Une vie banale ? C’était tout ce qu’elle avait à partager avec moi. Au final je la sentais distante. Et j’aurais espéré quoi d’autre ? Je restais à son écoute, malgré que mon cœur s’affolait à sa simple présence. Mais cet anneau à son doigt venait de tout bouleversé. Ma vie entière défilait devant mes yeux. Ces souvenirs de nous… simplement balayé par ce bijou. Trois ans… Alors il lui avait fallu si peu de temps pour m’oublier. J’étais dévasté. Bien que je tentais de rester debout. Mon regard humide, je ne savais pas quoi répondre à ça. A quoi je m’attendais ? C’était évident qu’elle ait refait sa vie. « Oh… je suis heureux pour toi. » c’était un mensonge. Je pleurais déjà intérieurement. Mais c’était stupide de croire autre chose. Je sentais le monde s’écrouler. Un fossé énorme m’engloutir. Je supposais qu’elle devait l’aimer, n’est-ce pas. D’un vrai mariage d’amour. D’une belle relation… « Je ne m’y attendais pas. » je souriais, pour garder la face. Pour trouver ça drôle finalement. « Tu as mieux réussi ta vie personnelle que moi. » c’est un désert de ce côté-là. Je n’y arrivais pas. Pourtant des femmes qui m’aimaient ou penser m’aimer il y en avait… « Kitae va se marier. Dans quelques mois. » C’était drôle non ? Lui qui n’avait jamais su se fixer avec quelqu’un. Qui n’avait jamais compris que je puisse être amoureux. Il avait mieux réussi que moi aussi. « Je suis seul… et le bébé… il n’était pas de moi. » une raison de plus à ma solitude. Si elle voulait tout savoir Sawan était heureuse elle aussi, au bras d’un homme qui l’aimait et qui avait accepté son fils. Seo Joon s’occupait bien de son enfant et moi… moi j’étais terriblement seul. « Est-ce que… tu l’aimes ? » si elle me disait oui, alors j’étais prêt à l’accepter aussi.

Elle ne savait pas réellement comment réagir. N’était pas venue ici pour lui exposer en plein visage un bonheur aussi faux. Elle n’aurait pas dû être là, de toute manière. Mais maintenant qu’ils étaient seuls, loin des regards, tout était différent. Elle sentait, dans sa voix, que quelque chose n’allait pas, à découvrir qu’elle s’était mariée. Mais ça ne pouvait pas être lié à eux, à leur propre histoire, n’est-ce pas ? Elle s’en persuadait déjà. Brièvement, elle avait relevé son regard vers lui, avant d’observer de nouveau ses mains, jouant nerveusement avec ses doigts. « Je crois que personne ne s’y attendait. » avait-elle soufflé. Même elle, ne s’était pas attendue à ce que son père organise un mariage aussi rapidement après les avoir présentés. Qu’il ne demande à ce qu’elle lui offre un héritier. Parfois, elle se disait qu’elle aurait aimé avoir le courage de lui dire non, refuser cet arrangement. Mais tout était allé trop vite, à tel point qu’elle s’était laissé embarquer dans cette histoire, sans réellement comprendre ce qu’il se passait. « Kitae, se marier ? Je n’y aurais jamais cru… » Elle n’arrivait plus vraiment à le regarder. Voyait-il à quel point tout lui pesait, d’un seul coup ? Cette vie qu’elle ne maîtrisait pas, ces retrouvailles auxquelles elle-même ne s’attendait pas. Elle mordillait sa joue, à cette nouvelle révélation. Tout ce qui avait causé la fin de leur histoire se transformait déjà en un regret de plus. De ne pas avoir su encaisser cette nouvelle, d’avoir été égoïste, à sa manière. « Je vois… » avait-elle simplement répondu, son regard toujours posé sur ses mains. Elle jouait avec son alliance, la faisait tourner, montrant toute la nervosité dont elle pouvait faire preuve. Mais à sa question, elle n’avait pu s’empêcher d’ancrer ses yeux dans les siens, quelque peu décontenancée. Pouvait-elle réellement lui mentir ? Serait-il encore capable de le voir si elle le faisait ? « C’est … compliqué. » Elle marquait un temps, n’était pas sûre de devoir en dire plus, mais n’avait pas le coeur à se retenir. « Mais c’est un bon père alors … » Ses épaules qu’elle haussait lentement, son visage qui se refermait bien malgré elle. Elle ne pouvait pas soutenir son regard davantage encore, et quelque part, elle s’en voulait d’être là, même si elle ne l’avait pas choisi.

