Un dernier clic pour valider son achat, une notification qui apparaît sur l'écran de son téléphone. La réservation est faite, dans quelques heures, elle s'envolera vers les États-Unis, partira rejoindre Min, pourra enfin se défaire un tant soit peu de ses tourments. Un soupire glisse entre ses lèvres à cette idée, elle en a besoin. Elle a besoin de se retrouver elle-même, de trouver le moyen de tirer un trait sur tous ce qu'il s'est passé. Quarante-huit heures à peine après être sortie de l'hôpital, elle s'apprête enfin à s'évader. Elle essaie de prendre les choses en main, de prendre enfin les bonnes décisions. Mais elle sait qu'elle n'y arrivera pas seule. Et dans tout ce malheur, elle se trouve malgré tout chanceuse d'avoir Min Young, qui l'a poussée à le rejoindre pendant une semaine. Il lui a certifié que ce serait le meilleur moyen de se changer les idées, et elle a envie d'y croire. Il faut qu'elle passe à autre chose. Il faut qu'elle arrive à avancer, même si ça semble encore impossible. Ses doigts tapotent lentement le bois de son bureau, son regard se perd à travers la pièce. Depuis qu'elle est sortie de l'hôpital, Ye Won se sent vide. Comme si elle n'arrivait plus à ressentir quoi que ce soit. Comme si une part d'elle s'était envolée ce soir-là. Et elle n'arrive pas à savoir si c'est une bonne chose ou pas. Pendant un instant, elle se perd dans ses pensées, encore si sombres. Elle n'entend même pas son téléphone sonner, se renferme une fois de plus sur elle-même. Sa mâchoire se crispe, ses bras se tendent finalement devant elle. Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, l'esprit hagard. Elle trouve malgré tout le courage de se lever pour préparer sa valise, dans un silence assourdissant. A vrai dire, elle ne supporte plus aucun bruit, aucune présence non loin d'elle depuis qu'elle est revenue au dortoir. Elle reste désespérément seule, ne parle à personne. Elle attend la nuit, que tout le monde soit endormi, pour se faufiler dans les couloirs, être sûre de ne croiser personne. Elle devient peu à peu un véritable fantôme dans cette grande maison qu'elle habite pourtant depuis si longtemps.

Un dernier tour de la pièce, un dernier vêtement qu'elle glisse dans sa valise. Elle vérifie qu'elle a tout ce dont elle a besoin, même si elle part avec le strict minimum. Elle n'a plus le goût à rien, arrête de réfléchir et laisse simplement son corps guider ses gestes. Son téléphone et son passeport à la main, elle ferme son sac, enfile son manteau. Au loin, elle entend le klaxon du taxi qui l'attend. Sans avoir la force d'affronter le regard des autres, elle attrape ses affaires, et marche le plus vite possible jusqu'à l'extérieur. Même le vent frais sur ses joues ne lui fait aucun effet, et elle s'engouffre rapidement dans la voiture pour s'enfuir. Parce que c'est ce qu'elle fait, finalement. Elle fuit son propre toit pour son bien. Pour ne pas avoir à le croiser, ni lui, ni Sawan. Pour ne pas avoir à passer devant cette chambre et revivre cette scène qui a bien trop torturé son cœur. Pour ne plus avoir à sentir son odeur dans les couloirs, ni même entendre le son de sa voix au loin. Tout lui rappelle ces affreux moments, ce geste de désespoir, et cette envie certaine d'en terminer avec ses propres sentiments, ce quotidien qui la bouffe encore. Elle sent comme un poids qui se retire de ses épaules lorsque le véhicule fini par s'éloigner. Peut-être que Min avait raison, que partir loin de lui, même pour quelques jours, l'apaisera un minimum. Elle se raccroche à ce qu'on ose lui donner, même si au fond d'elle, elle ne croit plus en rien.

Le long du trajet, elle observe le paysage défiler devant elle. Des rues qu'elle connaît par cœur, des lieux qui ramènent ces souvenirs à son esprit. Ceux d'un temps heureux. Ceux d'un temps où l'amour se faisait bien moins douloureux. Bien malgré elle, une larme perle sur sa joue. Au fur et à mesure du temps, elle prend davantage conscience de ce qu'elle a perdu. L'énergie qu'elle a voulu mettre à lui pardonner, sans qu'il ne lui laisse réellement le temps d'y parvenir. Parce que tout s'est enchaîné trop vite. La découverte de ces mensonges, de ces liaisons cachées. Tout a été ébranlé en quelques nuits à peine. Elle s'en rend bien compte lorsqu'elle observe une nouvelle fois cette lune tatouée sur son poignet. Le chemin se fait bien plus rapide qu'elle ne l'aurait cru, alors que la voiture s'arrête finalement devant la porte de l'aéroport. Quelques billets qu'elle donne au chauffeur avant de sortir, aller fumer une cigarette. Cette fumée opaque qu'elle laisse échapper entre ses lèvres n'est que le reflet abstrait de ce qu'elle est au fond d'elle. Une âme en peine qui erre, laissant ses sentiments se dissiper tant que cela semble encore possible. Un regard sur l'écran de son téléphone, elle sait qu'elle a encore un peu de temps devant elle, en profite alors pour aller s'enregistrer. Elle garde en tête cette simple idée : d'ici peu, elle s'envolera loin de tout ce qui la consume a petit feu.

