Wei savait qu'il n'était pas la seule âme errante debout à cette heure-ci. Mais il ne s'était pas attendu à voir la petite brunette sous ses yeux. En aucun cas. Il regarda la jeune femme zieuter sur son verre et il sourit légèrement gêné. Pris en flagrant dans sa bêtise humaine. Mais il n'avait pas trouvé quel autre moyen sur le coup. Il hocha doucement de la tête. "Ce n'est pas bon pour une jeune fille comme toi de ne pas dormir" dit-il simplement comme le grand frère qu'il pouvait être. Et ça se ressentait avec la jeune pyo devant lui. Mais il était mal placé pour lui faire la morale vu qu'il était lui même debout à l'heure actuelle.
Il regarda son verre, un sourire amusé. "Ne teste pas, ce n'est pas bon" Même pour lui c'était moyen. Mais pour le coup, c'était la boisson la plus délicieuse qu'il pouvait avoir. Il regarda sa main sur son avant bras avant de voir la petite tasse. Un sourire attendrie ourla ses lèvres avant qu'il n'ébouriffe la chevelure du jeune homme. "Merci. Mais garde ta tasse, j'irais m'en faire une. Probablement".
Il passa ses mains sur son visage, fermant les yeux avant de l'entendre. Du chinois. Que c'était rassurant à son oreille. Comme une douce mélodie qui lui rappelait la maison. Il tourna finalement la tête vers elle, son visage reposant dans une de ses mains alors que ce petit minois innocent ne voulait que l'aider. "C'est compliqué" commença-t-il en chinois. "Le sort semble vouloir s'acharner sur moi." Il repensait à tout ce qui se passait dans sa vie. Et tout était compliqué. Très compliqué. Il ne savait pas ou tout irait. Ni à quoi ressemblerait son futur. Et c'était effrayant. Très effrayant. "J'ai mon petit frère, Jiu, qui a fait une rechute cardiaque aujourd'hui. Et j'attends." Il regarda devant lui, le regard perdu dans des pensées, des souvenirs avec son petit frère. "Je n'arrive pas à dormir, de peur de me réveiller et d'apprendre qu'il est mort. C'est effrayant. Une vie tient à un fil et on s'en rend encore plus compte dans ses situations la" Un rire triste s'échappa de son corps alors qu'il jouait avec ce verre vide, puni d'alcool par la plus jeune.

Sa remarque aurait pu lui arracher un sourire mais elle craignait qu’il ni décèle la tristesse que lui causait ses mots. Que devait-elle faire pour qu’il la remarque autrement qu’en petite fille ? Qu’elle change de vêtement ? Qu’elle se maquille un peu plus ? Qu’elle soit plus … assurée ? Mais tout ça ce n’était pas elle. Peut-être n’était-elle qu’une gosse. Que voudrait-il d’elle réellement ? Puis sa remarque, au-delà d’être qu’une simple taquinerie, lui prouve bien qu’il ne la connait pas tant que ça dans le fond. Il ne connait pas la vraie Mok. Mais qui l’aimerait la vraie Mok ? Car elle ne valait pas le coup. Ces mots résonnent encore dans son esprit et la jeune femme ne sait comment s’en débarrasser. C’est vrai, elle ne valait pas le coup. Elle passa une main dans ses cheveux, avisa son verre. Cette façon qu’il avait de lui ébouriffer les cheveux la torturait. Comme on le ferait avec un gosse, un bon chien, tout au plus. Elle n’était pas une enfant mais personne ne semblait enclin à la voir telle qu’elle était réellement. Une âme en peine qui s’accrochait à ce qu’elle pouvait pour ne pas sombrer. Et quand bien même elle aimerait lui dire regarde-moi Wei, tu ne vois pas comme je tiens à toi ? J’aurais presque peur de te dire que je t’aime, elle ne pourrait jamais lui rajouter sur ses épaules déjà bien voûter, un poids supplémentaire. Ce poids qu’elle était, qu’elle trainait avec peine. Elle déglutit et garde sa tasse. Alors même ça tu n’en veux pas ? ce n’est pas grave Wei. Elle garde la face, réalise combien elle lui était inutile. Elle écoute sa peine, ne peut que le comprendre, ressentant la même chose. Elle acquiesce, plaque ses paumes gelées sur la tasse brûlante. Ça lui fait mal, ça la pique, mais elle ne bouge pas. Se contente de laisser sa peau rougir douloureusement. Elle l’écoute, affiche un sourire triste, désabusé. « L’angoisse de cette sonnerie qui vous prévient d’une mauvaise nouvelle. Cette sensation d’être inutile, de ne pas pouvoir l’aider alors qu’on donnerait notre vie pour lui … » Oui, elle luttait contre les mêmes démons récemment. On n’est jamais préparé à la mort d’un être cher, surtout pas au détour d’un accident, d’une maladie. Seule la vieillesse semble être une mort que l’on accepte bien que difficilement. Alors perdre un petit frère ainsi … c’était beaucoup trop insupportable comme idée, bien trop intolérable comme peine. « La vie est fragile. » murmure-t-elle en écho à ses paroles « Mais ton frère est fort … » elle tourne son visage vers Wei et souffle « Et tu gères ça seul Wei, j’ose à peine imaginer à quel point ça doit être lourd pour toi. » d’ôter d’une empathie et d’une perspicacité parfois qui lui faisait défaut la jeune femme ajoute « Et je sais que tu ne t’en plaindras jamais. Mais ce n’est pas parce que tu assumes de porter ce poids, qu’il n’est pas lourd … » elle marque une pause et souffle « Ils ont de la chance de t’avoir ton frère et ta sœur … » elle sourit tendrement en caressant sa nuque d’un geste affectueux. « Tu attends ce coup de téléphone depuis combien de temps ? » depuis quand te tortures-tu ainsi ? « Dis-moi ce que je peux faire pour t’aider … » souffle-t-elle avec cette douceur qu’elle n’offrait plus qu’à lui, mais ça aussi il serait bien incapable de le voir. Comment le pourrait-il alors qu’elle se cachait –comme l’enfant apeurée qu’elle était- derrière un masque.

