Soo Hwan tenait la balle de basket dans la main, un air troublé sur le visage. Il jetait quelques regards furtifs vers une membre du club de basket-ball, mais lorsqu’il se rendait compte qu’elle faisait de même vers lui, il se hâtait de regarder ailleurs, mimant d’écouter ce que disaient les autres. Il n’était pas un membre officiel du club de basket-ball, ni d’aucun club pour l’instant d’ailleurs, mais il réussissait à s’incruster à certains entraînements grâce à ses connaissances. En échange, il participait aussi aux séances de nettoyage qu’il pouvait y avoir rarement, histoire que l’échange ne soit pas à sens unique. La raison pour laquelle il ne s’était inscrit nulle part était tout simplement qu’il voulait pas se limiter à un ou deux sports : il aimait un peu tous les sports. Faire de cette façon lui permettait de changer un peu tous les jours d’activité.

Mais ces derniers jours, tout le monde pouvait remarquer qu’il faisait une fixette sur le club de basket-ball. Non pas parce qu’il affectionnait particulièrement ce sport : il en avait pratiqué des années, et était plutôt doué aussi, mais il y avait une autre raison qui le poussait à participer assidûment aux derniers entraînements. Et cette raison, c’était précisément cette membre : Choi Eun San.

Il l’avait reconnue de suite. Elle avait un visage facilement reconnaissable, du moins pour lui. Déjà, dans sa jeunesse, elle était un des visages qu’il reconnaissait le plus vite dans une foule. Elle avait une voix qu’il pouvait entendre même parmi le plus bruyant des brouhaha. Mais jamais son crush n’avait dépassé ce stade, pour une simple et bonne raison : des années les séparaient. Jamais Soo Hwan n’aurait osé traîner beaucoup avec une fille si jeune, encore moins se déclarer. Une certaine pudeur étrange, comme s’il aurait eu l’impression de profiter d’elle. Sans doute la voyait-il, à l’époque, comme une fille trop pure qu’il avait peur de salir. De toute façon, s’était-il toujours dit, il y avait peu de chance pour que ses sentiments soient réciproques. Après tout, il était bien plus vieux qu’elle. C’était ainsi qu’il le ressentait au lycée.

Or, les années étaient passées, et les quelques années qui les séparaient n’étaient devenus que subjectives. À l’oeil nu, c’était difficile de savoir qu’ils n’avaient pas le même âge – d’ailleurs Soo Hwan n’était pas un garçon particulièrement mature et Eun San n’était pas non plus spécialement immature, alors même dans le caractère, les différences n’étaient pas flagrantes. Les différences qu’ils avaient n’étaient, en tout cas, pas liées à l’âge.

Ce serait faux de dire qu’il aimait toujours Eun San, et qu’il n’avait jamais cessé de l’aimer. Bien sûr, il était passé à autre chose, les années passant. Mais ça lui faisait quand même quelque chose de la revoir ainsi sous ses yeux, après s’être dit que plus jamais ils ne se reverraient. Alors il voulait lui adresser la parole. Il voulait faire ce qu’il n’avait pas osé faire à l’époque.

Après que le président du club ait fini son long discours barbant que Soo Hwan n’avait pas écouté une seule seconde – jeter des regards plus ou moins discrets vers Eun San avait mobilisé toute sa concentration – il y eut une agitation qui signifiait que l’entraînement commençait. Déjà, quelqu’un venait vers Soo Hwan dans l’objectif de faire équipe avec lui : apparemment, il avait été décidé de s’entraîner aux tirs par groupe de deux. Un exercice terriblement basique, mais qui arrangeait bien l’étudiant. Il rejeta gentiment l’invitation de son ami en se dirigeant vers Eun San et, cherchant à masquer sa soudaine anxiété qui n’avait pas lieu d’être, il se racla la gorge. « Ça te dit de faire équipe avec moi ? » demanda t-il, d’une voix qui tremblait légèrement. Est-ce qu’elle ne le trouverait pas bizarre ? Est-ce qu’elle se rappelait au moins de lui ? Les chances étaient minces, peut-être qu’elle ne le verrait que comme un mec chelou qui lui adresse soudain la parole pour faire équipe avec elle. Et si elle s’imaginait que c’est un play-boy qui veut profiter d’elle ? Des milliers de pensées toutes aussi absurdes les unes que les autres traversèrent son esprit entre le moment où il lui avait adressé la parole et celui où elle lui répondit.