Le regard figé sur mon bras, je laisse échapper un soupir pesant. Je suis resté silencieux toute la matinée, relevant à peine le visage vers lui. Le cœur lourd, je caresse du bout des doigts cette lune qui nous lie. Je la déteste… elle me fait mal, tout comme elle me rappelle ce que nous étions et aurait pu être. J’inspire doucement, tapote mes doigts sur le bois de ma guitare sans trop savoir ce que je fais là. Il n’ose pas parler non plus, surement parce qu’il ne sait pas quoi me dire. Je joue, du moins j’essaie pour me changer les idées, oublier. Mais c’est dur, j’ai encore toutes ces images dans ma tête. J’en cauchemarde la nuit. Depuis je n’ai pas vraiment osé remettre les pieds au dortoir. J’ai dormis chez Kitae durant deux nuits. Mais aller en cours comme si de rien n’était me fatigue. Est-ce que ces gens savent ? Est-ce que ces gens parlent d’elle ? Je suis toujours morne. Je broie du noir, mais mon meilleur ami me garde sous surveillance. Peut-être parce qu’il a peur que je sombre, que j’aille à nouveau boire jusqu’à ne plus me souvenir. Mais je n’en ai pas envie, j’ai fait des efforts depuis que je sais... que Sawan est enceinte. Surement parce-que je ne voulais pas que ce bébé est un père alcoolique, un vieux toxico. Nouveau soupir alors que je rate une note. « Désolé. » lâche-je sans relever les yeux vers lui. Je ne suis pas dans mon assiette. Je n’arrête pas de penser à elle. J’aurais aimé lui parler, plus calmement. Savoir comment elle allait, mais je n’avais pas osé. Elle devait surement être dans les bras de Ji Ho. Il devait surement prendre soin d’elle, plus que je ne pourrais le faire. Et ça avait beau me tuer, je l’admettais. Ji Ho était mieux placé pour ça. Pourtant, je me sentais triste. J’aurais aimé avoir de ses nouvelles par moi-même, pouvoir lui parler, finir cette discussion qui peut-être ne menait à rien. J’aurais aimé qu’elle me dise ce que nous serions… des étrangers ? Juste des exs ou… je ne sais pas. Je laisse mes doigts courir sur les cordes, rate encore une note. « C’est pas grave. » je relève les yeux vers lui, son regard bienveillant tourné vers moi. « On peut faire une pause si tu veux. » Pourquoi est-il toujours gentil avec moi ? Parfois j’aimerais qu’il me dise qu’il me hait. Mais Kitae est toujours là, quoiqu’il arrive. Je souffle plus fort, dépose ma guitare et pose ma paume sur mon bras. « Je suis pas dedans. » il le sait, il hausse juste les épaules. « Tu as besoin de quoi Il Kyang ? » d’un peu d’espoir ? D’un peu d’elle ? De son amour ? Mais je réfute ces idées, détourne les yeux et fais la moue. « Pourquoi tu vas pas lui parler ? T’en meurs d’envie. » « Elle ne voudra pas me voir. » et je la comprends. Je me déteste aussi. J’ai du mal à supporter ce que je suis. « C’était un peu la folie cette nuit-là. Je pense que vous avez besoin de recule pour discuter un peu. » « Tu crois quoi ? Qu’elle va m’accueillir à bras ouverts et me dire qu’elle m’aime aussi ? » je prends un ton ironique. Mais il ne relève pas ma moquerie, se contente simplement de sortir son téléphone. « Ecoute… Jae m’a dit qu’elle allait chez Min plusieurs jours. » Je me redresse, surprit et à la fois stressé tout à coup. Est-ce qu’elle va là-bas pour se reposer ? Pour… oublier ? « Je… » « Tu devrais aller la voir. T’as besoin de savoir… je crois. » il fait la moue, sans trop savoir au fond ce que je recherche. Et il a raison ! « Je vais y aller… il faut que je lui parle. » à l’abri des autres. Des regards et surtout de Ji Ho. J’ai besoin de la voir. Savoir comment elle va. C’est vital, ça me rend fou d’être loin d’elle. Alors j’attrape ma veste, remercie Kitae et envoie des messages à Jae. Le premier au courant de tout ça. Il ne m’a pas jugé, il n’a rien dit… contrairement à Min qui avait été plus dur avec moi. Mais comment lui en vouloir ? Il l’aimait, peut-être mieux que moi… Les informations que je recevais, m’indiquait d’aller directement à l’aéroport. Jae devait surement demander toutes ces news en direct à Min. J’espérais qu’il ne lui en voudrait pas d’avoir fait ça. Comptant sur mon ami, j’avais finis par arriver rapidement. Et j’espérais à temps pour pouvoir lui parler. Courant presque dans l’aéroport, je cherche des yeux les indications. Le numéro de vol, l’enregistrement. Je la cherche des yeux, quand enfin mon regard la croise à quelques mètres de là. Mon cœur vacille, mes yeux se fixe sur elle…. j’ai peur… et si elle me rejetait déjà ? Mais je voulais être courageux. Alors je prends ce qui me reste de fierté, avant de m’avancer vers elle. « Ye Won ? » peut-être serait-elle surprit de me voir là. Mais je n’en peux plus d’être loin d’elle. « Jae m’a dit que je pourrais te trouver là. » gêné, j’ose à peine la regarder. « Je… je voulais savoir comment tu allais. » pas seulement. Mais ça m’obsédait cette question. A quoi pouvait-elle pensé depuis qu’elle était sortie. Ça me rendait fou. Ma voix est douce, je n’ai pas envie qu’on s’énerve aujourd’hui. J’aimerais juste lui parler. Qu’on discute de ce qui s’est passé et… de ce que je lui ai dit. Je n’attends pas de réponse positive de sa part. Mais peut-être arriverait-elle à prendre du recul sur nous ?

