(+) Naissance très attendue en ce 3 novembre 1999 d'adorables jumeaux. Dont les parents n'auront de cesse d'être fiers et pour qui ils donneront absolument tout leur amour. Un amour que Corvus a toujours cru éphémère à partir de ses six ans. Il aurait encore voulu pouvoir sauter dans les bras de son père pour lui montrer à quel point il était reconnaissant d'avoir un papa aussi aimable et attentionné. Comme il désirait pouvoir revivre ce genre de moment aujourd'hui.
(+) L'enfer qui débute pour lui ainsi que pour son jumeau. Du haut de ses six ans, il n'arrive pas à comprendre la signification de tout ceci. Ces simples petits mots "On vient de me licencier." avaient un impact si grands sur leur famille. Il s'est toujours demandé en quoi perdre son emploi pouvait justifier le fait de frapper ses enfants. Il se posait la question à chaque fois que s'abattait sur lui le poing ou le pied de son géniteur. Parce qu'il n'avait plus du tout envie de le qualifier de "père".
(+) Ce jour-là, la voix rauque du père de famille qui lui parvient lui semble encore plus terrifiante qu'à l'accoutumée. Ce qui justifie que son corps assis sur le lit ne puisse pas lui obéir. Au lieu de quoi, il tremble et les larmes montent, incapable d'avoir ne serait-ce qu'une once de courage pour affronter ce vil paternel. Il a peur, ou plutôt, il est complètement terrifié. Son coeur se débat dans sa poitrine comme s'il cherchait à en sortir. C'est pourquoi en entendant les pas du père dans le couloir, il ferme les yeux afin de s'ordonner de se lever. Inspirant profondément, le corps de Corvus décide enfin de lui obéir et il passe devant son frère sans un seul regard. Il était sur le point de passer le pas de la porte; il ne lui restait qu'une seule petite enjambée lorsqu'il fut arrêté net dans son élan. La main d'Orion l'empêche d'avancer plus et une promesse fuse. Le genre de promesse qui réchauffe le coeur, mais dont l'aîné aurait aimé ne jamais entendre les paroles. Parce qu'à cause de lui, son jumeau endurera des horreurs à sa place. Comment ne pas culpabiliser face à ça? Comment peut-il le laisser le pousser sur le lit avant de sortir affronter le grand méchant loup? S'il avait pu faire quoi que ce soit pour empêcher ça, il l'aurait fait sans hésiter, mais malheureusement, il n'avait rien pu trouver pour les aider autre qu'un Orion de huit ans défiant l'autorité.
(+) À dix ans, Corvus culpabilise toujours plus alors qu'il doit panser les blessures de son cadet. Il n'aime pas l'entendre souffrir, parce qu'il sait que c'est de sa faute s'il doit endurer tout ce mal. C'est pour le protéger, il en a conscience, mais il n'arrive pas à assumer qu'Orion se prenne tous les coups du monde pour lui. Il voudrait avoir au moins autant de courage que lui pour pouvoir le protéger en retour, mais il reste cet enfant pleurnichard et faible. Et ça le frustre. Ça le frustre parce que les larmes coulent d'elles-mêmes sur son visage pâle et qu'il ne peut rien pour les retenir. Son frère souffre par sa faute et ça le ronge de l'intérieur. Heureusement, son jumeau arrive toujours à trouver les mots justes pour apaiser un peu son coeur endolori. Comme il l'a fait ce jour-là et les jours d'avant et comme il le fera toujours à l'avenir.
(+) Pourtant, Corvus ne regrettait pas que son frère ait pris cette décision auparavant. Il s'en sentait extrêmement coupable, mais il avait l'impression que leur lien n'aurait pas été le même si les choses s'étaient déroulées différemment. Et ce lien était très fort; ils avaient développés une complicité fusionnelle. Certains pourraient dire qu'ils étaient bien trop proches l'un de l'autre pour que ce soit sain, mais l'aîné était heureux de pouvoir toujours compter sur Orion qui était rapidement devenu la seule signification de son existence.
