(tenue)Un bâillement furtif caché derrière, je secoue vivement la tête pour reprendre mes esprits. Je jette un coup d’œil rapide autour de moi pour être certaine que personne n’ait vu mon relâchement, surtout l’assistant pour qui je travaille en tant que stagiaire. S’il me surprenait montrer la moindre marque de fatigue, il serait capable de m’octroyer une tâche random qui me prendrait la nuit entière à effectuer. Heureusement, la plupart des visages étaient tournés vers la scène qui se déroulait sous nos yeux. Quelques secondes plus tard, on entendit un « c’est un fin de tournage ! » avant qu’une rafale d’applaudissement retentisse. Mes mains suivirent le geste, alors que je jetais un coup d’œil à ma montre qui indiquait déjà 21h. La journée avait été longue et fatigante.  Si elle était terminée pour les acteurs, ce n’était pas tout à fait le cas pour les assistants qui s’afféraient à ranger le matériel. Je me mis également en mouvement. Le travail achevé, j’éteignis les lampes dans la grande salle. Je devais être la dernière personne à cet étage, et j’étais donc chargée par mon assistant, parti plus tôt, de vérifier la fermeture.  Vérification qui était normalement de sa responsabilité, mais depuis que j’étais devenu stagiaire à sa charge, il prenait un malin plaisir à me refiler toutes les tâches dont il ne voulait pas. Ce qui avait le don de m’agacer, bien que je n’en dise rien si je voulais garder cette place qui était une chance d’œuvrer directement au sein de la chaine KSB après mes études. Je prenais mon mal en patience, bien que j’en manque cruellement justement. Je m’octroyais une pause, prenant place sur un des hauts tabourets qui bordait la hall de l’étage. M’accoudant sur la tablette, je passais commande dans un petit restaurant dont la spécialité était les fruits de mer et le poisson.  Il me restait quelques paperasses administratives à remplir et ma journée serait officiellement bouclée.

Une dizaine de minutes plus tard, je me retrouvais à cette même table, les spécialités de la mer odorante étalée devant moi, alors que je me reconnectait sur mes fiches. Une chance qu’il faisait déjà nuit, et que j’étais seule à cette étage, sinon l’odeur marine aurait rameuté tous les chats errants du quartier. C’était sans compter sur celui qui rodait toujours dans les parages…

Rester concentré est une tâche délicate quand on manque de rater une scène à cause du bruit de son estomac affamé. Je n’apprécie pas l’idée de mettre l’équipe du tournage en retard mais le réalisateur avait finalement aimé la dernière scène. Toutefois, la soirée n’était pas finie pour moi. Je dois encore réviser mes répliques pour le lendemain. Je n’ai aucune difficulté pour mémoriser mon texte mais la fatigue étant, je ne voulais prendre aucun risque. Pour se faire, mon manager avait  demandé l’autorisation pour que je puisse rester sur les lieux du tournage. Je pourrais m’imprégner de l’endroit pour parfaire mon jeu d’acteur sans faille. Je me change dans les vestiaires après avoir salué les mères de famille, heureuses de rentrer chez elles. De mon côté, je n’ai personne qui m’attend alors je profite de cette liberté jusqu’au bout si on peut l’envisager ainsi. Une fois prêt, je descends au hall principal et envisage d’aller dans un commerce pas trop loin. C’est sans compter sur le temps pluvieux qui me ramène à la réalité. Retenant une injure, je crois que je vais commander à manger. Je suis navré pour ce livreur, ayant connu une expérience assez similaire dans une autre vie, qui, après réflexion n’est pas aussi éloignée que cela. Je décide de m’approcher d’une table haute dans le but d’attraper mon téléphone. Or, le parfum du plat de ma voisine me chatouille les narines. Spontanément, je regarde celui-ci et ouvre la parole : «  Qu’est-ce que c’est ? Où je peux commander ce plat ? »