le destin était quelque chose que tu avais du mal à cerner, si même il y avait la possibilité de le faire, il était déjà écrit pour certains, et pour d'autres on ne pouvait pas le prévoir. rien n'était écrit à l'avance. tu avais toujours navigué entre les deux courants, eun san. tantôt tu y croyais, d'autres fois non, en particulier quand ce dernier se montrait désagréable avec toi, ou ta famille. il n'y avait qu'à voir la situation avec eui geon, sa haine envers ta mère et toi, alors que personnellement tu ne lui avais rien fait. en revanche, tu hésitais entre penser que c'était le destin ou bien un heureux d'hasard de tomber sur le même chemin que soo hwan après toutes ces années. tes yeux bruns qui papillonnent vers lui sans que tu puisses te retenir, le rouge qui te monte aux joues quand tu t'aperçois qu'il te regardait aussi avant de détourner les yeux en vitesse. tu te sentais presque comme à l'époque, quand vous vous étiez connus, à l'époque tu étais bien trop jeune pour comprendre vraiment la nature de tes sentiments à son égard. tu étais trop jeune pour te dire que c'était réellement de l'amour, mais tu avais bien eu des émotions fortes pour le jeune homme. tu avais décidé de rejoindre le club de basket-ball parce qu'une de tes amies t'y avait traînée, on ne pouvait pas dire que tu étais vraiment des plus motivées au départ, mais étrangement à présent tu avais peut-être de bonnes raisons de rester tu songes, c'était sûrement égoïste puisque cela n'avait aucun véritable lien avec une passion pour ce sport.

les années avaient passé, mais tu trouvais toujours ce lui ce petit quelque chose qui t'avait autant plu à l'époque, tu te retrouvais presque comme tu étais avant, une gosse trop timide et énamourée pour faire ou dire quoi que ce soit. pourtant vous étiez différents à présent, tu ignorais tout du nouveau soo hwan, de l'actuel. la distance vous avait séparés naturellement, il avait sa vie et toi la tienne. vous n'étiez plus les mêmes dorénavant, mais le revoir entrer dans ta vie aussi soudainement, tu n'allais pas nier que cela te faisait quelque chose. c'était comme te replonger dans un rêve, dans des moments précieux que tu pensais ne jamais revivre, c'était étrange mais pas déplaisant.  la voix du président du club qui parvient à nouveau à tes oreilles, tu clignes des yeux à plusieurs reprises, bien incapable de dire ce qu'il venait de débiter aux restes des membres, tu pouvais néanmoins voir qu'on commençait à bouger ici et là. l'entraînement commençait, et tu n'avais aucune idée de ce que vous deviez faire. te mordant la lèvre inférieure, analysant ce qu'il se passait – un exercice en duo de ce que tu pouvais observer – tu vois soo hwan s'avancer vers toi, ton palpitant qui s'agite soudainement dans ta poitrine, réflexe naturel qui revient après des années de silence. sa voix qui te renvoie une fois de plus à votre adolescence, tu laisses un sourire fin, gêné naître sur tes lèvres. « oh oui, bien sûr. » ta voix n'est qu'un murmure comme toute réponse, le rose qui colore tes joues une fois de plus. « ça fait longtemps, soo hwan. » tu souffles finalement en prenant place à ses côtés pour commencer l'exercice, tu étais nerveuse, tu ne savais pas exactement comment réagit à tout ça. « j'ignorais que tu étais sur le campus, je ne t'ai jamais croisé jusqu'à présent. » en même temps, tu penses en te donnant une tape mentalement derrière le crâne, le campus était suffisamment grand pour que tu ne le saches pas, s'il n'était pas venu dans le club, tu ne l'aurais probablement jamais su que vous étiez dans la même université. tes doigts qui se referment sur le ballon alors que tu cherches quoi dire, ton regard brun qui s'arrête sur plusieurs points avant de revenir sur son visage, tu sens un sourire timide venir étiré tes traits. « tu veux commencer ? » c'était ridicule à quel point tu avais l'impression d'être redevenue la gamine énamourée de l'époque. tu ne t'attendais pas à tomber sur lui après tout ! c'était compréhensible que tu ne saches pas comment réagir.