Cette question était déplacée je ne devais pas. Ça ne se faisait pas, j’aurais dût être moins curieux. Moins insistant aussi. Mais je restais là à la regarder. A serrer les dents à encaisser de nouveau. Cinq années. Cinq longues années à essayer de l’oublier en vain. Et elle avait refait sa vie, avait un mari… et qu’importe qu’elle me dise que cela soit compliqué. Ça ne changerait rien… elle était mariée. Pas à moi, mais à un autre homme. Et cette idée me faisait frissonner. Je l’imaginais dans les bras d’un autre, partageant sa vie et ces moments si précieux. Mais ce fut pire en entendant parler de son rôle de père… alors c’était donc ça. Sa vie loin de moi ? Elle avait un enfant… de lui… « Oh… » Nouvelle déception dans ma voix. Finalement lui parler était une mauvaise idée. Moi qui avais mis si longtemps à me relever. Voilà que je pouvais sombrer aussi facilement. Juste quelques mots pour tout renversé. « Tu as eu un enfant… » Et je ne savais pas pourquoi mais cette idée me glaçait. Je ne l’imaginais pas mère… non, pas si ce n’était pas le mien. Et pourtant… je devais accepter. Encaisser aussi. Gardant mon regard ancré au sien, j’étais surement à deux doigts de craquer. Mes pires cauchemars se réalisaient. Ye Won était mariée et avait eu un enfant d’un autre. Si seulement elle avait pris la peine de m’accorder son pardon. Si seulement elle n’avait pas été aussi têtue pour Sawan... je serais peut-être cet homme-là. J’avais le cœur brisé, déjà en miette et une fois de plus je ne croyais en rien. L’amour n’existait pas. La seule chose qui m’importait c’était ma carrière. « Il a quel âge ? » est-ce que là aussi il lui avait fallu peu de temps avant d’assume ce rôle ? J’avais beau être déçu. Je ne voulais pas être odieux. Alors je m’accordais le droit de lui dire « Il a de la chance de t’avoir. » pour son fils, mais aussi son mari. Cet homme avait surement de plus larges épaules que les miennes. S’il prenait soin d’elle c’est tout ce qui comptait. Je le pensais, malgré que je me forçais à l’accepter. L’idée était difficile à encaisser. « Et je suppose qu’il a une belle carrière. Toi aussi ? » Ils devaient tout avoir du couple parfait. De quoi rendre heureux un enfant. Une belle maison, de l’argent… de l’attention. Au final, il était clair que je n’aurais jamais pu rivaliser avec ça. Moi je n’avais rien… à part cette vie de musicien. Au final je me rendais compte que je n’avais rien d’autre à lui confier. En sachant ça de moi… elle savait déjà tout.

