Lorsque j’avais trouvé ses journaux, j’avais été partagé entre le fait de les lire et celui de les laisser. Ma curiosité mal placée, m’avait encouragé à les ouvrir. Et les peu de mots que j’avais parcourus avaient su attirer mon attention. Je connaissais Sawan, ses peurs, ses craintes et son histoire. Mais j’avais découvert quelque chose de plus profond encore. Happé par ses douleurs, ses maux et sa tristesse… tout m’avaient touché et terriblement perturbé. Le soir quand elle rentrait chez elle, je l’avais prise dans mes bras, en me disant que « jamais je ne la blesserais. » j’y croyais tellement. Je voulais qu’elle soit douce avec moi, tout comme je serais doux avec elle. Elle trouvait toujours les bons mots. Me réconfortant, apaisant ces douleurs et ces troubles. Je n’étais pas si malheureux, comparé à elle. Et j’avais finis par le comprendre, même si jamais elle ne me jugeait. Je me souviens encore de ce mois passé chez elle. Allongé sur son lit d’adolescente à refaire le monde. La voir sourire, se sentir plus tranquille parce-que enfin on se retrouvait. Je n’avais plus le stresse des études, mes parents me haïssaient encore plus après avoir reçu cette lettre d’exclusion. Alors au fond, je profitais. Je me laissais vivre et j’avais tant aimé. Si elle savait… ce mois avait été précieux pour moi. Elle m’avait empêché de sombrer. Et savoir qu’elle reviendrait le soir me faisait du bien. Aujourd’hui je n’ai que colère, haine envers elle. Voir son petit minois triste, me rend heureux. Moi qui détestais la voir pleurer, j’espère la voir déverser une larme. Souffrir comme je souffre ! J’ai tout perdu à cause d’elle. Mes rêves, mon bien-être, mon avenir. Kitae me détesterait s’il savait ce que je pensais. Moi à qui on venait d’offrir un contrat. Quel chieur je faisais à toujours me regarder mon nombril contrarié. Mais sans Ye Won, je me sens impuissant. Incapable d’avancer, alors je rejette la faute sur un coupable. Elle… face à moi, son regard brillant et cette douleur. Une part de moi se brise, gravant à jamais cette lueur dans ses yeux quelque part dans mon esprit. Plus rien ne sera comme avant. Nous ne sommes plus que l’ombre de nous-même. J’ai un sourire aux lèvres, satisfait et je détourne enfin les yeux. Prenant ces applaudissements pour moi. Regardez qui je suis ! Homme devenu si vile pour une simple vengeance. Impatient et sans cœur, je veux qu’elle sache que jamais je ne pourrais lui pardonner. D’une malveillance mal placée, je me dis enfin que nous sommes quittes. Et pourtant, je ne pensais pas qu’elle se lèverait pour venir me retrouver. A peine puis-je poser mes yeux sur elle. Déjà sa paume s’abat sur ma joue. Une telle violence, que ma tête suit le mouvement. Un gout de sang déjà sur mes lèvres, je fronce les sourcils en la regardant. Je l’ai touché ! Droit au cœur. Et si je devrais me sentir coupable, je me sens presque victorieux. Un sourire arrogant, j’essuie le coin de ma bouche. « Bah c’est ça barre toi ! Je veux plus de toi dans ma vie de toute façon. » je regarde sa silhouette s’éloignée. Sans m’y attendre, je sens brusquement la poigne de Kitae venir m’attraper. M’attirant plus loin derrière la scène, il me rejette l’air dégouté « Putain Il Kyang ! Je te reconnais plus. » « Quoi ? » je ne comprends pas ce qui lui arrive. Pourquoi il vient me faire la morale ? « Je… je te savais pas capable de ça. Tu te rends compte de ce que tu viens de faire ? » Oui et j’en suis plutôt fier. Du moins je le pensais, jusqu’à voir cette lueur dans ses yeux. Il baisse la tête, l’air contrarié et subitement triste. « Je.. je sais pas qui tu es. Je t’ai jamais vu comme ça. » Vraiment ? Je ne m’attendais pas à ce que ses mots soient aussi violents. « Mais… elle l’a mérité, après ce qu’elle m’a fait. » « Et alors ? Tu crois que ça justifie le fait de dévoiler sa vie comme ça. Putain, si j’avais su que c’était ça je t’aurais jamais laissé faire. » Je pousse un soupir agacé. Il me prend la tête à toujours être contre moi. « T’as été trop loin. » Il se détourne de moi, je le retiens mais il se dégage de ma prise « Attends… » mais c’est trop tard. Il me déteste ! J’ai du mal à croire que je suis allé trop loin. Pour moi c’était le geste à faire. Celui qu’elle méritait. Pourtant quand j’avais écrit cette chanson c’était pour elle… pour la libérer. Pour lui montrer qu’en réalité elle pouvait avancer. Que ses craintes prenaient sens, mais qu’elles pouvaient aussi l’aider. Je voulais l’aider à aller mieux ! Désacraliser ses peurs pour en faire une force. Mais aujourd’hui plus rien n’a de sens… et je me rends compte que Kitae a raison. Je ne sais plus qui je suis.