Elle n'a envie de rien, erre dans cet aéroport sans réel but. Elle attend simplement que le temps passe, avant qu'elle ne puisse embarquer, s'envoler loin d'ici. Ce sentiment omniprésent qu'elle étouffe dans cette ville qui a vu tant de chapitres de cette relation se dessiner au gré des jours et des nuits. Des mois, des années même. Ces souvenirs de cette histoire n'ont plus la même saveur. Si au départ elle chérissait encore tous ces vieux instants de bonheur, maintenant elle préfère les oublier, sans trouver le moyen d'y parvenir. Elle aimerait occulter de son esprit tout ce qui se réfère à eux, parce que la moindre image d'eux la fait désormais trop souffrir, et qu'elle ne veut plus de tout ça. Elle s'enregistre finalement, récupère auprès de l'hôtesse son passeport ainsi que son billet. La tête baissée, sa valise à la main, elle avance, sans réellement savoir où elle va. Encore une heure devant elle, avant de devoir passer la sécurité pour retrouver l'avion qui l'emmènera loin de la capitale. Un coup d'œil furtif autour d'elle, elle observe ces cafés, ces quelques restaurants et boutiques, mais rien ne l'attire. Elle sait qu'elle devrait manger quelque chose, que son corps en a besoin, mais rien n'y fait. Elle n'a plus le goût de rien désormais. Lentement, elle se dirige vers l'extérieur, évitant le regard des autres. Jusqu'à entendre son prénom, reconnaître cette voix qu'elle aurait préféré ne pas entendre. Son corps se fige, son regard se relève vers celui qui lui fait face. Et son cœur se serre, commence déjà à battre plus fort encore dans sa poitrine. Ses yeux s'écarquillent sous la surprise, sans comprendre ce qu'Il Kyang peut bien faire là. Devrait-elle subir une épreuve de plus avant de pouvoir s'enfuir ? Elle refuse cette idée-là, et pourtant... « Qu'est-ce que tu fais là ? » arrive-t-elle tout juste à bredouiller. Elle n'arrive pas à croire qu'elle le croise ici, dans cet aéroport. Plus encore, elle a du mal à croire que Jae ai pu lui dire qu'elle serait là. Elle aurait sûrement préféré qu'il ne dise rien, qu'elle puisse quitter le pays l'esprit un peu plus léger. Mais comme à chaque fois que ses yeux se posent sur lui, tout lui revient à l'esprit. Une torture qu'il semble lui imposer une nouvelle fois, à laquelle elle n'arrive pas à faire face. « A ton avis ? » lance-t-elle malgré elle. Il n'y a aucune émotion dans sa voix, alors que ses bras se relèvent lentement avant de claquer le long de son corps. A ton avis Il Kyang ? Je suis détruite sans toi. Je ne sais plus quel chemin je dois prendre, ni même ce que me réserve ce futur trop sombre maintenant que tout est parti en fumée. Ses lèvres qu'elle pince, alors qu'elle baisse à nouveau la tête. Il semble si proche et si loin à la fois. Pourtant elle peut sentir son odeur de là où elle est. Ce parfum qui lui a tant fait tourner la tête, dont elle s'est tant de fois délectée. Elle aimerait pouvoir partir en courant, s'éloigner le plus possible de lui tant son ventre se noue, mais elle n'a aucune force. Elle reste simplement là, ses épaules affaissées, son regard qui se perd sur la foule. Sans aucun courage pour affronter le sien. « Pourquoi t'es venu ici ... ? » Sa voix se brise un peu plus au rythme des mots qui osent s'échapper d'entre ses lèvres. « Tu me dissuaderas pas de partir. J'en ai besoin Il Kyang ... » Un dernier souffle, à peine audible. Si elle voulait que tout s'arrête, il semblerait que le monde autour d'elle ne soit pas du même avis.