(+) Le moment qui marqua probablement le plus sa vie se déroula lors de ses seize ans. Ils tentaient souvent de profiter des bons moments tant qu'ils étaient là, car ils ne duraient jamais très longtemps. Les moments du genre, il les chérissait en même temps de les haïr. Parce que dans sa mémoire, les moments heureux débouchaient inexorablement sur des moments horrifiants. Il n'oubliera jamais l'image de son père entrant dans leur chambre, une bouteille à la main. Pire encore, il n'oubliera jamais la sensation de ses doigts empêtrés dans sa chevelure pour le forcer à se relever. À ce moment-là, il aurait voulu lui cracher au visage de la même façon qu'Orion lui tenait tête, mais au final, il n'avait même pas pu affronter son regard. Il avait seulement encaissé les coups sur son visage et le sang qui s'écoulait doucement de ses narines. Il avait eu la brève pensée que cette fois-là, il l'aurait battu à mort si son frère n'avait pas été là pour intervenir. Enfin, plutôt s'il n'avait pas sortit une arme à feu de l'armoire. La simple vue de cette petite chose suffit à lui nouer l'estomac. Pourtant, ce qui l'avait détruit, était le fait que son père se serve de lui comme d'un bouclier. Il n'aurait pas penser que son paternel serait tombé si bas. Il se souvenait encore de tout l'amour qu'il leur donnait avant de perdre son emploi...
Le premier coup de feu l'avait fait sursauter, son coeur tambourinant contre sa poitrine. Il avait perdu pied à ce moment-là, sous la peur, mais s'était bien vite relevé. Son souffle s'était coupé sous la scène qui se déroulait sous ses yeux. Tout s'était passé très vite, si bien que son cerveau n'avait pas eu le temps d'analyser la situation correctement avant que son frère ne s'approche de lui pour tenter de le rassurer. Ça avait été le moment qu'avait choisi sa mère pour faire irruption dans le décor. Cette femme qui n'avait rien fait pour eux, mais qui avait tout vu. Il lui en voulait soudainement d'avoir gardé le silence et il savait qu'Orion ressentait la même chose. Le cadet l'avait poussé pour qu'il lui fasse dos et avait posé sa main libre devant ses yeux. Alors qu'il s'assurait de poser les siennes sur ses oreilles. Il appuyait avec une telle force qu'il se faisait mal, mais il entendit quand même les coups de feu. À chacun d'eux, le plus vieux des jumeaux avait sursauté, se battant intérieurement pour ne pas laisser les larmes couler sur ses joues.
Puis il avait pris la fuite aux côtés de son bien-aimé frère avec rien d'autre que deux sacs contenant tout juste le nécessaire. Mais ils étaient enfin libres et ça, Corvus ne pouvait que l'apprécier. Malgré la vie de fugitif qui s'en suivit. Ça lui faisait bizarre de voir que son visage était partout et qu'on tentait de le retrouver alors qu'il n'avait rien faire. C'était Orion qui avait commis les deux meurtres, mais pourtant, ça n'arrivait pas à l'effrayer et pour rien au monde il ne l'aurait vendu aux flics. Parce qu'égoïstement, il était enfin heureux.
(+) Une année sévit en présence du gang qu'ils avaient rejoint suite à la mort de leurs parents. Tout ça, c'était uniquement pour Orion, car l'aîné n'approuvait pas ce genre d'organisation. Ou était-ce plutôt l'idée que son petit frère mette sa vie en danger pour en dérober une autre qui lui déplaisait plus? Il aurait pu rester tous les jours à l'attendre dans sa tour dorée, mais Corvus se laissa corrompre par les petits plaisirs que pouvaient offrir un gang. Il ne plongea toutefois pas assez profondément pour ne plus jamais pouvoir s'en sortir et aujourd'hui, c'était comme s'il ne s'était rien passé. Comme s'il n'avait jamais touché à la drogue de sa vie. Comme si on n'avait jamais abusé de son corps trop souvent. Il n'en éprouvait aucune honte, juste un sentiment de dégoût envers sa personne. C'est pourquoi il accepta volontiers ce nouveau passeport et cette nouvelle pièce d'identité. Il avait même hâte de quitter les États-Unis pour la Corée du Sud. Ainsi, il pourrait recommencer tout depuis le début.