Hagarde Sawan était sortie du bar sous les regards soufflés des gens. Ils s’écartaient sur son chemin comme s’ils craignaient, eux aussi, de recevoir une gifle. L’air frais de l’extérieure n’eut même pas le mérite de la réveiller. Sawan n’était que l’ombre d’elle-même et rien ne pourrait réellement la consoler ce soir. Plantée au milieu du trottoir elle tente de reprendre ses esprits. Elle ne sait plus ce qu’elle veut, elle ne sait plus où elle habite, ni ce qu’elle doit faire. Elle frissonne de froid et sent sa gorge se nouer si fort qu’un sanglot s’échappe de ses lèvres alors qu’elle se met à pleurer. Depuis quand n’avait-elle pas pleurer ? Elle reste de longues minutes ainsi à laisser ses larmes brulantes couler sur ses joues. Soudain elle sent, on ne sait par quel miracle, une présence à ses côtés et une main douce se poser sur son bras. « Sawan?... Ça va ? » Il pouvait bien voir à son regard que la réponse était évidente. Les larmes coulaient toujours sur ses joues sans même qu’elle ne le réalise. Elle était à bout Sawan, elle ne voulait qu’une chose : rentrer chez elle et se réfugier dans son lit. Ne plus penser à rien et simplement dormir. Dormir sans se réveiller lui paraissait être une bonne idée, délicieuse et salvatrice. Se réveille plus tard quand tout sera fini, quand son cœur cessera de souffrir. « ... je suis désolé ... pour ce qu'a fait Il Kyang. Je te promets que je savais pas... » elle ne sait comment mais la jeune fille arrive à trouver le courage d’esquisser un semblant de sourire en coin. « Si j'avais su, je ne l'aurais pas laissé faire. » elle secoue la tête. Elle avait été incapable de parler jusque-là, sa voix se cassant avant même qu’elle n’ait pu avoir l’envie de dire quoique ce soit. Déglutissant elle réussit enfin à lui dire « Ça n’a plus d’importance maintenant. » et c’était vrai. Tout était brisé de toute façon. Il n’y avait plus rien à sauver. « Je le mérite. On est quitte. » quand bien même son geste avait été destructeur car Il Kyang avait brisé le peu de chose qu’elle avait su préserver du monde. Il venait de la mettre totalement à nue. Et quand bien même le geste de Sawan avait été horrible et impardonnable, elle savait que ce soir le peu d’amour qui lui restait pour Il Kyang venait de se briser définitivement. Elle pose sa main sur celle du garçon accroché à son bras et la serre dans un premier temps puis s’en libère. Elle se rapproche de lui et dépose un baiser sur sa joue. « Désolée d’avoir été une distraction à votre musique. » souffle-t-elle avant de se reculer « Prends soin de lui … cet idiot ne sait jamais faire les bons choix. » elle ne s’inquiétait pas pour Il Kyang. Il avait suffisamment de bonnes personnes pour le soutenir et l’aider. Et au vu de ses sentiments pour cette fille, elle ne doutait pas qu’ils finiraient par se retrouver. Elle … il faudrait qu’elle puisse se reconstruire et il n’y avait que deux personnes auxquels elle pensait ce soir. Les deux seules qui lui restaient. Seo Joon et Mei. En croisant le regard de Kitae elle grimace à cette nouvelle vague de larme qui la secouait. Elle pleurait. Pas seulement pour l’acte innommable qu’avait pu commettre son plus cher ami, mais parce que tout était fini. Il Kyang venait de sortir de sa vie, définitivement. C’était peut-être ça le plus douloureux à encaisser. Il avait quitté sa vie en détruisant tout ce qu’il pouvait. Il avait réussi sa vie et maintenant elle était seule. Comment pourrait-elle faire confiance à nouveau ? Son avenir lui paraissait bien sombre. Alors la jeune femme préféra se concentrer sur ses études et faire taire ses sentiments. Toutes ses émotions ne finiront que par la tuer alors il était temps qu’elle les supprime. Elle regarda une dernière fois Kitae qui semblait désolé et dépassé. D’un pas vacillant elle vient se réfugier une dernière fois dans ses bras parce qu’elle savait qu’en quittant ainsi la vie d’Il Kyang elle quitterait son entourage … Elle avait toujours apprécié Kitae, lui qui savait comment la faire rire. Mais elle lui disait au revoir à son tour car de toute évidence quand bien même il ne prendrait jamais le parti de Il Kyang, il ne le laisserait pas non plus. C’était triste pour Sawan, car elle ne disait jamais aux gens qu’elle tenait à eux. Kitae ne devait jamais l’avoir su, mais elle tenait à lui et l’appréciait. C’était trop tard pour lui dire. « Prends soin de toi. » murmure-t-elle blottie contre lui. « T’es fait pour la musique Kitae … alors envoie-moi ton premier single quand il sortira … » elle le pensait. Elle était sincère. Et après une dernière étreinte, elle se détourne sans un regard et remonte la rue pour rentrer chez elle à pied. Sa silhouette amaigrie fut engloutie dans la foule de la rue et c’est ainsi que Sawan disparu de leur vie.