Ma Nah avait encore une fois travaillé tard au restaurant de ses parents. Elle arrivait un peu mieux à leur dire non, mais elle ne pouvait décemment pas les regarder s’épuiser à gérer leur restaurant sans les aider. Sa sœur jumelle et son frère se chargeaient bien de ça déjà. Voilà peut-être pourquoi Ma Nah était la plus docile face aux décisions de ses parents qui tendaient sans le vouloir à la façonner à l’image de l’enfant parfait qu’il voulait avoir. A leur yeux Ma Nah restait cette enfant surdouée, vierge et de bonne famille qui faisait toujours tout pour plaire aux yeux. Une enfant bien élevée qui faisait leur fierté … Mais Ma Nah étouffait dans ce cocon. Elle en avait marre de jouer un rôle sans réussir à trouver qui elle était. Elle avait cru, pendant quelques semaines, avoir compris qui elle était. L’Australie avait été sa plus belle échappatoire alors que toute sa vie avait changé. Elle n’avait rien regretté et ce temps-là lui manquait cruellement. Ou bien était-ce peut être Sang Jun … il lui avait offert un instant de rêve volé et malgré les mois qui passaient, elle n’arrivait pas à les oublier. Elle n’avait pu se résoudre à effacer cette photo de lui qu’elle avait. La seule. Comme si c’était la seule chose qui lui rappelait qu’elle n’avait pas rêvé et qu’il avait bel et bien existé. Mais la vie avait dû continué et parfois elle se demandait ce qu’il faisait. Souvent même. Elle aurait aimé pouvoir lui envoyer rien qu’un message. Savoir comment il allait, mais ils savaient très bien  qu’un simple message aurait ravivé le manque plus encore. Alors Ma Nah avait décidé de jouer le jeu, d’avancer et de ne plus (trop souvent) penser à lui. Elle s’était même trouvé un nouveau petit ami, parce qu’Evan lui avait toujours plu mais … mais elle se devait d’avancer. Elle savait au fond d’elle qu’elle n’était pas amoureuse, mais qu’elle avait eu besoin de cette relation pour oublier celle qui la hantait. Etait-ce égoïste ? Oui, cruellement. Elle ne voulait pas lui faire de mal, et se plaisait vraiment dans sa relation avec lui mais il y avait des choses qu’on ne pouvait contrôler. Sang Jun en faisait partie. « J’y vais maman à plus tard ! » elle referme la porte sur elle avec un sourire et remonte son manteau pour se protéger du froid. Elle remonte la rue les yeux rivés sur son téléphone. Elle ne fait pas attention à ce qui l’entoure Ma Nah, petite fille encore bien trop imprudente … elle enfile ses écouteurs et lance sa musique. Si elle marche assez vite elle pourra rejoindre son dortoir avant le dernier bus. Elle ne rêvait que d’une chose : son lit. 

 

Sang Jun avait suivi une énième fois Caspian dans un bar. Depuis que le militaire était revenu, il savait qu'il n'allait pas échapper aux nombreuses sorties voulues par ce dernier. Et il le quittait toujours quand ce dernier semblait avoir trouvé sa conquête. Comme ce soir-là, à ce moment exact. Le jeune homme, amusé, quitta donc le bar, laissant son meilleur ami en très très bonne compagnie vu le sourire de félin qui agrémentait son visage.

Le mafieux était bien loin de s'intéresser à tout ça. Tout cela serait mentir de dire qu'aucune femme ne s'intéressait à lui. Pur mensonge. Plus d'une avait voulu s'asseoir sur sa jambe. Il les avait plutôt comparé à des singes se balançant d'arbres en arbre pour atterrir sur la cuisse qui les accepteraient. Très peu pour lui. Et encore moins depuis qu'il avait rencontré un petit lapin angélique. Son effluve virevoltait encore autour de lui alors que l'Australie faisait partie du passé. Du moins, c'était ce qu'il pensait. Son regard se fixa sur une silhouette féminine qu'il reconnut directement. Son regard se posa sur le nom du restaurant avant de se reposer sur Manah. Lui qui allait faire demi-tour, s'arrêta un peu plus, fixant du regard la scène étrange et digne d'un mauvais film à l'eau de rose se dérouler sous ses yeux. Il plaça la capuche de son sweat sur sa tête, suivant le jeune homme qui semblait suivre sa Manah. Et il eut confirmation quand celui-ci leva la main pour attraper l'épaule de cette dernière. Il fut plus rapide, attrapant le poignet de l'individu avant de le tordre. Et sans laisser son reste. Il attrapa Manah par la hanche, son autre main sur son poignet pour l'amener au plus près de la route et d'appeler un taxi. Et quand celui-ci arriva très rapidement, il grogna, de sa voix grave, sans fixer Manah. "Rouler vite à cette adresse." C'était celle de son dortoir.

Ma Nah n’avait clairement pas eu le temps de comprendre la situation qu’elle s’était retrouvée dans un taxi. Encore une minute avant elle marchait tranquillement sur le trottoir. Elle n’avait ni sentie le danger, ni la présence de cet homme qui l’avait presque attrapée. Elle avait seulement senti quelqu’un lui attraper le poignet alors qu’un gémissement de douleur se faisait entendre derrière elle. Elle avait à peine eu le temps de baisser les yeux pour voir cet homme à genoux devant elle les yeux douloureux. Et cet autre homme. En capuche. Son cœur rata un battement à ce parfum qu’elle ne connaissait que trop bien mais qu’elle avait honteusement mépris depuis son retour d’Australie. Il ne s’agissait là que d’un parfum d’homme classique qui appartenait pourtant au seul homme qui réussissait à lui hanter l’esprit. Elle se persuada alors que ça ne pouvait être lui (ce n’était jamais lui) et poussa un couinement quand elle sentit le siège du taxi amortir sa chute. Qu’est-ce que cet homme venait de faire ? Mais plus troublant encore, comment connaissait-il l’adresse de son dortoir ? LA jeune femme oscillait entre la peur et la surprise. Ne sachant comme réagir, manquant de réaction face à la soudaineté du moment, elle s’écria alors que la porte se refermait déjà. Son esprit fut perturbé un instant alors qu’elle vit l’homme au sol se relever et partir en courant comme le coupable qu’il était. Ma Nah fit alors glisser la fenêtre pour l’ouvrir en grand demandant au chauffeur d’attendre une seconde. « Attendez ! On se connait ?! » elle se doutait bien que l’homme ne répondrait pas alors elle lança « Comment je peux vous remercier ?! Monsieur … ? » tenta-t-elle vainement la voix triste. Triste de ne pas avoir pu le retrouver lui, à nouveau.