Elle se doutait, que ces révélations n’étaient pas anodines, qu’elles pourraient avoir un impact. Et elle s’en voulait presque, de lui annoncer tout ça. Elle avait refait sa vie, bien malgré elle, sans pour autant l’oublier, lui et tous ces sentiments qu’il arrivait à provoquer en elle. Mais elle avait finit par suivre sa propre route, après qu’il l’ait quittée, définitivement. Sa tête qu’elle secouait lentement de haut en bas pour acquiescer à sa remarque. Elle était devenue mère, avait offert à un homme dont elle n’était pas amoureuse un fils. Et pourtant, cet enfant, elle l’aimait de tout son coeur. Elle voulait faire en sorte qu’il ai une meilleure vie qu’elle. S’était promis à sa naissance de lui laisser le choix sur son avenir, ne jamais rien lui imposer. Même si ça semblait difficile dans cet univers dans lequel elle continuait de baigner. « Il va avoir deux ans… » osait-elle répondre. Au point ou ils en étaient, elle pouvait bien y répondre. Il avait le droit de savoir, mais elle n’arrivait pas à savoir ce qu’il pensait réellement de tout ça. Elle doutait du fait que sa nouvelle famille ai réellement de la chance de l’avoir, mais appréciait cette attention qu’il lui portait, un sourire timide sur les lèvres. « Il est l’actionnaire principal de la société de mon père… Et je suis devenue avocate. » Un chemin tracé depuis longtemps, et qu’elle n’avait finalement pas réussi à éviter. Ce n’était pas ce qu’elle avait longtemps imaginé. Face à lui, elle se souvenait de ces espoirs qu’elle avait, de vivre sa vie avec lui, loin de ce monde qu’elle détestait. Pourtant, son destin semblait désormais tracé, quoi qu’il arrive. Elle n’était pas faite pour quitter la haute sphère de la société, et devait s’y habituer, même si elle avait encore du mal parfois avec cette idée. Elle pinçait ses lèvres, l’observait encore. Qu’il était difficile de ne pas penser à tous ces mauvais choix qu’ils avaient pu faire, chacun d’entre eux. « Et toi… A part la musique ? » Elle déglutit, ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Elle le revoyait déjà sur scène, quelques minutes en arrière, ce sourire sur les lèvres. Il semblait heureux, à cet instant-là. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de se demander s’il l’était réellement.

Il avait déjà deux ans… deux années où moi je n’avais rien comprit. Mes propres créations se téléchargeaient sur internet et s’écoutait sur des plateformes de musique. Je ne savais pas si j’étais aussi fier finalement. Tout c’en quoi j’avais cru venait de s’écrouler. Je pensais que la musique me rendait heureux… mais la vie qu’elle m’annonçait me faisait envie. J’aurais aimé qu’elle soit la mienne… la nôtre. Et je lui en voulais quelque part de me balancer ces nouvelles comme si de rien n’était. Alors c’était ça hein ? Etre heureuse loin de moi c’était s’être mariée, avoir un enfant et être avocate. Comment lui en vouloir ? Je ne lui aurais rien offert. Juste une vie faite de tournée, de fin de mois compliquée et des tonnes de doutes. Car composer et écrire c’est toujours se remettre en question. Alors oui, j’étais déçu et quand elle en vient à me poser cette question je ne sais plus quoi répondre. Elle venait de tout chamboulé… je n’étais peut-être pas si heureux que ça. « A part la musique, il n’y a rien Ye Won. » non je n’ai rien d’autre. Je n’ai pas de femme de ma vie, ni d’enfant, je n’ai même pas le temps pour m’occuper d’un chien. « Je n’ai absolument rien d’autre. C’est pathétique hein ? » Et j’avais ce sourire désabusé tout à coup. Cette contrariété quand je posais mes yeux sur elle. « Tu vois moi j’ai rien réussi d’autre que ça. Que la musique ! » Et je commençais à m’énerver. Mais j’étais surtout déçu. « Mais c’est ma faute pas vrai ? Parce-que je ne voulais que ça. » Je lui avais tellement imposé quand nous étions ado. Et j’avais compris trop tard que finalement je pouvais rêver d’autre chose. « Putain ! Ça fait cinq ans qu’on s’est pas vu. Et tu m’annonces toutes ces choses-là ? Tu pensais que j’aurais été heureux sans toi ? » C’est vraiment ce qu’elle avait cru ? Elle avait sincèrement gobé tous ces mensonges. « Bah non je suis pas heureux ! Et encore plus quand je te vois. Je pensais que ça me suffisait mais… » Je détournais les yeux « Je me suis trompé ok ! En réalité, je ne peux pas être heureux. Je n’ai jamais pu t’oublier. Passer à autre chose. Mais toi putain ! Il t’a fallu que deux ans. Deux années sans moi pour tout effacer ? » Et j’ai été stupide de croire que parfois elle pouvait penser à moi. 