En vérité je ne sais pas vraiment ce que je fais là. Lorsqu’elle me regarde, je me sens défaillir, comme si l’enfer s’ouvrait sous mes pieds. Je reste droit pourtant, mais le regard fuyant parce-que j’ai peur. Je n’ai pas de réponse à sa question. Je ne sais pas… je suis là parce-que j’en ai besoin. Parce-que je n’arrive pas à tourner la page. C’est bête. Je m’en veux de lui imposer une nouvelle fois ma présence. Elle a l’air mal au point, alors oui même cette réponse qu’elle me siffle je la mérite. Je reste les yeux baissé, je n’ose pas vraiment parler et pourtant je sais que je dois le faire. Peut-être pour moi, parce-que je crains que tout ça ne s’arrête. C’est compliqué. Rien n’est simple entre nous et ça me torture. Pourquoi tout nous a échappé ? J’ai l’impression d’être le seul responsable de tout ça. Avec le temps je n’ai plus rien à lui reprocher. Après ce qu’elle a fait, tout me parait tellement dérisoire. Même nos pires moments, nos disputes… tout est futile face à sa vie. « Non… je… je ne veux pas t’empêcher de partir. » enfin si, j’aurais aimé qu’elle reste là. Je suis effrayé à l’idée de la savoir loin. J’ai peur qu’il lui arrive quelque chose d’autre. Mais je me rassure en pensant à Min. Jamais il ne la laissera pas vrai ? Il tient trop à elle pour ça. J’inspire doucement, les mains subitement moites alors que je les fourre dans mes poches. En réalité, je n’ai qu’une envie, celle de la prendre dans mes bras, de la serrer contre moi. Avec ce geste de m’en empêche. « J’étais inquiet pour toi. J’ai pas eu de tes nouvelles depuis… depuis la dernière fois. » Je parle doucement, presque trop calmement. Mais je mesure chacun de mes mots. Je n’ai pas envie d’un nouvel échange houleux. Je voudrais juste lui offrir un moment de répit. « Tu as besoin de te reposer. Min prendra soin de toi. » Moi je ne sais pas faire. Et cette idée me tue, malgré que je reste fermé. Je me protège, comme je peux de ces émotions qui me prennent à la gorge. Subite envie de m’effondrer, de lui dire que je n’y arrive pas sans elle. Tout comme une part de moi sait que je dois la laisser partir. Subitement nerveux, je trouve l’idée d’être venu ici complètement folle. Et je regrette surement un peu. Elle doit se dire que ça ne sert à rien, que je suis un idiot. Elle n’aurait pas tort, je le sais. Puis je finis par lâcher « Je voudrais qu’on parle… » De quoi ? De nous ? Oui, je voudrais qu’elle me dise ce qu’elle ressent. Si elle a vraiment tourné la page ou si elle va le faire. En réalité, j’ai la trouille. « Ye Won… j’ai peur que tu m’oublies… » Je n’ai pas réfléchis avant de lui dire ça. Je relève la tête vers elle, le regard inquiet et terrifié. Oui, c’est vrai. J’ai tellement peur que cette semaine suffise à m’oublier. Qu’elle s’éloigne assez pour faire le point. Pour prendre des décisions. « Je sais pas comment te le dire. Tout ce que je dirais sera surement maladroit… mais tu me connais. » Mieux que personne. Elle connait mes qualités, comme mes pires défauts. Alors oui, je suis un peu perdu face à elle. Face à ce que je ressens, mais je préfère lui dire, parce-que je ne veux pas la laisser partir avec ces regrets. « J’ai peur qu’en t’éloignant, tu décides de tourner la page sur moi… j’y arriverais pas Ye Won. » sortant mes mains, je me retrouve à bouger les doigts nerveusement, sans savoir où regarder. Ça m’effraie de lui dire, mais j’en ai marre de ces non-dits. « Je sais que tu as Ji Ho… mais est-ce que… » Est-ce que tu peux me dire si tu m’aimes aussi ? Est-ce que tu pourrais me pardonner ? Un jour oublier tout ça pour qu’on avance ensembles ? « Ce que je t’ai dit à l’hôpital… est-ce que ça compte pour toi ? » j’en viens à vouloir forcer les choses. A vouloir qu’elle prenne conscience que ce n’était pas des paroles en l’air. M’approchant d’elle, je laisse mes doigts tenter de trouver les siens dans un geste mesuré « Je pensais chacun de mes mots… » Qu’est-ce que j’espère au fond ? Je suis égoïste. Ce que je veux c’est qu’elle parte en sachant que c’était vrai. Que je l’aime et que je ferais tout pour elle. Qu’elle pense à nous, qu’elle se pose les bonnes questions et me reviennent. Ouais ! Voilà ce que je veux. Qu’elle revienne en me disant qu’elle m’aime aussi. Que c’est évident entre nous. Je ne veux pas qu’elle parte pour tourner la page, je veux qu’elle parte pour l’écrire à nouveau.

Elle ne s’attendait pas à le voir ici, à devoir entendre une fois de plus le son de sa voix. Elle ne sait pas à quoi s’attendre, et panique à cette idée. Devra-t-elle encore subir une de ces conversations houleuses qui n’ont plus aucun sens ? Qui ne servent plus à rien à part se déchirer un peu plus ? Elle le craint, à tel point qu’elle se sent obligée de reculer d’un pas. Elle a beau entendre ses mots, sa tête se tourne lentement sur le côté, elle a du mal à accepter le regard qu’il pose sur elle. A accepter qu’il est à nouveau là, devant elle. Elle aurait préféré que ce ne soit qu’une illusion, une hallucination due à son esprit encore troublé par cet autre soir. Ca aurait certainement été plus supportable. « T’as raison, Min prendra soin de moi. » siffle-t-elle entre ses lèvres. Elle a besoin qu’on lui montre qu’elle n’est pas seule. Peut-être qu’elle aurait pu simplement rester là, demander à Hye Mi de rester avec elle, ou à Jed. Mais elle leur en a trop demandé ces derniers jours. L’impression d’avoir abusé de leur patience, de