ans, elle a été vivre avec sa tante habitant là-bas pour ensuite vivre seule. Elle intégra une école de cinéma de renom où elle apprit l’auto-visuel, le cadrage, le montage, … mais c’est surtout grâce à cela qu’elle comprit ce qui la faisait vibrer. La créativité. L’écriture. Voir les personnages que l’on a inventé, prendre vie derrière la caméra. Elle rentra alors en Corée après être diplômée pour entreprendre un nouveau cursus en littérature, et intégra la chaine KBS en tant que stagiaire de l’assistant de la production. Un poste en bas de l’échelon qu’elle compte bien grimper un à un.