(tenue)L’odeur marine enivrait mes narines ainsi qu’une bonne partie du hall pour le plus grand bonheur de mon estomac. Je respirais une dernière fois la vapeur s’échappant de mon plat avant de porter une première bouchée à mes papilles. Les saveurs explosaient sur ma langue et je poussais un cri de ravissement. Mon estomac poussait famine depuis trop longtemps et il pouvait enfin être rassasié. Heureusement que le staff avait quitté les lieux depuis un moment, je pouvais alors m’exprimer sans peur d’être surprise. Je pris deux nouvelles bouchées tout en remplissant quelques papiers posés à côté de mon plat. Concentrée, je n’entendis pas les pas qui se rapprochaient de moi. Je sursautais même, manquant de faire tomber le tout sur le sol alors qu’une voix familière retentit derrière moi. Je relevais le visage, croisant le regard de Jung Seok. Mon premier reflexe fut de me relever, m’inclinant rapidement dans un geste respectueux envers mon ainé. « Désolé, je pensais être la dernière. » m’excusais-je un peu gênée en repensant aux cris que j’avais pu pousser, heureuse de pouvoir enfin profiter d’un bon repas. Je ramassais mes couverts gisant sur la table au milieu d’éclaboussures, l’essuyant maladroitement avec ma serviette. Je repris place sur mon siège, sauvant ce qu’il restait de mes feuilles. Une moue sur le visage, j’étais bonne pour faire une nouvelle photocopie. « Un mélange de crustacés, une spécialité d’un petit restaurant traditionnel se trouvant à deux rues d’ici. » déclarais-je pour répondre à sa précédente question. Je souris un instant en pensant que le plat pourrait lui plaire. Je n’étais pas vraiment du genre à partager, j’étais même quelque peu égoïste, pensant souvent à ma personne avant celle des autres, mais en entendant son propre estomac faisait écho au mien je sortis une deuxième paire de baguette de mon sac à main. Une vrai caverne d’Ali baba ce truc, il aurait pu rivaliser avec le sac de Marie Poppins. Je les déposais devant lui, poussant le plat vers lui. « On peut partager ! Il y en a bien assez pour deux. » Je jetais un coup d’œil par la fenêtre où la pluie faisait rage, me réjouissant de ne pas être seule par un temps si maussade.

je ne connais pas vraiment la jeune femme en dehors du rôle qu'elle peut avoir dans le tournage. je n'ai jamais pu échanger énormément avec elle. peut-être que je vais la déranger mais d'après mon expérience, partager un repas permet d'accrocher facilement avec l'autre. manger est le meilleur moment de la journée. ainsi, j'ai évité d'utiliser des phrases toutes faites mais quand je vois sa réaction, peut-être que j'aurais dû être plus courtois. un sourire navré se dessine sur mes lèvres après l'avoir vu sursauter. " pardon, mon intention n'était pas de vous surprendre. " d'habitude, les gens ont tendance à me remarquer de loin. je peux être vraiment bruyant quand je m'y mets. je jette un coup d'oeil vers les formulaires que la demoiselle complète. apparemment, je ne suis pas le seul à devoir finir tard cette semaine. mais au lieu de parler du travail, je me concentre de nouveau sur le plat que mona est en train de déguster. car oui, quand on sent ce parfum, il est difficile de dire qu'elle se contente d'avaler son repas... je suis vraiment jaloux. obtenant la réponse à mon interrogation, elle vient clairement de faire de la publicité pour ce petit restaurant. " si le plat est à la hauteur de son parfum, ils viennent de gagner un nouveau client. " je souris légèrement bien que je risque très vite de déchanter, quand je serais trempé dehors. à moins de prendre la voiture mais.. je suis soudainement interrompu par une nouvelle intervention de l'assistante. elle me tend une paire de baguettes, action qui m'étonne. " oh mais je ne veux pas vous déranger... vous avez du travail, et puis, je ne veux pas paraître impoli. " je suis son regard vers l'extérieur et retiens un soupir. honnêtement, je n'ai pas forcément envie de refuser sa proposition mais je suis déjà assez gêné... " vous devez avoir faim. je vais m'arranger, hm. "