leur gentillesse à son égard. Elle ne veut plus leur faire subir toutes ces disputes, tous ces moments difficiles qu’elle traverse à cause d’Il Kyang. Eux aussi ont besoin de se reconstruire de quelque chose, elle en a bien conscience. Elle pince ses lèvres, ferme les yeux un instant. Chacune des paroles provoque un nouveau saignement à son cœur. « Que je t’oublie ? » répète-t-elle dans une surprise qu’elle a du mal à contenir. Ses cils papillonnent sous cet aveu qu’elle ne comprend pas, alors qu’elle reporte son attention sur lui. Et si en temps normal, elle se serait déjà énervée, elle n’en trouve pas le courage, alors qu’un simple rire désabusé la prend. « Tu comprends pas que j’y arrive pas, et que c’est bien ça le problème ? » Elle soupire, passe une main sur son visage. Elle se sent faible, et se fout désormais que les autres autour puisse le voir. Lorsqu’elle le voit s’avancer vers elle, elle n’ose pas bouger. Troublée, peinée, elle n’arrive pas à éviter ce contact qui brûle lentement sa peau. Et alors que ses doigts se raccrochent une seconde à peine aux siens, elle panique de plus belle, se recule, incrédule. Sa tête se secoue rapidement, elle sent déjà des larmes monter jusqu’à ses yeux, tentant déjà de s’échapper. « Ca n’a plus d’importance… » arrive-t-elle tout juste à souffler, prenant sa tête entre ses mains, essayant tant bien que mal de reprendre son souffle. « J’ai … J’ai besoin de tourner la page. » Qu’importe l’amour qu’elle peut encore lui porter, qu’importe les bons comme les mauvais moments. Elle a tant de fois essayé, mais se doit désormais de le faire pour de bon. « Comment … Comment tu peux croire que tout va s’arranger ? C’est impossible maintenant que … » Elle s’arrête un instant, sent un frisson violent la parcourir. Ces images reviennent à elle d’un seul coup. « Tu vas avoir un gosse putain … Avec une meuf que tu t’es tapé pendant deux ans … Comment tu peux croire que ça changera rien entre nous ? T’as … T’as bien réussi à m’oublier pendant tout ce temps. Alors … pourquoi tu t’obstines ? » Inconsciemment, ces larmes finissent par couler sur ses joues. Elle ne saurait les retenir, les cacher même. « C’est bon, t’as une meuf, tu vas avoir un gosse. Qu’est-ce qu’il te faut de plus ? Moi ? Et je vais jouer quel rôle dans tout ça ? La maîtresse qu’on s’envoie quand y’a rien d’autre à faire ? » Ses mots sont violents, tranchent avec sa voix qui se brise un peu plus à chaque seconde. Mais une fois encore, elle n’en peut plus, craque sous cette pression qu’elle ne supporte plus. Repenser à tout ça, c’est revoir le monde s’écrouler sous ses pieds. Revivre une fois de plus ces scènes qui l’ont le plus détruite. « Je peux pas... J’ai besoin de tirer un trait sur tout ça. J’ai besoin ... que tout s’arrête, une bonne fois pour toute. » Je n’en peux plus de souffrir Il Kyang, de passer mes nuits à t’imaginer dans ses bras à elle. D’imaginer la vie que tu auras bientôt, celle que moi, j’imaginais avec toi. Un nouveau sanglot, sa respiration qui devient plus forte, en devient douloureuse. Elle n’ose plus le regarder, sent son coeur tambouriner dans sa poitrine. « Il faut que ça s’arrête … » Qu’elle répète alors, comme pour s’en convaincre. Comme si, en l’exprimant encore et encore, cela devienne réel.

Pourquoi suis-je venu ici ? Je n’aurais pas dût. Quelque part je le sais, ce que je m’inflige est un supplice. J’aurais dût rester éloigner, lui laisser le temps de partir seule… mais je n’y arrive pas. Cette force me pousse à toujours aller vers elle. Ses paroles sont dures, et j’aurais dût m’en douter. Qu’elle ne pourrait pas me parler calmement. Que j’avais encore cru à des illusions. Je ravale ce qui me reste de fierté, détourne le regard. J’aimerais fuir. Là maintenant, j’aimerais m’échapper. Oublier cette idée idiote. Je suis perdu. Tout devient peu à peu confus. Je serre les dents, encaisse et souffre en silence. Si seulement je pouvais tout réécrire. Le sol se dérobe sous mes pieds, lorsqu’elle me parle de Sawan… de ce bébé. Ce que j’essayais de mettre de côté. Ce que je voulais oublier quelques minutes. Qu’est-ce qu’elle croit ? Que je suis heureux ? Que c’était ce que je voulais ? Putain Ye Won… je l’ai compris maintenant cette vie-là je la voulais avec toi. Ça me faisait plus peur ! De devenir normal, de rentrer dans les rangs. D’avoir une famille… si c’était avec toi. Mais comment lui dire ? Comment lui faire comprendre que tout ça c’est plus fort que moi. Elle se recule, m’évite… Je ne fais pas ça pour la faire souffrir. Je ne suis pas là pour l’assommer de reproches ou je ne sais quoi. Je voudrais juste qu’elle comprenne… qu’elle voit que je suis sincère. « Arrête ! » encore une fois, je parle plus fort qu’il ne faut. Je voulais qu’on discute, qu’on puisse échanger sur ce qu’on pensait de tout ça. Je voulais qu’on soit… des adultes responsables Ye Won. Mais face à ces maladresses, ces blessures, nous sommes incapables d’agir comme tel. « J’en ai marre de t’entendre me dire ça. Putain, quand est-ce que tu vas comprendre que j’ai jamais pu t’oublier même en étant avec elle. Merde ! Je sais que j’aurais pas dût t’abandonner, mais arrête de choisir pour moi ce que je ressens. » Je perds patience. Je n’arrive pas à trouver les bons mots. Et je ne devrais pas m’agacer. « Je sais que tu as besoin de te reposer. De prendre du temps pour toi. Mais le fait pas dans le but de tirer un