Wei était perdu dans ses pensées, dans ses démons. Et dans ses peurs. Et dans un sens, la présence de Mok le détendait. Car cette petite était devenue plus importante qu'il ne le pensait. Une personne qu'il avait de plus en plus dans son cercle. Et il aimait bien, voir sa petite tête. Il hocha doucement à ses paroles, se rendant compte qu'elle l'avait vécu, qu'elle savait de quoi il parlait. Et ça se voyait dans le regard du chinois, qu'il comprenait une des réalité de la jeune femme. "Je lui donnerai mon coeur si je le pouvais. Sans réfléchir, sans cligner une seule seconde des yeux. Je le ferais tout de suite." Mais il ne pouvait pas. On ne le voulait pas. Et il savait comment Jiu le vivrait. Et il voulait que son frère sourit. Pas qu'il se remémore la mort de son frère à chacun de ses souffles. Non, ce n'était pas pour ça qu'il le ferait.
"Trop fragile" Une simple remarque qui voulait tout dire. Il lança un regard vers elle, reconnaissant de ses paroles. "Tu es la première à qui j'en parle Mok" souffla-t-il doucement, comprenant ou elle voulait en venir. "Tu es la première avec qui je partage ce poids." Parce que Wei était le gars solaire, le gars populaire, sympathique avec tout le monde, aimé comme détesté. Il était celui qui connaissait plus de la moitié du campus, qui parlait sans crainte. Il n'était pas celui qu'on voyait triste, affaibli. Non, Wei ne pleurait jamais. Pour les autres.
Il frissonna sous ses doigts avant de regarder l'heure "Depuis cinq heures et trente cinq minutes maintenant" Le temps passait tellement lentement qu'il était capable de donner les secondes. Il tourna la tête vers elle. "Enlace moi Mok. Mets moi dans un cocon...de cette douceur dont seule toi est capable de me donner" dit-il. Il avait besoin qu'on l'étreint, qu'il se cache dans le corps de la jeune femme, et qu'il comprenne qu'il n'était pas seul. Qu'il était loin d'être seul même. Qu'il était entouré. Et Mok, cette petite douceur qui le sortait de son quotidien habituel. Elle était parfaite pour lui à ce moment-là.

Elle connaissait ce sentiment mieux que quiconque. Elle l’avait vécu, plusieurs fois. Trop souvent pour qu’elle puisse le supporter à nouveau. C’était rare de voir Wei ainsi, à croire qu’elle faisait partie de ces gens proches face à qui il pouvait se livrer, ce qu’il lui confirma d’ailleurs quelques secondes après. Touchée la jeune femme lui lance un regard doux, reconnaissant de sa confiance. Il était parfois plus simple de se confier à une inconnue, mais la jeune femme préférait se dire qu’il partageait avec elle ce fardeau car il tenait à elle. Peut-être pas comme elle tenait à lui, mais il tenait à elle. C’était un sentiment exaltant, de ceux qui vous réveille de l’intérieure. Mok était vide de tout sentiment depuis quelques semaines. Elle avait tant souffert, cachée derrière un masque, qu’elle n’avait pu supporter davantage le poids de la vie. Deux solutions s’étaient alors offertes à elle : la mort, ou l’annihilation. Elle avait choisi de faire taire toutes formes de sentiments. Une coquille vide qui paradait sous les yeux des autres avec un air mutin, d’enfant joyeuse. C’était devenu presque facile de faire semblant, personne ne cherche à comprendre, ou à savoir. Les gens se contentent de ce qu’on leur donne, c’est plus facile ainsi. Mais elle, tapit dans l’ombre, observait tout. Observait surtout la peine qui accablait son ami. « C’est une belle preuve de confiance. » lui souffle-t-elle la voix légèrement éraillée. La précision de sa réponse lui arracha un petit rire, rien de bien joyeux, mais qui compensait sa peine. Elle comprenait, les secondes qui défilent si lentement qu’on pouvait les sentir sur notre peau. Elle le fixe, mordille sa lèvre et souffle « Ça en fait beaucoup de secondes à te torturer l’esprit Wei. » dit-elle de son chinois délicat. Puis sa requête lui fit rater un battement. Que toi seule est capable de me donner. Sincèrement ? Son cœur s’emballe, douloureusement parce qu’elle n’a plus l’habitude de ressentir quoique ce soit. A vrai dire, le seul pour qui elle ressent encore des choses c’est lui. Ce chinois qui ne remarque même pas à quel point elle l’aime. « Oh Wei … » souffle-t-elle tristement, touchée par sa détresse. Elle se penche vers lui et murmure « Je suis là … » en l’attirant dans une étreinte remplie de douceur. Elle caresse ses cheveux tendrement et resserre sa prise autour de lui. Son cœur lui arrache des battements forts, elle inspire son parfum discrètement, s’en voudrait de combler que ce vide en elle quand lui est si dévasté. Alors elle se retient, retient ses pensées amoureuses et berce son ami pour chasser sa peur, et sa tristesse, autant qu’elle le pouvait.