Miso marchait sur un fil tendu constamment. Jamais elle n’accordait du repos à son esprit. Elle pensait à tout, anticipait tout. Jamais elle ne se sentait sereine, jamais elle ne se libérait de cette charge mentale qui pesait constamment sur ses épaules. Elle s’acharnait dans le travail afin que sa branche soit à la hauteur de son clan. C’était tout ce qu’elle voulait. Vivre dans ce monde qui l’avait recueilli et la loyauté de Miso était sans faille. Elle était une gosse de pouvoir, une femme qui dénotait dans ce monde où la féminité n’était liée qu’à la prostitution ou à la maternité. Les femmes n’avaient le droit de choisir qu’entre deux rôles bien définis et Miso, de son air mutin et parfois féroce, cassait les codes. Princesse du clan, prise sous l’aile du plus gros bonnet, elle et son frère étaient à une place bien différentes des autres. Certains les jugeaient illégitimes, d’autres admiraient leur parcours et leur force de caractère. Les jumeaux n’étaient en rien ce qu’on attendait d’eux. Mais Miso n’avait aucun répit, aucune tranquillité. Dès que les lumières la quittaient et qu’elle retrouvait son obscurité, les démons de son passé la rattrapait et lui coupait le souffle. Quand est-ce que cette gosse pouvait-elle respirer ? Jamais. Et ce soir plus qu’un autre soir, elle se sentait proche du vide, ce vide qui l’appelait, dans une chute libre gracieuse et salvatrice. Elle étouffait, et criait pour une accalmie. Qu’on ne lui accorde rien qu’une nuit de facilité. Mais elle n’aurait rien, jamais rien qui puisse la soulager. Pourtant quand elle croise le regard d’Aciel elle sent ôtée d’un poids. Comme si lui, plus qu’un autre, pouvait la tirer de son monde rien qu’un instant. Il ne voyait que Miso, que la jeune femme avec caractère qui lui souriait. Elle l’intriguait, il pensait à elle. Elle se délectait de savoir qu’il pouvait parfois mettre en pause son travail pour penser à elle. Se demander ce qu’elle pouvait bien faire. Espérait-il qu’elle pense à lui ? Rien qu’un peu ? Elle souriait à cette pensée et ne quittait jamais le regard d’Aciel. Dans son trouble la jeune femme ne rêvait que d’une chose, s’abandonner. Totalement. Dans ses bras. Choquer le commun des mortels. Se lever, contourner cette table pour aller s’asseoir sur ses cuisses à califourchon et l’embrasser. De ces baisers indécents à en perdre haleine. Elle ne doutait pas de la douceur de sa bouche ni de la qualité qu’il lui offrira au travers de ces baisers … elle voulait se noyer dans une soirée qui lui ferait oublier qu’elle a ordonné la mise à mort de plusieurs hommes juste avant de descendre de sa voiture et de venir ici. Ce soir elle était Miso et elle voulait découvrir Aciel. Elle ne cacherait pas qu’elle meurt d’envie de se fondre dans ses bras. Elle ne réalise pas combien ce soir elle cherche le réconfort d’un homme, d’un homme fort qui la protégerait de son monde. Elle aime son univers, ce qui est assez paradoxal quand ce soir elle veut le fuir. Elle avise les sandwichs sur la table et soudainement elle n’a plus faim, ni soif. Elle voudrait juste se perdre dans une étreinte chaude, chavirer, puis retrouver son monde sans un mot. Mais l’indécence de ses pensées en choquerait plus d’un. Etait-elle la seule à ressentir cette attirance entre eux ? ou bien ne serait-elle qu’une fille facile à ses yeux ? Miso était fatiguée ce soir, ses nerfs avaient besoin de repos et la voilà à pouvoir abandonner les faux semblants le temps d’une soirée. Elle ne s’y était pas attendu, et cette possibilité qui s’ouvrait à elle la poussait à vouloir la pire des folies. Elle laisse un petit rire s’échapper de ses lèvres alors qu’elle relève son regard vers le sien. « Tu voulais me revoir Aciel ? » une question de toute évidence rhétorique alors qu’elle en faisait que répéter les mots du garçon pour les rendre plus réels. Elle mordille sa lèvre et croise les jambes en s’enfonçant un peu plus dans son fauteuil. Elle croise ses doigts sur son ventre pour s’éviter de pianoter sur le rebord de la table. « Cette … information me plait. » se décide-t-elle de lui avouer, elle l’admet, ne peut le cacher au vu du sourire qui étire sa bouche. Ce soir Miso parait presque plus innocente, mais terriblement attirante dans cette dualité. « Devrais-je d’abord avouer que tu me plais Aciel ou bien que j’ai envie de toi ? » La femme qui mangeait avec son mari non loin de leur table toussa soudainement et Miso s’amusa de voir que cette impolie les écoutait. Elle aurait pu lever son verre en direction de la table en question, mais ne voulait en aucun cas se montrer insolente. Son regard suffisait amplement. Elle n’avait pas envie de tourner autour du pot avec Aciel, tout comme sa confidence ne voulait pas dire qu’ils se retrouveraient dans les toilettes de ce restaurant pour une session de sexe bâclé mais intense. Elle croqua dans un bout de son sandwich avant d’essuyer le coin de sa bouche en soufflant « Que veux-tu savoir de moi ? » car après n’était-ce pas là le but de cette soirée ? Qu’il apprenne à la connaitre ?