trait sur… nous. » je ne peux pas l’admettre Ye Won. Je suis peut-être dingue, têtu ou juste inconscient. Mais je n’y arrive pas. « Tu seras jamais qu’une maitresse… Ye Won, t’es… » La seule. L’unique que je veux. La femme d’une seule vie… mais je serais incapable de lui dire. Pas alors que les larmes me montent aux yeux. « Je voulais pas tout ça. J’aurais aimé… je voulais que ça soit avec toi. Je me suis projeté avec toi, comme jamais j’avais réussi à le faire avant. S’il te plait Ye Won, crois-moi. » Je ne te dis pas ces choses pour me jouer de toi. Mais parce-que je ne peux plus rester prostré et silencieux. Je ne peux plus faire comme si de rien n’était. « Je... je ne sais pas, si… si tu m’aimes dis-le moi. Et on pourra réfléchir tous les deux. On pourra trouver une solution. » On sera deux. Ensembles on pourra être plus fort. Et je ne peux m’empêcher de chercher à nouveau son contact. J’ai besoin d’elle... Attrapant son visage entre mes doigts « Je nous voyais construire quelque chose. Etre ensembles, vivre ensembles… on aurait pu se marier, avoir une maison, un chien… des enfants. » Putain regarde-moi Ye Won. Je suis le parfait idiot qui ne croyait pas à ces choses-là. Mais aujourd’hui j’en suis convaincu. « C’est encore possible. Si tu le veux. » On s’arrangera, on trouvera des solutions à nos problèmes. Approchant davantage, j’ose venir coller mon front au sien « Ne passe pas à côté de nous… s’il te plait. » parce-que pour la première fois, j’ai la prétention de croire que ce que je ressens elle le ressent aussi. Que tout ça ce n’est pas dans ma tête. Je ne suis pas fou ! « Tu m’aimes encore… je le sais. » et je veux surtout y croire. Je n’ai pas la force d’admettre le contraire. Alors laisse-moi m’en persuader.

Elle divague, vacille sur ses jambes frêles. Si seulement tout s’était passé autrement, alors peut-être qu’elle aurait eu envie de croire à tout ce qu’il a pu lui dire, dans cette chambre d’hôpital. Mais elle s’y refuse, refuse d’imaginer que cette déclaration pourrait à nouveau la faire flancher. La faire succomber à ses bras une nouvelle fois. Parce que la donne a changé. Il y a plus que leur histoire en jeu. Il y a ce bébé à naître, qui remet tout en question. Il y a ces images de lui et Sawan qui la font encore cauchemarder à chaque nuit. Elle ne comprend pas pourquoi il s’obstine autant, alors qu’il est sur le point d’avoir une famille, avec une autre. « Ce n’est pas moi qui choisis pour toi … C’est toi qui fait un gosse à une autre … » un soubresaut face à cette constatation, un haut-le-cœur qui secoue son corps plus encore qu’elle ne l’aurait cru. Comment pourrait-elle accepter de retomber dans ses bras alors que sa vie se construit et se lie à une autre désormais. Elle ne pourrait tout simplement pas. « Une autre que tu continues de te taper … » ajoute-t-elle, la voix faible. « Crois pas que j’ai oublié ce que j’ai vu … » Parce qu’elle, elle n’y arrive pas. Inlassablement, elle revoit cette image devant elle. Elle imagine tous ces scénarios, lugubres. Même à cet instant, elle imagine cette fille accrochée à son bras, comme s’ils étaient une évidence. Elle aurait voulu qu’Il Kyang soit son évidence à elle, qu’elle soit la sienne. Mais il faut croire que ce n’est pas le cas, que ça ne l’a jamais réellement été. « Il faut tirer un trait, il le faut ! Tu comprends pas que ça me tue de savoir que tu vas avoir un gosse d’elle ?! » Elle parle plus fort qu’elle ne l’aurait cru, et même si ses mots sont maladroits, elle espère pouvoir lui faire comprendre qu’elle ne peut pas accepter ça. Qu’elle ne pourra jamais vivre dans l’ombre de cet enfant qu’il aura eu avec Sawan. « J’arrête pas de te revoir dans cette chambre, avec elle. J’arrête pas de vous revoir là, en train de … de … » Ses mains tremblent devant elle, elle n’arrive plus à trouver ses mots. Des larmes qui perlent une à une sur ses joues, qu’elle ne saurait retenir. Ses mains posées sur son visage ne sont qu’une torture de plus, qui la soulage à la fois. Contradiction certaine, mais son contact l’a toujours apaisée, même dans les pires moments, comme celui-ci. Elle ferme les yeux un instant, alors que ses mains s’enroulent lentement autour de ses poignets. Ces mots lui font autant de bien que de mal. De longues secondes, à ne plus bouger, avant de se reculer, poser son regard sur lui. « Ca changera rien Il Kyang … Ca changera pas le fait qu’elle est toujours là, et que vous êtes unis quoi qu’il arrive … » Une vérité qui éclate, fait exploser son cœur. Elle en souffre tellement, et ne saurait passer outre ces visions qui rouvrent ces plaies dans son cœur. « C'est trop pour moi… » Elle ne le dira jamais assez. Elle en pleure une fois de plus, ne supporte plus cette idée-là. Si seulement tout était plus simple… Elle n'aurait qu'à l'aimer comme elle l'a toujours fait, pour retrouver ce bonheur qu'elle a tant chéri. Mais elle ne sera jamais assez forte pour accepter tout ce qu'il se passe dans leurs vies. Pour accepter de le voir devenir le père d'un enfant qui ne vient pas d'elle, le fruit d'une relation qu'elle ne comprend pas, malgré tout ce qu'il a pu en dire. « Elle sera toujours là, pas vrai ? » Et ça la détruit un peu plus encore d'y penser. A ses yeux, elle a détruit le peu qu'il restait d'eux, qu'ils auraient pu reconstruire. Elle ne se sent pas capable de pardonner ça, malgré l'amour qu'elle continue encore de lui porter.

