› on aurait pu croire à une famille normale, et pourtant. ton père est un investisseur de renom, spécialisé dans la restauration de luxe. installé à séoul pour un temps, il se devait bien de trouver une femme, avoir un enfant. et c’est ce qui s’est passé, avant qu’il ne montre son vrai visage. avant de prouver au monde qu’il n’était qu’un monstre de plus que cette terre accueillait. il a simplement profité de la naïveté d’une belle coréenne pour avoir ce qu’il voulait, un fils. et lorsque l’heure fut venue de rentrer chez lui, il prit son fils avec lui, sans laisser d’autre choix à cette femme brisée.
› une enfance saccadée, bien loin d’une vie de palace. et si l’argent coulait à flots, l’amour n’a jamais su exister dans cette maison. un père violent, atroce, qui t’as laissé croire que la mère de famille avait perdu la vie. les marques indélébiles, les cicatrices qui ne partiront jamais. toi l’enfant perdu qui n’a jamais su comment supporter. et qui a fini par trouver refuge dans l’escalade et le sport. toi qui te faisait malmener partout ou tu allais, n’arrivait à t’échapper qu’en grimpant toujours plus haut, toujours plus loin. l’école, la maison, deux enfers de trop. et la nature pour te ressourcer, tenter d’oublier.
› un adolescent brisé par les coups et les insultes, qui n’a jamais su se construire réellement. un gamin pleurant la mort d’une mère inconnue, et tentant malgré tout de faire honneur à ce patriarche désabusé. t’étais ce gosse qui n’osait pas vraiment rêver, qui avançait au jour le jour, en espérant voir la lumière au bout du tunnel. qui osait à peine croire en un avenir plus radieux. toi qui n’avais connu que la violence et l’indifférence. jusqu’à ce que la vérité éclate, et que tu n’oses enfin te rebeller. celle qui t’a donné la vie est encore là, quelque part. un mensonge pour te garder, la vérité pour t’éloigner.
› bloqué dans un pays que tu rêvais de fuir, t’as fini par t’y accommoder. alors que l’envie grandissait en toi de partir à la découverte de cette famille oubliée, t’as continué ton chemin, semé d’embûches. et sur ta route, t’as cru trouver l’amour. naïf, qui avait besoin d’espoir. qui avait trouvé en l’autre un moyen de se sentir aimé à son tour. et t’y as cru longtemps. tes préjugés de côté, t’as voulu donner cette chance à un sentiment inconnu. une histoire que tu voulais réelle, qui ne l’était pas réellement. une vie d’adulte qui démarrait, mais qui s’effritait déjà dans cette aventure que t’as voulu tenter.
› il t’en a fallu du temps, de la force, pour t’échapper. pour entamer une nouvelle vie, partir à l’autre bout du monde. difficile de le faire accepter au patriarche possessif et manipulateur. mais il fallait tourner la page, prendre ton envol. il a fallu attendre tes vingt trois ans, pour pouvoir t’enfuir. mais ça en valait la peine. t’étais sur le point de rencontrer ta génitrice, malgré les a priori. t’allais t’éloigner de l’amour qui s’était détruit, de la souffrance qui avait martelé ta vie. et pour la première fois de ta vie, il y avait cette sensation de bonheur qui se glissait à nouveau en toi. il y avait l’espoir qui naissait, et la lumière qui te guidait.
› une mère aux abonnés absent, impossible à trouver. le traumatisme toujours présent, malgré le fait d’y avoir échappé. un sport que tu continuais de pratiquer, et qui aurait pu causer ta perte. une inattention, un matin d’été. une escapade loin de la ville, et les pensées trop obstruées. il n’en fallu pas plus pour provoquer le drame. la chute qui allait changer ta vie. l’accident qui allait marquer un tournant. tombé de si haut, traumatisme trop important, qui te fera tout oublier. qui effacera à jamais les souvenirs d’une vie saccadée. seul fautif dans cette histoire sans même le savoir, sans même être capable de s’en rappeler.
› une année entière à tenter de se reconstruire, se remettre sur pieds. vie jonchée de rééducations et de souvenirs oubliés. à devenir patient de ce lieu qu’autrefois, tu rêvais d’arpenter. la furieuse envie de devenir quelqu’un, médecin pour toutes ces âmes en peine qu’il aurait fallu aider. t’as su garder les mêmes envies, les mêmes rêves, malgré ta mémoire perdue. t’as vu un nouveau chemin se dessiner, t’as fini par le suivre, contre vents et marées. sans savoir ou ça allait te mener, mais il fallait bien tenter. alors t’as essayé, t’as décroché ton sésame pour reprendre là ou tu t’étais arrêté, sans réellement savoir comment t’as fait pour y arriver.
› la vie qui reprend son cours, étape par étape. et si ta vie passée n’est plus qu’un mirage, il faut savoir se construire de nouveaux souvenirs. t’avances à reculons, sans savoir comment faire. tu restes si peu entouré alors que tes études sont devenues ton moteur. les souffrances du passé ont disparues, mais elles restent quelque part en toi, sans le comprendre, sans réussir à l’expliquer. entouré de peu, aimé à moitié, tu te construits cette nouvelle vie sans réellement savoir où aller, sans être sûr que le chemin emprunté sera le bon.