Conscient qu’il était absurde d’être autant nerveux après avoir lui-même décidé de faire le premier pas, il essayait de dissimuler autant de possibles les signes qui le trahiraient. Il avait ses bras bien droits contre son corps et faisait en sorte que ses mains soient le plus naturelles possibles, ni trop raides, ni trop serrées. Il maintenait la tête droite vers elle et empêchait ses yeux de regarder le décors. Malheureusement pour lui, il ne pouvait pas aussi aisément forcer sa voix à être naturelle et elle avait trahi son incertitude avec quelques tremblements. Il fut cependant rassurer de remarquer qu’il n’était pas le seul dans cette situation, puisque Eun San était beaucoup moins douée que lui pour cacher les signes de nervosité. Il avait déjà bien remarqué les regards qu’elle lui jetait en même temps qu’il le faisait pendant le discours du coach, mais les quelques rougeurs qui étaient apparus sur son visage ainsi que son incapacité à maintenir son regard alors qu’elle acceptait sa proposition montraient bien qu’elle était autant chamboulée que lui à l’idée de le revoir.

À l’époque déjà, Soo Hwan avait plus ou moins remarqué quelques signaux du genre. Même la Eun San de l’époque gagnait quelques rougeurs quand ils se regardaient et fuyait parfois maladroitement son regard avant de le poser de nouveau sur lui. Néanmoins, le jeune homme qu’il était alors avait remis ça sur le compte de la jeunesse. Elle était bien plus jeune que lui, peut-être était-ce tout simplement la première fois qu’elle était proche d’un garçon – ou bien peut-être qu’elle ressentait la même nervosité auprès de tous les garçons avec qui elle parlait, parce qu’après tout, c’était ça, l’adolescence. Il n’avait songé que dans ses rêves les plus silencieux que ses sentiments soient réellement réciproques et n’avait jamais donné de poids à cet espoir. De toute façon, il était trop vieux. Même s’ils s’étaient avérés que ses sentiments étaient réciproques, il y aurait eu trop de jugement à cause de leur différence d’âge.

Or, maintenant, c’était différent. Il ne pouvait plus mettre ces signaux sur l’immaturité de l’époque. Cependant, il n’était pas stupide au point de s’imaginer qu’elle l’aimait encore. C’était sans doute simplement qu’ils étaient tous les deux surpris de se revoir et contents autant que gênés, parce qu’ils occupaient une place importante dans le passé amoureux de l’autre. Eun San se mit à côté de lui et, comme c’était elle qui avait le ballon, il attendit qu’elle tire pour ensuite le faire. Cependant – et il le comprenait totalement – l’étudiante paraissait plus préoccupée par le fait de le revoir après tout ce temps que par l’exercice qu’ils devaient faire. Ainsi, au lieu de lancer la balle, elle lui adressa la parole, et cela suffit à faire naître un autre sourire sur le visage du sango. « C’est vrai que ça fait longtemps. » compléta t-il, sentant qu’il ne devait pas laisser la phrase en suspend pour ne pas qu’elle soit gênée de son intervention. Il avait conscience de combien il suffisait d’un silence de quelques secondes pour avoir plein de pensées paranoïaques, comme il les avait eues après lui avoir demandé de faire équipe avec lui. « J’avoue que je suis surpris aussi. Tu étudies quoi ? » demanda t-il en essayant toujours de maintenir une voix et un comportement naturel, en dépit de son coeur qui était toujours autant agité par le fait de la revoir. Finalement, elle semblait avoir redonner de l’importance à l’exercice puisqu’elle lui tendit la balle et il ne put s’empêcher de songer à combien elle était mignonne, incapable de cacher son malaise. « Ah non, honneur aux filles ! Je te laisse commencer. Tu as déjà les bases ou tu commences juste ? Je ne t’ai jamais vu dans le club de basket alors que j’y vais plutôt souvent. » Le mieux était sans doute de maintenir un rythme de conversation, plutôt que de laisser s’installer un silence qui les rendrait tous les deux mal-à-l’aise.