Pourquoi je m’inflige ça ? Pourquoi je veux prendre ce rôle de père si au sérieux ? Une part de moi me déteste, parce-que j’ose croire qu’il n’est peut-être pas de moi. Mais l’autre veut y croire et ne pas le laisser seul. Je suis perdu, si elle pensait que pour moi c’était facile d’assumer ça elle se trompe. Je n’avais pas envie d’avoir un gosse maintenant et encore moins avec Sawan. Elle avait beau compter pour moi, ce n’était pas ce que je voulais. Mais rien n’y ferait n’est-ce pas ? Peu importe ce que je dirais, les dés étaient jetés. Ye Won me déteste, ses mots sont toujours plus lacérant que les précédents. Chaque fois elle n’oublie pas de me rappeler ce que j’ai fait. Et je crois qu’au fond, il n’y a rien de pire. J’ai tout sali, détruit ce que nous étions. Et je m’en veux, je ne supporte pas l’entendre me reparler de cette nuit-là. De ce qu’elle a vu… je m’en veux tellement. Je n’aurais jamais voulu ça. Et je le sais, qu’elle doit en souffrir… tout comme je souffre de l’imaginer dans les bras de Ji Ho. Mais je garde ça pour moi, surement parce-que je suis le premier à avoir commencé. Je mérite tout ce qui m’arrive, tout ce qu’elle me dit. Elle se recule, s’éloigne encore, coupe court à ce contact dont j’avais besoin. Et je vis ce geste comme un coup de poignard. Je ne supporte plus de la voir partir… Je lâche un soupire, contrarié. Parce-que je sais qu’elle a raison. « Je déteste te voir pleurer… » Je suis démuni face à ce qu’elle me dit. Face à cette vérité que je ne peux démentir. « Je n’ai fait que ça depuis qu’on s’est retrouvé… » Je l’ai fait souffrir, je l’ai blessé… et je l’ai mené jusqu’à cette nuit-là… « Tu voulais vraiment disparaitre à cause de moi ? » je connaissais surement la réponse. Mais l’entendre rendrait les choses encore plus vraies. Lourd fardeau avec lequel je vivrais. Mais j’étais prêt à l’accepter… « J’arrive pas à croire qu’on est en arrivé là. » plus rien ne sera comme avant. Et je le sais. C’est aussi pour ça que je suis aussi mal. Rien ne pourra jamais rattraper ce qui est arrivé. Encore moins après ce bébé… je me sens las tout à coup. Je n’ai plus la force de me justifier… « Je peux pas te retenir... » ça sonnerait presque comme une question. Même si je sais qu’elle ne partait qu’une semaine, ça me paraissait impensable. J’allais souffrir de son absence... de la savoir loin… je l’aime… tellement. Je n’arrive pas à mesurer ce que je ressens. Encore moins freiner mes sentiments. C’est trop pour moi, trop pour un seul homme je crois. Mais qu’importe mes mots, mes actes, c’est finis… « Promets-moi, de ne plus jamais te faire de mal Ye Won… accorde-moi ça s’il te plait. » juste cette promesse. Pour me dire que je pourrais être mieux. Me sentir plus confiant à la laisser partir. Je sais que c’est stupide, Min sera là pour elle. Mais j’aurais aimé être là aussi…  Les yeux rivés dans les siens, les miens deviennent humides. Je ne sais plus si j’aurais encore la force de pleurer. Je suis fatigué. Epuisé par tout ça. J’inspire doucement, esquisse un sourire triste. Du bout du doigt de lui essuie une larme, geste que je n’arrive pas à retenir avant de lui souffler « Arrête de pleurer à cause de moi… je le mérite pas. » et je me demande encore comment je peux oser lui demander de m’aimer. C’est évident, elle me hait. Et qu’importe ce qu’elle a pu ressentir avant, aujourd’hui c’est trop tard. Je n’ai que ces mots à l’esprit, finis, terminé, trop tard… j’encaisse, j’essaie de me faire à l’idée, pourtant j’ai envie de tout plaquer, de tout foutre en l’air parce-que je m’en veux. Mais face à elle, je garde la tête haute. Je veux qu’elle parte sur un esprit plus apaisé.