Elle ne pensait pas avoir à lui annoncer tout ça un jour. Elle pensait même ne jamais le revoir. Peut-être à la volée, à travers un écran de télévision. Elle aurait observé son sourire et se serait simplement baignée dans l’illusion qu’il avait avancé, trouvé le bonheur, loin d’elle. Elle n’aurait pas eu à montrer une image si fausse, mais qu’elle affichait au quotidien, à tel point que ça en était devenu normal, finalement. Et en fin de compte, elle regrettait d’avoir accepté cette invitation. Peut-être aurait-elle du être capable de raconter ce pan de sa vie à son amie. Ils n’en seraient pas là aujourd’hui, à découvrir ce que devenait l’autre. Ils n’auraient pas eu à subir leurs pires craintes. Peut-être que l’ignorance était bien plus vivable, finalement. Elle se sentait mal à l’aise, tout d’un coup. A l’entendre dire qu’il n’avait que la musique dans sa vie. Elle ne savait pas quoi répondre, l’écoutait simplement. La surprise se lisait clairement sur son visage, alors qu’elle écarquillait les yeux. Elle n’était pas sûre de tout comprendre, de tout assimiler. Quelques minutes en arrière, il semblait si heureux, mais cette image s’effondrait en un claquement de doigts. « Je… Je suis désolée Il Kyang… » avait-elle tout juste réussi à murmurer, incrédule. Mais les mots qu’il pouvait avoir la blessait, bien plus qu’elle ne l’aurait cru. Détournant le regard, elle se sentait mal, tout d’un coup, une vague de peine la traversant. « C’est pas ce que tu crois Il Kyang. » Elle n’a jamais su l’oublier totalement, n’y parviendrait jamais. Mais elle s’était faite à cette idée. Elle avait fini par se persuader qu’ils n’auraient jamais pu être heureux ensemble, et avait continué d’avancer sur une voie qu’elle détestait. Mais si elle l’avait fait, c’est sûrement parce que ça paraissait plus simple comme ça. Comment pourrait-elle lui dire qu’elle n’avait rien qui la comblait autant que ce qu’elle avait vécu avec lui ? C’était impossible. Tous ces gens autour d’elle restaient figés sur cette image de femme comblée qu’elle tentait d’afficher derrière ces barrières qu’elle avait érigé. « Je … Je pensais vraiment que tu aurais tourné la page depuis le temps… » Et elle était sincère, dans sa voix. Le pensait réellement. Mais il fallait croire qu’elle s’était trompée sur toute la ligne, encore une fois.

Je n’aurais jamais imaginé que ma vie deviendrait ça. Je l’avais pourtant voulu. En me séparant d’elle la première fois, puis cette seconde. J’avais la musique, tout ce à quoi j’aspirais depuis mon adolescence. Je vivais un rêve éveillé… et pourtant, ça ne m’avait pas comblé. Je me sentais à moitié accompli. Il m’arrivait souvent en voyant Kitae et sa copine de les envier. Même Jae avait réussi à se fixer… c’était récent, mais les mois qui passaient été déjà bien plus que ceux que j’accordais aux femmes. Je n’arrivais pas à envisager quelque chose de long… finalement j’enchainais les aventures, sans me projeter, sans même y croire. Aucune n’arrivait à sa cheville, aucune n’était, elle… et malgré ces cinq années mon cœur battait toujours aussi vite pour elle. Comment j’aurais pu faire pour l’oublier ? Ye Won était gravée en moi. Mais j’avais l’impression que j’étais le seul à avoir vécu ça. Cette intensité, cette vérité que j’avais annoncée. Je lui avais pourtant dit… rien ne pourrait la remplacer. Je l’aimerais toujours… et j’avais eu raison. Mais elle… elle était désolée. C’est tout ce qu’elle avait à me dire. Désolée… désolée de m’avoir oublié ? Désolée d’avoir refait ta vie ? Ou désolée parce-que je ne suis qu’un minable ? Je la regardais, blessé, sans savoir pourquoi je lui balançais toutes ces choses. Mais j’étais triste ! Tellement… « J’ai été bête de croire que j’étais important dans ta vie. » et j’y croyais  « Tu pensais que j’aurais tourné la page ? » je riais désabusé. Finalement j’avais honte… « Je te l’avais dit pourtant… ça serait impossible. » et je le savais déjà. Tu vois Ye Won, je n’avais pas menti. Je laissais échapper un soupire « C’est moi qui suis désolé. Que tu n’ait pas cru en moi. » Pour tout ! Pour ma vie, mes choix, Sawan… si elle avait fait l’effort de me faire confiance. On n’en serait pas là aujourd’hui. Elle avait pensé dur comme fer que Sawan serait la femme de ma vie. Et bah voilà Ye Won ! Regarde devant toi. Je te l’avais dit putain ! C’était toi, toi et seulement toi. Mais tu avais été tellement bornée. Au fond, oui j’avais toutes les raisons de t’en vouloir. « Tu voulais vérifier si tu avais réussi ta vie ? Tu voulais te rassurer ? Alors ça te fait quoi de me voir ? » Dis-moi Ye Won. Est-ce que ça te réconforte. Tu es heureuse de voir que toi tu as réussi mieux que moi j’espère. « Profite de ce moment ! Réjouis-toi. Parce-que moi tu viens de détruire la mienne en me rappelant à quel point je t’aime encore. » Et je ne pourrais pas mentir. Ça se voit, se lit sur mon visage alors que je n’ai même plus la force de mentir.

