Le fracas brutal que je pus entendre me fit froid dans le dos. Je savais qu’il faisait à nouveau étalage de sa colère sans fondement. Je savais qu’il s’acharnait sur ceux qu’il estimait ne pas être dignes ses efforts.Je savais… et pourtant encore une fois, je ne faisais rien. Les yeux rivés sur le code pénal qui gisait entre mes doigts, je me fis sourd à tout ce qui parvenait à mes oreilles. Je restais immobile, sans respirer, presque sans vie dans la pièce où je me sentais en sécurité. Et pourtant… j’aurais dû lui venir en aide. Ce frère qui s’effondrait sous la détermination de ses poings. Ces sœurs qui encaissaient la déferlante de reproches et d’insultes qu’elles ne méritaient pas. Mon sang bouillonnait et faisait battre mes veines avec puissance, mais même cette tension ne parvint pas à me faire quitter mon cocon. De quoi avais-je peur ? Que pouvais-je redouter, n’étais-je pas son fils prodige ? Celui sur lequel il fondait tous ses espoirs. Celui sur lequel il misait tout. Celui qui pourtant n’avait qu’une envie : fuir. S’il savait... La sonnerie de mon téléphone m’arracha à ma léthargie forcée, et je pus y lire son nom. Mon cœur loupa un battement avant que je ne saisisse l’appareil d’un geste empressé. Sa voix… sa voix si douce était une lumière dans les ténèbres de mon foyer. Son ton si chaud eut pour effet de me sortir de ma paralysie, et en quelques minutes seulement je m’accordais cette fugue pour aller la retrouver.

Sa simple présence m’arrachait un sourire, sincère, puissant. Elle seule parvenait à me faire sortir de ma carapace sans pour autant jamais ne s’approcher trop près. Elle qui connaissait l’histoire dans les grandes ligne, la douleur d’une famille désormais déchirée. Elle vers qui j’allais irrémédiablement… sans ne jamais être sien. Je me languissais d’enfin pouvoir la toucher, l’enlacer et l’embrasser mais le pantin que j’étais faisait preuve d’une détermination sans faille et refusait de lui faire courir le risque. Je m’accordais seulement ces quelques répits à ses côtés, des instants volés à la barbe du bourreau de famille. Ces moments précieux et que je gardais secrets. Si j’avais su… aurais-je seulement pris mon courage à deux mains pour enfin goûter à ce que mon cœur désirait tant ? Si j’avais su que ce rendez-vous était le dernier…


Peu importait le nombre de jours, de semaines, de mois ou même d’années… sa disparition soudaine laissait un trou béant dans ma poitrine. Elle avait emportée avec elle un bout de moi, de mon cœur et de mon âme. Et si mon regard se perdait dans les étoiles, l’idée qu’elle puisse danser avec les anges m’était douloureuse. Trop douloureuse. Les larmes ne roulaient pas sur mes joues, et si le muscle battant se serrait à en faire mal, je ne concédais cette faiblesse qu’à la lune. Je lui faisais part de l’affliction qui vrillait mes sens en une prière silencieuse. Elle n’était plus… et avec elle, elle avait emporté le peu de volonté et de détermination que je rassemblais depuis tant de temps, et une nouvelle fois, je les laissais eux souffrir pour moi…