 

A cet instant, elle le déteste de lui faire revivre tout ça. Elle le déteste d’avoir à affronter une fois de plus toutes ces images qui lui reviennent en tête. Elle voulait simplement s’envoler le plus vite possible loin d’ici, pour mettre de côté ne serait-ce que quelques jours tous ses tourments. Pourtant, elle n’est toujours pas capable d’oublier ces sentiments qu’elle peut avoir à son égard. Son simple contact arrive à la rassurer, autant qu’il arrive à la blesser. Parce qu’elle n’arrivera jamais à tirer un trait définitif sur leur histoire avec ça. Elle n’aura pas le courage d’oublier ce qu’a pu provoquer leur amour avec de tels gestes. Elle se déteste elle-même d’être aussi faible face à lui, face à ses paroles. De l’aimer toujours autant malgré toutes ces épreuves à traverser, toutes ces failles dans leur histoire. Elle déglutit à sa question, ne saurait pas vraiment quoi lui répondre. Elle connaît pourtant les raisons de son acte, mais n’ose pas les admettre à voix haute. « Regarde ma vie … Tu crois vraiment que quelqu’un a envie de vivre tout ça … ? » Elle est à bout de souffle, tente de retrouver une respiration normale. « Je supporte plus tout ce qu’il se passe … » laisse-t-elle finalement échapper dans un soupire. Elle a simplement besoin de faire taire toute cette souffrance qu’elle emmagasine depuis trop longtemps. Toute cette frustration et cette rage provoquées par tout ce qu’elle a dû surmonter en quelques mois à peine. Aux retours d’Il Kyang et Ye Jun dans sa vie, jusqu’aux espoirs qui se sont fanés peu à peu devant elle. Sa tête qu’elle secoue lentement, un reniflement alors qu’elle observe l’heure sur un écran non loin. Elle n’ose plus le regarder, baisse son regard vers le sol. « J’peux rien te promettre... » Elle ne recommencera pas, elle le sait. Mais elle ne sait pas si elle arrivera à mieux gérer sa vie à son retour, en doute. Peut-être que d’autres épreuves l’attendront encore, elle l’appréhende. Peut-être retombera-t-elle dans ses travers. Elle est incapable de savoir ce que sera son quotidien à son retour, refuse pour le moment d’y penser. Elle n’en a de toute façon pas la force. Ce pouce qu’elle sent essuyer une de ses larmes lui transperce le cœur. S’il n’y avait pas Sawan, ni même ce bébé, elle le sait, cela ferait bien longtemps qu’elle se serait à nouveau jeté dans ses bras. Qu’elle aurait retrouvé le réconfort qu’il a trop souvent su lui apporter. Mais elle est bloquée, elle en tremble. Parce qu’à le voir, elle se rappelle une nouvelle fois à quel point elle peut l’aimer. « Il faut que j’y aille … » finit-elle par souffler à son égard. « J’suis désolée. » ajoute-t-elle avant de récupérer sa valise, et faire demi-tour. Cette dernière discussion ne l’aidera pas à l’oublier, elle le sait. Elle y repensera tout le long de ce trajet, avant de pouvoir retrouver Min Young. Encore une fois, tout tournera dans son esprit, sans qu’elle n’arrive à s’en défaire. Voilà qu’elle se dirige vers le portique de sécurité, lance un dernier regard vers lui. Une autre image dont elle ne saura pas se défaire.

Je me sens coincé, cette page entre mes mains, incapable de la tourner, même de l’arracher. Depuis combien de mois, je la maintiens aussi fermement ? A chaque fois, ces adieux, ces au revoir pour se retrouver, se haïr et se disputer. Ni l’un ni l’autre ne parvenons à aller de l’avant. Et si cette fois c’était la bonne ? Je ne veux pas… mais je ne peux pas l’empêcher de s’éloigner. De prendre du temps pour elle. Je nourris l’espoir fou qu’elle repense à nous. A ce que je lui ai dit. Peut-être qu’un jour elle y parviendra, à l’oublier… ce bébé… j’ai du mal encore à réaliser que toute ma vie va changer. Je n’ai même pas encore eut de diplôme, je n’ai pas sorti d’album. Pfff, tout commence mal. J’ai peine à imaginer comment je vais l’annoncer à ma famille. Déjà qu’ils me détestent… soudainement, je suis effrayé, mais ce n’est rien comparé à ce que je ressens. Face à elle, je suis démuni, impuissant. Je ne peux pas lui reprocher d’être aussi dure avec moi. D’être aussi évasive. Je serre les dents, je crains les minutes qui s’écoulent. Ces secondes qui s’effritent et qui m’éloignent d’elle. Bientôt elle partira, et moi je resterais là. A attendre, à espérer je ne sais quoi… c’est trop dur pour moi. Je garde la tête froide, fait semblant d’accepter. Mais en réalité, je voudrais lui dire que je n’y arrive pas. Que je suis trop amoureux d’elle pour la laisser vivre avec un autre. Que jamais ! Jamais je ne saurais être avec quelqu’un si ce n’est pas elle. Mais ça ne servirait à rien. Aujourd’hui, mes mots ne signifient plus rien pour elle. Une angoisse me gagne lorsqu’elle doit partir. Je l’observe récupérer ses affaires, apeuré. Ne t’excuse pas Ye Won… c’est moi qui suis désolé pour tout. Jamais je ne me pardonnerais ce qui est arrivé. « Prends soin de toi. » c’est la seule chose que j’arrive à lui souffler, avant de me mordiller la lèvre. Mon regard posé sur elle, je l’observe s’éloigner… le cœur serré, les mains moites. Je n’arriverais pas à partir avant de la voir disparaitre derrières ces portiques. Lorsqu’elle se retourne je pourrais y voir un espoir, mais en réalité tout sonne comme un adieu. Dernière image que je garderais d’elle… avant de partir à mon tour et rentrer au dortoir. Plus rien n’aura le même goût désormais et cette semaine me paraitra être interminable… loin d’elle je préférais dormir chez Kitae les prochaines nuits. Pour oublier, pour ne plus penser à elle, ni avoir l’impression de sentir son odeur partout où je vais. Mais j’ai peur… peur qu’à son retour, je ne sois plus rien pour elle.