Elle avait fini par tourner cette page, par résignation. Elle n’avait pas eu d’autre choix, quand son père était arrivé devant elle, ce sourire sur les lèvres, prêt à lui présenter ce nouveau fiancé qu’il lui avait trouvé. Il Kyang n’était plus là depuis si longtemps, qu’elle avait accepté sans rechigner cette nouvelle vie qui allait s’offrir à elle. Auprès d’un homme qu’elle serait incapable d’aimer comme elle l’avait aimé lui. Et elle avait mal, si mal en l’entendant dire qu’il n’avait pas été important dans sa vie. Mais comment lui dire, après ce qu’elle venait de lui annoncer ? Elle savait au fond d’elle qu’il ne pourrait pas la croire. Elle avait baissé la tête, presque honteuse, ces yeux humides qu’elle tentait de cacher. « Tu sais très bien que tu étais important dans ma vie… » soufflait-elle simplement, une sincérité certaine dans la voix. Bien plus que tu ne le crois... Mais ça ne changera rien à la situation, bien au contraire. Elle avait refait sa vie, et elle était loin d’être heureuse, pourtant, comme une vieille habitude, elle subissait, gardait cette carapace pour continuer de se bercer dans cette illusion. Mais cette fois, il n’y avait plus personne pour voir à quel point elle détestait sa vie, la peine dans son regard. « Je suis désolée… C’était pas le but de ma venue ici… » A vrai dire, elle ne pensait pas avoir à lui parler au départ, et ça lui suffisait. Et si elle était heureuse de l’avoir vu aussi souriant sur cette scène, tout s’effondrait finalement. « Ne crois pas que ce que tu me dis me fait plaisir… » avait-elle fini par lancer à son égard, relevant enfin son visage vers lui. « Je n’avais pas l’intention de te faire du mal… Je n’étais même pas censée être ici, mais … » un soupire, elle s’en voulait de lui imposer cette image d’elle, si loin de ce qu’elle ressentait au fond d’elle. Pourtant, lui dire la vérité n’aurait pas arrangé les choses non plus, elle s’en doutait. « On a tous les deux fait des erreurs qui nous ont coûté cher. Mais il faut les laisser derrière maintenant… » Continuer d’avancer, comme ils le faisaient, chacun de leur côté. « Les regrets ne servent à rien d’autre que nous détruire davantage. » ajoutait-elle dans un souffle. Et elle avait mal, en lui exprimant ces mots, elle ne voyait pourtant pas ce qu’elle pourrait bien lui dire d’autre, à part de l’oublier, définitivement cette fois. Parce qu’il n’y avait plus de retour en arrière possible, pas cette fois.