(+) Une année passa où ils purent se reconstruire. Loin de leur passé douloureux. Du moins pour Corvus et il espérait que ce soit aussi le cas d'Orion. Parce que rien au monde ne lui importait plus que le bien-être de son jumeau. Ils avaient intégré la Yonsei ensembles et partageaient un logement le week-end et durant les vacances. Tout allait pour le mieux. Et ça aurait dû continuer comme ça. Peu importe combien de fois il y pensait aujourd'hui, Corvus espérait toujours pouvoir changer ce moment précis. L'angoisse qui l'avait envahi cette nuit-là était encore présente dans ses entrailles. Cette angoisse de ne pas voir arriver son cadet même minuit passé. Il n'avait pas simplement pu aller dormir, le stress l'empêchant de fermer l'oeil. Il s'imaginait toujours le pire concernant sa moitié. Et le voir passer le pas de la porte, la main à l'épaule et pissant le sang l'avait quelque peu anéanti.C'était avec la peur et la rage au ventre qu'il l'avait obligé à s'asseoir sur le canapé avant d'aller chercher le nécessaire pour retirer la balle de son épaule. Ce soir-là, il avait gardé le silence tout le temps que dura ses soins. Il avait même songé à ce moment que jamais il ne pourrait devenir médecin. Il en avait assez de soigner son frère et de se faire du sang d'encre pour lui. Ça le pourrissait de l'intérieur.
Les jours qui avaient suivis, aucun des deux n'avaient fait acte de présence en cours. Orion trop occupé à guérir et reprendre des forces et Corvus trop occupé à le soigner. Le silence s'était fait notable et presque lourd, mais l'aîné refusait de prononcer une seule parole. Puis au bout d'une semaine, il avait finalement décidé de se lancer et intimer à son jumeau d'arrêter tout ça. S'il avait su que ces simples paroles - son simple désir de le savoir en sécurité - auraient déclenchés une telle dispute, il se serait retenu de les dire. Parce que ça lui arracha son jumeau et que toute sa vie perdit son sens à ce moment-là.
"Ne reviens plus jamais!"
Lorsque ces mots avaient fusés, Corvus avait senti son coeur se briser en milles morceaux et il avait quitté l'appartement en claquant les portes. Il était désemparé, blessé et en colère. Il y avait des larmes qui brouillaient sa vue et sans même regarder, il traversa la rue au moment même où un chauffard ivre passait à l'intersection et le renversa. Il se souvient de la douleur qui avait envahi son corps sous l'impact violent et sa tête avait violemment frappé le sol dur, l'envoyant directement dans le néant.
(+) Corvus resta ainsi quelques mois dans le coma avec les infirmiers qui avaient perdu l'espoir qu'il ouvre de nouveau les yeux un jour. Au final, il avait pu s'éveiller avec un sentiment désagréable. Il ressentait de la haine, pure et profonde pour son jumeau et c'est probablement pour cette raison qu'il décida d'user de ses charmes sur un jeune médecin pour l'aider à se faire passer pour mort. Pas question qu'Orion pense qu'il en est sortit après ce qu'il lui a dit. Pourquoi le mériterait-il? Après tout, il lui avait clairement dit de ne plus jamais revenir.
Il allait être servi.
(+) Il a essayé de refaire sa vie en allant au Japon, mais il ne pouvait pas faire abstraction de sa haine - et de son amour aussi - pour son précieux Orion. À peine après s'être installé au Japon et avoir appris la langue, Corvus revint à Séoul.