La jalousie, ça bouffe les tripes. Surtout celles de Corvus qui n'arrive plus à penser correctement sous son effet. Il en devient impulsif et peut nuire aux autres en plus de se nuire à lui-même. C'est maladif chez lui et il n'y peut malheureusement rien. C'est après coup qu'il peut le regretter, mais dans cette situation, il ne semble pas pouvoir ouvrir les yeux sur les effets néfastes qu'il a. D'ailleurs, c'est pourquoi il se trouve là à attendre une certaine personne. Ils ont très probablement des comptes à régler. Ce n'est pas la première fois qu'il attend San ici qui veut lui parler de ce qu'il fait. Parce que Corvus envie la relation de celui-ci avec sa jumelle, alors que lui n'a pas la meilleure des relations avec Orion. La chose qu'il a trouvé le mieux à faire dans ce cas-ci, c'est de tenter de foutre leur relation en l'air par pure jalousie. Pour l'instant, malgré des avertissements de la part de San, il ne réalise pas bien ce qu'il a fait et continue de faire. Il n'est pas foncièrement méchant, mais il n'arrive simplement plus à se contrôler depuis son accident de voiture et ça lui fait faire des choses qu'en temps normal, il n'aurait jamais osé penser faire. De nuire aux autres, ça n'a jamais été son genre, mais la vie change les gens, que ce soit en bien ou en mal. Et il semblerait que dans ce cas précis, ce soit en mal.

Puisque Corvus n'est pas étudiant et qu'il ne veut pas prendre le risque qu'Orion l'aperçoive dans l'enceinte de la Yonsei, ils ont convenu de se rencontrer au centre-ville de la Digital City. À vrai dire, il craignait un peu ce que San ferait cette fois-ci. Il sentait qu'il avait dépassé les bornes; la lucidité du moment lui faisant comprendre qu'il allait peut-être trop loin sous l'emprise de cette jalousie envahissante. Mais dès lors qu'il se retrouvait face à San, il ne savait pas pourquoi, son attitude devenait celle qu'il avait constamment quand il manigance contre les jumeaux Nan. Une part de lui espérait que San réussisse finalement à lui faire comprendre ça même lorsqu'il était dans cet état d'esprit. Il était épuisé de laisser son mental instable le guider dans ses choix et bousiller ses réelles valeurs et son réel comportement normal.

Lorsqu'il voit un peu plus loin celui qui lui a demandé de se réunir, son corps se crispe sous la tension. Corvus sent les palpitations de son cœur accélérer sous la nervosité soudaine qui l'assaille. C'était facile d'agir d'une certaine façon, mais lorsqu'il devait affronter les conséquences de ses actes, il stressait beaucoup. Comme il aimerait ne pas être comme ça. Il se sentait sale d'agir de façon aussi excessive. Ça n'a jamais été dans sa personnalité de nuire aux autres, mais aujourd'hui, tout avait changé, alors il ne pouvait qu'encaisser en silence et tenter de se défendre au mieux.

Las, j’expirais l’exaspération et la colère qui coulaient indolemment dans mes veines. Les émotions vivaces s’insinuaient et filtraient chaque membre, chaque organe comme pour les infecter. Et alors je repensais, à cette rencontre, à ce type qui jouait avec mes nerfs. N’avais-je pas assez à rattraper avec ma famille pour qu’il ne rende cette équation encore plus compliquée ? Pour quelles raisons prenait-il un malin plaisir à provoquer ma patience ? Je l’ignorais, et ce fut après une nouvelle altercations que je devais, une fois encore, remettre les points sur les i. J’avais quitté l’apparat du représentant de la justice pour me plonger dans des vêtements autrement plus confortables, et d’un geste, j’attrapais la veste qui pendait paresseusement sur la longue tige de métal.