Tout avait fini par voler en éclat. Mais je ne pouvais rien lui reprocher c’était moi qui était parti. J’avais seulement cru bêtement qu’elle aussi souffrait encore. La revoir c’était me souvenir de nous, de tous ce que nous avions traversé. Et qu’elle m’annonce être mère… je crois que c’était pire pour moi que de l’imaginer marié. Je me souvenais encore des mots qu’elle avait eus envers Sawan en pensant qu’elle attendait mon enfant. Je me sentais pareil… plus aucun retour en arrière n’était possible et je le savais. Je l’écoutais, le cœur totalement brisé. Et cette fois je savais que je devais tirer un trait sur elle… je n’étais pas prêt pour ça. Je ne l’avais jamais été. Cinq années n’avaient pas suffi à me la faire oublier. J’étais condamné à être celui qui espérait encore… et ce pour le restant de ma vie. Je la regardais, meurtri, sans savoir quoi lui dire. Qu’est-ce que je pouvais y faire ? La supplier de m’aimer à nouveau ? C’était foutu ! Et ses mots étaient presque froid, trop mature et je pensais qu’une part de moi lui en voulait. D’être assez raisonnée pour me rappeler à l’ordre. Pour freiner cette folie au creux de mon ventre. Cette envie folle de lui dire « viens avec moi… » Ça ne servirait à rien. Et je l’observais, triste… « Oui tu as raison… ça ne sert à rien. » c’est terminé. Et ce depuis déjà cinq longues années. J’ai été trop con pour m’en rendre compte. Et la chute fait mal ! Terriblement mal. « C’est peut-être ce que j’avais besoin d’entendre finalement. Pour t’oublier… » Et je restais défaitiste. Me convainquant que c’était ce qu’il y avait de mieux à agir ainsi. Sa venue n’était peut-être pas veine. C’était pour m’ouvrir les yeux. Pour m’accorder enfin le droit d’être heureux… et sur ces mots je m’approchais d’elle. Le cœur encore plus lourd, dévasté mais j’esquissais un sourire. « Merci Ye Won… » d’être venue, de m’avoir piétiné une fois de plus. De m’avoir montré que sans moi ta vie était mieux. Et je savais que je mettrais du temps à m’en relever. Mais comme une fatalité, je l’acceptais. « Je te souhaite tout le bonheur du monde. » et que jamais nos chemins se recroisent.

Elle avait arrêter de regretter ce passé trop incertain. Mais elle n’avait jamais cessé de penser à lui. Souvent le soir, lorsqu’elle restait quelques minutes seule sur sa terrasse, à fumer une cigarette. Parfois, elle imaginait ce qu’aurait pu être sa vie s’ils n’avaient pas eu à traverser ces épreuves. Elle serait bien loin de la vie qu’elle avait désormais. Pourtant, elle ne regrettait plus rien. Avait fini par tourner la page, sans pour autant oublier ce qu’il s’était passé. Après tout, c’était lui, qui était parti une seconde fois. Et même si elle n’avait pas trouvé le courage de le retenir, elle se disait que c’était mieux ainsi. Pourtant, à le voir, à l’entendre, ces remords reprenaient place en elle, sans qu’elle ne puisse le contrôler. Elle ne savait pas quoi répondre, n’osait aucun geste alors qu’il s’approchait d’elle. Ses yeux s’étaient humidifiés, mais elle se retenait. Refusait de flancher une fois de plus. Elle déglutit, son regard ancré dans le sien. Et elle savait, à cet instant, que ce serait certainement la dernière fois qu’elle lui ferait face. Parce qu’elle avait perdu le courage, la force d’exprimer exactement ce qu’elle ressentait. Et elle s’en voulait, quelque part. Mais qu’est-ce que ça aurait changé ? Qu’aurait-il pu se passer si elle lui disait qu’elle n’avait rien demandé, de ce mariage, cet enfant. Mais que c’était arrivé, parce que son père l’y avait poussée. Elle avait refait sa vie, certainement contre sa propre volonté, et rien ne pourrait changer ce fait. « Je suis désolée… » arrivait-elle simplement à répéter, avant de le laisser partir. Désolée de ne pas avoir su le retenir, de ne pas être capable de lui dire la vérité. Désolée de ne pas avoir été assez forte, par le passé, mais aussi maintenant. Incapable de retourner dans cette salle, elle avait attendu qu’il disparaisse pour laisser ces larmes couler sur ses joues, sans pouvoir le maîtriser. Et comme une vieille habitude qui était née entre eux, elle avait fuit. Elle était partie retrouver cette vie qu’elle subissait encore. Cette boule au ventre, cette colère contre elle-même et contre le monde. Cette fois, la fin était signée, il n’y avait plus de retour en arrière, elle le savait.