((embuscade)) - tenue - Il faut dire que tout lui plaisait chez cet homme ce soir. La façon qu’il avait d’avoir plaqué ses cheveux, d’avoir choisi sa tenue, de laisser voir ses tatouages. Il assumait, il s’assumait. Remplie d’une assurance grisante, elle avait posé son regard sur lui avec un sourire en coin. Si on n’abordait que l’aspect physique, Aciel était tout ce qu’elle aimait chez un homme. Elle n’avait pourtant aucun type de préférence mais l’attirance qu’elle ressentait pour lui était quelques choses à laquelle elle pensait régulièrement et si elle devait être honnête, il n’était pas étranger à ces nuits les plus agités. Si elle n’était pas du genre à offrir son corps au premier venu, Miso n’était pas moins une jeune femme avec des besoins, et des envies, et lorsqu’elle s’adonnait, entre les draps de son lit, à quelques plaisirs, elle avait été surprise de penser à lui au paroxysme de son plaisir. Elle ne s’était pas attendue à ce que la vision du garçon vienne paraboler son plaisir et pourtant … il avait été là, s’imposant à elle avec force et la jeune femme avait jouit son désir en mordant sa lèvre. Elle n’avait pas honte de ce détail quand elle lui faisait face mais la pudeur lui valait de taire ce détail. Elle ne voulait paraitre vulgaire et indécente. Peut-être que si leur relation évoluait et les poussait à s’adonner à quelques ébats sulfureux, peut-être qu’elle pourrait lui glisser cette nouvelle avec un rire gêné. Mais à cet instant elle se contenterait de sa franchise et de manger son repas tranquillement. Elle mentirait si elle disait que les mots du garçon ne réveillaient rien en elle. Rare était les gens qui voulaient s’intéresser à elle, à ce qu’elle était réellement. On ne voyait plus que son statut, ou sa beauté mais ce détail faussait tout. Aciel se doutait de ce qu’elle faisait, il n’était pas de ces idiots qui gobaient le moindre mensonge s’il venait de la bouche d’une belle femme. Son âge ne semblait pas un frein non plus. Il n’avait pas besoin d’en dire trop, la plus simple de ses paroles lui suffisait. Ce qui m’attire chez toi. Elle lève ses yeux vers lui. Retient un sourire et se contente de boire une gorgée. Elle ne lâche pas son regard, plonge ses yeux amendes dans les siens. Déglutit lentement en retenant une slave de frissons qui descendit lentement le long de sa colonne. Ne soit pas ainsi avec moi Aciel. Miso était toujours au bord de sa falaise, luttant contre le vent pour rester stable sur le bout de ses pieds. Elle pourrait chuter et rêvait qu’Aciel amortisse sa chute, la retienne, lui accorde une nuit où elle oublierait tout. Et c’est avec une pudeur et un intérêt commun qu’il lui offrait. Une nuit où elle ne serait que Miso. La jeune et jolie Miso qui devrait se livrer, comme on le ferait à un premier rendez-vous. Après n’était-ce pas le cas ? N’avait-il pas manigancé cet entretien pour la voir, l’avoir, et partager rien qu’une soirée loin de leur business. Pas de Jun, pas de contrat, ni d’agence, ni de garde du corps. Juste eux. Eux. Il voulait tout savoir d’elle ? Homme cupide ? Homme fou aurait-elle voulu corriger mais elle laisse échapper un petit rire à ses pensées. Posant son repas elle attrape une serviette pour essuyer le bout de ses doigts délicatement. Essuie la commissure de sa bouche et humidifie ses lèvres avant de répondre simplement en prenant son verre. « La vie. » c’était sa réponse, son explication. Car plus la vie est dure avec vous plus vous apprenez à rendre els coups et à vous protéger. L’âge n’est pas ce qui définit votre maturité, ce qui vous définit ce sont les épreuves que vous avez traversées, que vous avez sur surmonter. Elle ancre son regard dans le sien et penche la tête sur le côté. « J’ai dû apprendre très jeune à réfléchir vite, à me protéger et à faire les bons choix, même sous pression. » dit-elle, restant évasive et pourtant si précise à la fois. « Mais je suppose que tu vois ce que je veux dire Aciel, pas vrai ? » Parce qu’elle voyait bien dans son regard que cet homme en face d’elle, c’était construit, c’était fait de lui-même, sans compter sur les autres et pourtant … il prônait ses valeurs, les tenait fièrement comme un étendard. C’était sûrement là leur plus grosse différence et ce qui l’attirait tant … Car Miso, bien qu’elle se voulait juste, savait pertinemment que dans son milieu l’honnêteté et la justice ne faisait bon ménage. Elle n’avait pas peur de ces hommes qui cherchaient à la dominer et savait rendre les coups par son intelligence. Elle n’avait pas besoin de force pour s’imposer. Son esprit et son sang-froid lui avait permis de se sortir de bon nombres de situations délicates. C’était pour cette raison, peut-être, qu’elle paraissait si assurée. Elle boit une gorgée de son verre et se penche sur ses jambes croisées pour y poser son coude. Elle lorgne sur son torse glissant à son ventre avant de remonter sur ses tatouages. « Est-ce que mon regard te dérange ? » demande-t-elle avec douceur et une attitude de flirt évidente. Elle n’était pas intrusive ni ne posait sur lui un regard dégradant, elle l’admirait, lui et son allure. Elle rêvait de lui retirer son haut mais se contentait de crisper un peu plus ses doigts sur son verre en buvant une gorgée. « Ma journée n’a été qu’une succession de chaos interminable. J’apprécie la surprise de cette soirée. » confesse-t-elle ne montrant sa réelle fatigue qu’un court instant alors que son regard se voile, enfant épuisé. Mais la jeune femme est pleine de ressource, et son sourire qui illumine à nouveau son visage le prouve bien. Elle ne le laisserait pas abattre et ce soir était un plaisir coupable qu’elle s’accordait, une nuit en dehors de son clan. Avec Aciel.