D’un pas lent et lourd, j’avançais paré d’un air faussement serein, alors que je sentais déjà mes veines bouillir de la rage qu’il provoquait en moi. Petit crétin pensais-je. Et ce fut à cet instant précis qu’il apparut devant mes yeux. Là, attendant patiemment, presque tranquillement. Et la simple vue de son visage suffit à raviver la flamme des souvenirs douloureux qu’il avait tenté d’insuffler à une relation que je tentais de réparer. Les tentatives dissolues et cruelles de s’interposer entre Sori et moi. Le sourire narquois sur ses lèvres alors que je perdais mes moyens et que je laissais la colère prendre possession de ma voix et de mes gestes. Je n’arrivais pas encore à son niveau que j’en tremblais déjà à l’idée qu’il ne m’offre encore l’une de ses moues moqueuses et satisfaites. J’ignorais comment, mais il avait trouvé la faille, il savait tirer sur les bonnes cordes pour me faire sortir de mes gonds, et dès lors qu’il se trouvait à portée de voix, je l’interpellais. « Hey l’abruti ! » Direct, sans prendre aucun détour, je plantais le décor de ce dont il avait été l’instigateur. Les mains dans les poches, je sentais mes poings se serrer à chaque pas me rapprochant de lui. « Je n’ai pas toute la nuit, tu as cinq minutes ni plus, ni moins. Cinq minutes pour te justifier de ton comportement à la con et que je décide si oui ou non tu mérites mon poing sur le visage… » sifflais-je la mâchoire crispée. Il s’en était pris à moi au travers de Sori. Il avait touché à ce que je chérissais le plus en ce monde, plus d’une fois, et si d’ordinaire je parvenais à garder mon calme, l’heure n’était plus aux négociations.

La voix qui lui parvient et qui l'interpelle d'une façon pas très douce ajoute à sa tension. San n'est vraiment pas content et Corvus sait exactement pourquoi. C'est sa jalousie maladive qui le rend aussi furieux. Mais il n'arrive pas à se contrôler et il doit souvent faire face à ce genre de situations. Malgré que cette fois-ci, c'est bien pire, puisqu'il y a eu récidive de sa part, alors qu'il aurait tout simplement dû se la fermer et passer à autre chose. Comment réagirait-il si quelqu'un leur faisait - à lui et Orion - ce qu'il faisait à ces jumeaux? Il réagirait très mal, donc il ne peut que comprendre celui qui s'avance vers lui. Lui aussi semblait tendu, mais surtout en colère. Dans une colère noire que Corvus ne pouvait absolument pas éviter. Il a donc cinq minutes pour se justifier d'être aussi con auprès de San. Sauf qu'il ne sait pas quoi dire. Alors il lui offre son habituelle moue moqueuse et satisfaite. Il devrait sérieusement penser à se faire traiter, parce qu'il ne faisait qu'empirer les choses au lieu de les améliorer.

- Pourquoi est-ce que je devrais me justifier de quoi que ce soit?

Aussitôt, Corvus regrette ses paroles. Ardemment. Malheureusement, il ne peut pas faire marche arrière. Il est donc obligé de continuer sur sa lancée et de subir les foudres de son interlocuteur. Il sait comment tout ça va finir et ce n'est pas positif pour lui. Car il n'ira pas lui dire que c'est parce qu'il entretient de la jalousie envers lui et sa jumelle.

- Et pourquoi devrais-je avoir une justification pour faire ce que je fais? Est-ce que j'ai l'air de quelqu'un qui regrette ses gestes?

Non. Parce qu'il arrive à bien gérer ses expressions faciales, mais au fond de lui, il commence à avoir plusieurs regrets sur la nature de ses actions. Si seulement, il s'était contenté de mourir de jalousie dans un coin sans rien faire. Tout aurait été pour le mieux. Mais il avait fallu qu'il s'en mêle et pas de la plus douce des façons. Corvus était persuadé qu'après cette altercation, il n'arriverait plus à se regarder dans le miroir pendant quelques temps. Il le sait, alors pourquoi ne cesse-t-il pas d'être aussi arrogant? Il pourrait faire en sorte que son sort ne soit pas aussi terrible, mais il n'en fait rien. Il continue d'en rajouter, même. L'espace d'un instant, il maudit Orion, car c'est de sa faute si sa vie a basculée et qu'il est comme ça.